Allez, une dernière part de gâteau breton avant la traversée de l’Argoat, d’un bout à l’autre de l’Ille-et-Vilaine. Fougères était en 2018 ville de départ, elle est aujourd’hui ville d’arrivée. Une étape qui va musarder à travers la campagne et que les équipes de sprinters vont tenter de contrôler, histoire de s’offrir un second sprint massif en deux jours.
Hélas pour eux, c’est l’étape parfaite pour les rouleurs/baroudeurs de s’offrir un bon de sortie tant que le tour n’a pas encore trouvé son patron sauf que le vent, le vent, le vent est l’ennemi du coureur solitaire. Bref, une étape rythmée et les suiveurs de l’architecture contemporaine vont devoir se contenter de ce qu’ils trouvent sur la route.
Au sud-ouest de Rennes, faire un petit détour pour découvrir la mairie de Saint-Jacques-de-la-Lande signée LAN et livrée en 2016. Il s’agit là d’une autre illustration de la capacité d’une petite ville à allier une stratégie urbaine avec un geste architectural.
« Nous avons essayé d’imaginer un lieu qui puisse être à la fois un lieu de travail, un lieu de service à la population, un lieu de représentation symbolique, ainsi qu’un espace public générateur de nouveaux usages collectifs. Ce lieu est une réponse à la question ‘Comment fabriquer un symbole avec peu de mètres carrés, peu de moyens et un terrain trop grand ?’ », expliquent Benoît Jallon et Umberto Napolitano (LAN).
Et puis, pour ceux que la course ennuie et qui souhaitent rentrer chez eux, l’aéroport Rennes-Saint-Jacques, dont l’extension est signée Ducroq, Jean et Hosfeld, et la tour de contrôle de Philippe Brulé sont juste à côté. Sinon rejoindre la gare de Rennes signée AREP et livrée en 2019.
Car en effet, le gros morceau de l’étape pour les suiveurs qui s’intéressent à l’architecture contemporaine est la traversée de Rennes. Pour voir comment on s’y logera et y travaillera, ils peuvent commencer par aller constater où en sont les travaux d’EuroRennes, pas sûrs qu’ils sortent enchantés de l’expérience cependant… Faire ensuite un détour par le chantier de l’îlot Saint-Malo d’ANMA pour tenter de se rassurer, sans y parvenir vraiment. Et peut-être avant de quitter le quartier jeter un coup d’œil à l’immeuble bois signé Architecture Plurielle.
Puisqu’il est question de logement, en moins monumental certes, aller voir les six logements sociaux (400m²) dont deux d’insertion sociale construits par l’agence rennaise Atelier 56S (Fanny Landeau et José Prieto) dans un quartier pavillonnaire à Rennes. Livré en octobre 2019 pour 552 000 € TTC, « le projet assume son rôle de transition entre les volumes hétéroclites du quartier, maisons individuelles et immeubles de bureaux », indiquent les architectes.
Le projet de 56S s’appuie sur une grande rigueur de la trame en plan pour offrir aux logements les qualités essentielles à la vie des habitants, souvent absentes de ces opérations aux budgets serrés. La trame structurelle et la distribution centrale permettent d’organiser des logements traversants est/ouest.
Puis faire le détour par la ZAC Beauregard, livrée en 2019, et s’offrir des vues lointaines sur les vallées de l’Ille et de la Vilaine en montant aux derniers étages de l’immeuble de logements situé à la pointe sud du triangle du nouveau Cours des Arts dessiné par les architectes rennais d’a/LTA. A cette altitude propice aux voyages, le grand paysage se révèle à l’arrière de ce cockpit en ville.
Pour édifier cet ensemble varié de logements conjuguant le social et l’accession, le maître d’ouvrage NEOTOA a courageusement relevé le défi d’une « résidence intergénérationnelle ». Les architectes Maxime Le Trionnaire et Gwénaël Le Chapelain sont venus en 2013 remplir ce programme avec en tête l’idée d’un béguinage d’un genre nouveau.
La distribution aléatoire des maisons et ateliers d’artistes ménage des espaces a priori propices aux échanges car ils brisent l’effet panoptique qu’aurait suscité, sans leur présence, cette vaste ouverture ceinte de plots élevés. Une trop grande visibilité de chacun aurait pu, pour certains moins bien lotis, s’apparenter à « être exhibé » ou à « s’exhiber » et constituer ainsi un frein à la sociabilité.
Sinon, dans le centre, et puisque le peloton commence tard aujourd’hui, il y a le temps de visiter les Champs-Libres de Christian et Elizabeth de Portzamparc, nouvelle bibliothèque de Rennes Métropole et musée de Bretagne livrés en 2006. Un bâtiment étonnant de 14 000 m² dont l’architecte explique ainsi la conception : « Comment séparer et unifier en même temps, créer un tout avec trois éléments ? Je pensais au noeud, aux anneaux borroméens que le psychanalyste Jacques Lacan présentait tout le temps pendant ses cours, à la fin de sa vie. Je suis parvenu à mettre au point une solution qui était assez audacieuse, et qui me permettait de mettre en relief mon idée ».
Enfin avant de foncer vers Fougères à la poursuite du peloton, les suiveurs ne manqueront pas de rendre une visite impromptue aux confrères et consoeurs de Ouest-France, dont les nouveaux bureaux, livrés en 2020 par Kraft Architectes dans ce qui était un garage industriel, sont une démonstration de force et de pouvoir.
L’accès principal se retrouve naturellement au niveau du décroché des deux halles, en liaison directe avec le siège de Ouest-France. À l’intérieur, une rue centrale alimente l’ensemble des plateaux de bureaux traités en plan libre, en rez-de-chaussée et mezzanine, créant des doubles hauteurs baignées de lumière. Des émergences abritent les espaces statiques communs du projet, et créent des repères aisés dans le bâtiment tout en longueur.
Réhabiliter plutôt que de démolir et reconstruire ? Inventer de nouveaux lieux pour répondre à de nouvelles attentes ? Penser tant la qualité que le confort d’usages ? Répondre aux enjeux de notre société ? A vérifier donc mais du moment que les journalistes sont contents… Des suiveurs pourront même en profiter pour saluer le boss !
Restera à rattraper le peloton sans traîner si le suiveur tient à être sur la ligne d’arrivée.
Christophe Leray (dans la caravane)
Pour les suiveurs, retrouver :
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2021.
– Le Tour de France contemporain 2020 : Le départ ; La suite ; La suite de la suite ; L’arrivée.
– Le Tour de France contemporain 2019 : 1ère semaine ; 2ème semaine ; 3ème semaine.
– Le Tour de France contemporain 2018