L’agence de Montpellier Tautem (Adrian Garcin) a livré en janvier 2021 à Marseille (Bouches-du-Rhône), avec BMC2 Architectes, le groupe scolaire Antoine de Ruffi pour Euroméditerranée maître d’ouvrage. L’équipement de 4150 m² (22 classes et locaux communs) a été construit pour 10,5 M € HT avec le port et ses grands navires et les tours de Zaha Hadid et Jean Nouvel en fond d’écran. Communiqué.
Porter attention au site remarquable
A Marseille, à hauteur du bassin d’Arenc, le groupe scolaire Antoine de Ruffi occupe une place stratégique à l’entrée du nouveau quartier de la Méditerranée, et de son « parc habité » coordonné par l’urbaniste Yves Lion. Côté terre, le regard porte sur un tissu faubourien en mutation, parsemé de hangars, de silos, de savonneries dont jaillissent, rompant l’échelle générale, les grands ensembles d’habitation des années 70, et au loin, le massif de l’étoile, tout cela d’une grande minéralité de teinte chaude et claire.
En contrechamp, vers l’ouest, la mer, le port et ses grands navires, les tours de Zaha Hadid et Jean Nouvel, le ballet continu du viaduc autoroutier, tout cela plus scintillant, plus métallique et verrier. Au sud, les docks, les nouvelles opérations de logements et le quartier d’affaires amorcent quant à eux le devenir du quartier.
Se placer à hauteur d’enfants
Concevoir une école pour des enfants âgés de 3 à 11 ans, aux besoins très différents avec, en fin de compte, un seul point commun : qu’ils aiment aller à l’école, qu’ils y trouvent le cadre d’apprentissage à la fois accueillant et protecteur qu’on attend de l’institution. C’est pourquoi l’ergonomie, le confort, l’attention d’une mise à hauteur d’enfants ont guidés le travail de conception globale du groupe scolaire Antoine de Ruffi, et ce jusque dans les moindres détails.
Un symbole fort
La recherche de monumentalité, de durabilité, de solidité sont ici les réponses architecturales à la symbolique forte de construire une école publique.
La superposition de l’école maternelle organisée autour de sa cour en rez-de-chaussée et l’école élémentaire autour de sa cour et de son préau au R+2 permet de répondre à l’exiguïté de la parcelle mais suggère aussi qu’on s’élève dans ce site remarquable en apprenant et en grandissant…
Face urbaine – le monolithe sculpté
L’école Antoine de Ruffi est présente sur trois voies urbaines et en contact ouvert avec une mitoyenneté conformément au plan guide du quartier. Elle s’enroule autour de sa cour intérieure et se clôt sur les rues avec deux dispositifs : une équerre construite dont la face extérieure avec ses embrasures profondes, protège de la ville dense et parfois bruyante au Sud et à l’Est, et une colonnade à la fois présente et poreuse côté mer.
A l’angle de l’avenue Roger Salengro et de la rue Urbain V, le monolithe conjugue de prime abord, massivité et minéralité. Cette monumentalité est la condition pour exister dans ce quartier à très forte densité où vont s’élever des immeubles de logements de très grande hauteur, (jusqu’à 17 étages).
L’édifice limite volontairement le nombre de composants architecturaux et techniques pour garantir sobriété, pérennité et permettre une maintenance aisée. Construit en béton clair, entre le blanc nacré et le beige du sable de calcaire coquillé (cher à Pouillon), le bâtiment a été coulé en place et sans joints. L’entreprise Travaux du Midi a réussi cette mise en oeuvre y compris pour les parties ajourées du grand escalier urbain et toute la colonnade côté port.
Le travail soigné de « la peau » produit une alternance de parties sablées et lisses, mates et brillantes et un jeu d’ombres et lumières dans les embrasures. Ce jeu relève d’un travail de grande précision sur l’enveloppe, sa matière, la façon dont elle vibre avec les jours frisants.
Face mer – le rythme de la colonnade
Construite sur une trame de 120 cm, la colonnade est constituée de poteaux hexagonaux coulés eux-aussi en place. Elle élance le bâtiment et offre une protection solaire performante pour les expositions est et ouest. Le jeu d’ombres qu’elle crée évolue au fil des jours et des saisons, apportant ainsi de l’animation et du graphisme aux cours de récréations.
À la fois poreuse et protectrice, elle cadre les vues sur le port, le viaduc d’Arenc et le paysage de la Côte Bleue.
Les façades protectrices
Dans le groupe scolaire Antoine de Ruffi, chaque façade est particulière et adaptée à son exposition.
Coté avenue Salengro et rue Urbain V, les façades ont un rôle protecteur. D’une épaisseur de 100 cm, elles sont réalisées à partir d’un « double-mur ». Il s’agit d’un procédé de coulage simultané de deux voiles béton entre lesquels s’intercale un isolant rigide (système GBE®). Elles allient performance thermique et massivité des deux faces minérales. Dans cette épaisseur d’un mètre, s’installent des embrasures profondes et offrent à l’intérieur des vides utiles à l’intégration de rangements, plan de travail et circulations verticales des fluides. Les ouvertures dans cette minéralité épaisse sont néanmoins généreuses et participent d’une belle façade urbaine.
La toiture est constituée dans le même esprit : épaisseur protectrice, inertie, lumière du nord-est, sobriété donnée à voir aux riverains qui la surplombent.
Côté cœur d’îlot, les façades filtrantes mettent tous les locaux en communication de plain-pied avec la cour ou les balcons, au moyen de grands châssis coulissants métalliques ; c’est valable pour l’aile de la maternelle et les restaurants du rez-de-cour. Cette fluidité s’étend aux classes des étages, qui s’ouvrent sur des balcons profonds de 2 m où peuvent se prolonger les apprentissages…
L’étagement comme réponse à l’exiguïté de la parcelle
Sur cette cour intérieure, les deux ailes construites s’ouvrent théâtralement en balcons successifs. Leurs façades menuisées, sont entièrement coulissantes, donnant accès aux coursives depuis les classes.
Ici, l’étagement des écoles maternelle et élémentaire n’est pas un empilement par défaut. Si la maternelle s’ouvre de plain-pied sur sa cour ensoleillée et généreusement plantée, l’élémentaire s’organise autour d’une deuxième cour au R+2. Véritable pièce suspendue, et un peu extraordinaire, complétée par son préau en double hauteur, l’école Antoine de Ruffi offre une large vue sur le port, les deux tours de Jean Nouvel et Zaha Hadid qui s’élancent dans le ciel, et le grand paysage littoral qui s’étire jusqu’à l’Estaque. Une invitation à la contemplation et au rêve…