Trente ans plus tard, en mars 2022, j’ai redécouvert Petra, en Jordanie. Ce nouveau voyage avait pour but d’étudier la préservation d’un site classé patrimoine mondial par l’UNESCO : comment protéger une grande destination touristique et pour l’industrie hôtelière s’orienter vers un tourisme plus durable ? Carnet de dessins de Jean-Pierre Heim.
Le Covid 19 a été une nouvelle prise de conscience et affectera notre façon de voyager et améliorera nos comportements – économiques, sociaux et environnementaux – impactant le tourisme. Cela implique le transport local, l’hébergement, les divertissements, un style de vie bio-alimentaire plus sain. L’hôtellerie ferait un pas de géant avec un nouveau type de tourisme biologique suscitant un mode de vie plus durable en respectant l’environnement.
Il y a trente ans, le site était quasi vierge. En l’occurrence, j’ai redécouvert un site archéologique intact mais, à proximité, des sites aujourd’hui totalement chaotiques. A mon sens, c’est tout le périmètre du site mondial de l’UNESCO qu’il s’agit de protéger en établissant des règles de construction et de mobilité. Véhicule électrique ou calèche, il existe des moyens pour combiner les transports in situ avec de nouvelles façons d’adapter les matériaux, les connaissances et le savoir-faire des artisans locaux.
Après une longue marche de plus d’un kilomètre de long dans le Siq, le canyon le plus profond avec une falaise pouvant atteindre 100 mètres de haut, j’ai découvert Al-Khazneh « Le Trésor », l’un des temples les mieux conservés. Les archéologues pensent que la structure a été le mausolée du roi nabatéen Aretas IV au 1er siècle de notre ère. Il n’est cependant devenu connu sous le nom de « Al-Khazneh » qu’au début du XIXe siècle, ainsi nommé par les Bédouins de la région qui avaient dû y découvrir quelque trésor.
Comme pour la plupart des autres bâtiments de cette ancienne ville, y compris le monastère Ad Deir, la structure a été creusée dans une paroi rocheuse de grès, le style architectural un mélange d’influences mésopotamiennes et hellénistiques (grecques). Ad Deir le « monastère » de Petra est lui aussi daté du 1er siècle. Le Qasr Al Bin est le monument bâti en maçonnerie le mieux conservé, il s’agirait d’un sanctuaire utilisé pour le sacrifice.
Mais l’architecture qui a le mieux survécu est celle creusée dans les falaises rocheuses. Le théâtre aux tombeaux royaux, le tombeau à l’urne, le tombeau de la soie, le tombeau corinthien, le tombeau du palais et le Sextius Florentinus… Le site est immense et intense d’une beauté éternelle et chacun peut sentir l’énergie et l’essence spirituelle de l’environnement. Les nombreuses entrées du site donnent une idée de sa dimension.
Du matin au coucher du soleil, la falaise prend toutes sortes de nuances de l’ocre à l’orange et rend cette géographie unique. L’intérieur des monuments brille de couches multicolores de couleurs pierres et sable. Vu d’en haut, le site à l’air clos mais c’est un sentiment de protection qui domine une fois dans le canyon.
L’une des sept merveilles du monde moderne, Petra est une ville antique mystérieuse dotée d’un patrimoine culturel sans précédent qui connut à partir du VIe siècle avant J.-C. un véritable essor avec l’arrivée du peuple nabatéen, un peuple marchand nomade qui sut transformer le désert en jardin.
Grâce à un système ingénieux, les Nabatéens ont créé le captage et le stockage de l’eau et développé un système de canalisation creusé au cœur de la roche, des dispositifs qui permettront de récupérer l’eau et d’alimenter de nombreuses citernes et bassins présents dans la ville. En l’an 363, un énorme séisme détruit la ville et signe le début du déclin de Petra.
Oubliée pendant des siècles – oubli qui permit sans doute sa préservation – la cité troglodytique de Petra est redécouverte au XIXe siècle par Johann Ludwig Burckhardt un jeune explorateur. Deux cents ans plus tard, le développement économique est à ce jour lié à une forte fréquentation touristique. Une stratégie d’aménagement des abords du site s’impose désormais pour développer la qualité de vie des habitants et l’expérience des touristes sans dégrader l’environnement.
Jean-Pierre Heim, architecte
“Travelling is an Art” – Mars 2022
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