Pour cette étape, au départ de Roanne (Loire), les suiveurs du Tour de France contemporain de Chroniques iront vérifier des vertus de l’architecture, du logement social et du cinéma.
Dernière étape avant les Alpes et cette étape accidentée va permettre aux cadors d’effectuer les derniers réglages, aussi une échappée devrait pouvoir bénéficier à nouveau d’un bon de sortie. Mais, à travers les vignobles vallonnés des crus du Beaujolais, avec les (petites) ascensions des cols de la Croix Montmain et de la Croix Rosier et un final en montée, ils seront nombreux au départ à avoir coché cette étape.
Une longue étape de route pour les suiveurs qui, pour découvrir un peu d’architecture contemporaine, vont devoir faire un grand détour par rapport à la route du Tour. En tout cas, après une Praluline, création briochée aux pralines, au petit-déjeuner avec le café ou le thé, les suiveurs rejoindront d’abord le Scarabée, ouvrage signé Alain Sarfati et livré en 2008.
Souvent, la rationalité fonctionnelle apparaît comme un obstacle à la création. Dans le cas du Scarabée, la fonctionnalité a été un point d’appui pour prolonger et développer un système de forme originale. De fait, l’équipement se devait de contribuer à l’attractivité du territoire roannais avec deux vocations : l’accueil de salons, congrès et manifestations à caractère économique et l’accueil de spectacles culturels.
Depuis lors, le Scarabée a fait la preuve d’une qualité rare : sa polyvalence. Ceci expliquant cela. Pourtant l’architecte, dont le père était mécanicien, a le triomphe modeste : « nous n’avions pas l’argent pour faire une Ferrari, alors nous avons fait une SAAB » dit-il. Dit autrement, un équipement dont le moteur ronronne à la satisfaction des utilisateurs et usagers et qui ne tombe pas en panne.
« À mon âge, je ne fais que des bâtiments dans lesquels il y a du plaisir », expliquait alors l’architecte qui se montre reconnaissant de la liberté qui lui fut laissée de faire ses plis – une obsession personnelle – malgré « beaucoup de scepticisme ». « Plus l’idée du programme et l’attention à l’usage prennent de l’importance et plus l’architecture semble contingente, dépendante, loin de l’idée d’autonomie, de liberté si habituellement associée à la création, à la beauté », dit-il.
Alain Sarfati pouvait bien s’offrir le plaisir des plis de la peau du Scarabée, surtout quand le plaisir est partagé. « Cette salle plurifonctionnelle, le Scarabée, est la quintessence du paradoxe architectural. Posée en périphérie de la ville de Roanne, sans lien contextuel, elle doit par son organisation, permettre que se déroulent des expositions, des concerts, des manifestations sportives, des conventions, un marché, …tout ou presque. Il n’est pas prévu d’y habiter pour le moment, encore qu’à l’instar du théâtre de Marcellus à Rome, on pourrait imaginer un jour heureux ou une couronne de logements viendrait le compléter pour en faire un objet urbain », souligne Alain Sarfati.
Partis de bonne heure, bien avant le peloton dont l’arrivée n’est pas prévue avant 17h45, les suiveurs du Tour contemporain de Chroniques auront le temps de pousser jusqu’à Feurs pour se faire une toile et découvrir un projet qui va ravir les amateurs de cinéma.
En effet, en janvier 2020, l’agence LINK Architectes (Romain Chazalon, Jérôme Glairoux, Gérald Lafond) a livré un petit (750 m² – 1 682 000 €) cinéma de deux salles (196 et 92 places) pour l’association CinéFeurs, constituée de bénévoles. Construit dans le parc de la piscine municipale en lisière nord de la ville de Feurs, ce nouvel équipement permet de conserver un cinéma en ville en offrant une alternative aux multiplexes de la région.
À l’image du monolithe de Kubrick le bâtiment de LINK est un volume minéral sombre et énigmatique. Ancré dans le sol du parc au nord, il s’élève au sud pour accueillir le public et la ville. Les vides perçus dans le volume définissent le parcours en creux du porche d’entrée vers la salle. La matérialité uniforme et noire renvoie à l’objet même qui produit l’image, comme une ‘caméra obscura’ qui renvoie à la source de l’invention du dispositif visuel. On pénètre progressivement dans l’obscurité pour aller voir le film.
Structure générale en béton de parements architectonique teinte uniforme gris anthracite ; porteurs verticaux linéaires des façades et intérieurs par voiles de grande hauteur coulés en place sans aucune reprise horizontale de bétonnage intermédiaire : il n’y a aucun mystère constructif. C’est le mystère de ce projet qui touchera les suiveurs car CinéFeurs est une maîtrise d’ouvrage privée, une association de bénévoles passionnés qui ont fait de ce projet de salles d’art et d’essai un combat citoyen et culturel pour leur commune. Il faut y croire !
Certes le travail de LINK a largement dépassé le cadre professionnel de la maîtrise d’œuvre. « Il s’agissait aussi d’un travail d’accompagnement, de programmation, de pédagogie et d’études participatives auprès d’acteurs non expérimentés afin de bâtir pour et avec eux un projet singulier pour faire renaître CinéFeurs », explique l’agence.
Et voilà !
Les suiveurs vont poursuivre sur les petites routes de la Loire et pousseront jusqu’à Gleizé, petite commune d’environ 8 000 habitants. Parmi eux, les heureux locataires ou propriétaires de 24 maisons passives en bois / paille et sans système de chauffage dessinées par JAA architecte et réalisées par Mercier Immobilier, une première en France à cette échelle.
« L’Opac du Rhône est désormais résolument engagé dans une politique environnementale. Ainsi, dans le cadre de l’opération de la ZAC des Charmilles, où il est aménageur depuis 2013, il porte, avec la commune de Gleizé, une attention soutenue à la qualité environnementale de ce projet », expliquait l’aménageur en 2021.
C’est l’occasion pour les suiveurs de retrouver la paille en construction, avec laquelle ils se sont déjà familiarisés à Clermont-Ferrand. Les concepteurs assuraient « des maisons durables et confortables pour leurs habitants… qui génèrent de fortes économies sur le chauffage en hiver et l’isolation en été ». Maisons à ossature bois, elle est isolée avec de la paille « matière première biosourcée renouvelable et saine, possède une durée de vie supérieure à d’autres isolants plus couramment utilisés. Elle assure à la fois un confort d’été et d’hiver optimal et offre ainsi la meilleure qualité de vie aux habitants ».
Ce que les suiveurs pourront donc vérifier. Et se poser la question de l’intérêt « écologique » de ce simili village perdu en cambrousse.
Avant de remonter vers Belleville-en-Beaujolais, les suiveurs pourront se restaurer et se rafraîchir à Villefranche-sur-Saône avant ou après la visite d’une venelle créée ex nihilo par l’agence Petitdidier-Prioux autour de laquelle découvrir 17 logements collectifs et 13 maisons « imbriquées » de part et d’autre. Le programme commandait seulement 30 logements PLSA. Les architectes ont imaginé le reste. Frappant !
Situés à proximité du centre-ville, le programme de logements et un parking devaient s’inscrire sur une parcelle longue et étroite entre un boulevard urbain sans style déterminé et un jardin public jusqu’ici enclavé dont le seul accès se trouvait dans une ruelle sans lien avec le boulevard. D’emblée, Cédric Petitdidier et Vincent Prioux ont pris le parti de créer une venelle traversant toute la parcelle, en son centre sur toute la longueur, afin de relier ce jardin public au boulevard.
Ce qui, en langage d’architecte, donne : « le projet endosse le double rôle de mettre en valeur un tissu urbain hétérogène et de proposer une connexion avec le cœur de Ville ». C’est vrai à tel point que le maire de la ville a finalement transformé cette venelle en voie urbaine avec un nom et un numérotage. Sauf qu’en amont cette option était une « possibilité que le règlement urbain ne suggérait pas explicitement », comme en sourient encore, sous forme d’euphémisme, les architectes. Lesquels se sont retrouvés alors avec deux petites parcelles de part et d’autre de la venelle et un lot de questions et problématiques imprévues à gérer.
En conséquence, le projet est passé « par une approche complexe de la forme urbaine ». En clair, ce sont deux typologies distinctes de logements qui ont été édifiées de part et d’autre de cette venelle : au nord, une ‘barrette’ traversante de deux étages, au sud des maisons imbriquées. « Elles développent toutes deux des principes de ‘transition douce’ de la sphère publique à la sphère du logement et offrent une habitabilité supérieure aux normes courantes du logement social, tout en étant dans des surfaces contraintes », assurent les architectes.
Bref, pour les suiveurs, l’occasion de découvrir à quel point le logement social peut se révéler source d’innovation et de confort. Mais cela, les amateurs du Tour contemporain de Chroniques le savent déjà.
Après avoir rejoint l’arrivée et assisté à la victoire du héros du jour, une fois les reportages envoyés aux diverses rédactions, les suiveurs rechercheront la fraîcheur et pourront se régaler d’une friture d’ablettes, d’un assortiment de charcuterie ou d’une salade fraîche, avant une bugne en dessert. Le tout évidement arrosé d’un vin local, chacun à son goût tant ici, en Beaujolais, la carte est généreuse. Aux suiveurs alors de méditer encore la remarque de Pline L’Ancien : « L’homme doit au vin d’être le seul animal à boire sans soif ».
Christophe Leray (dans la caravane)
Pour les suiveurs, retrouver :
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2023
– Toutes les Reconnaissances d’étape du Tour de France contemporain 2023
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2022
– Toutes les Reconnaissances d’étape du Tour de France contemporain 2022
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2021.
– Le Tour de France contemporain 2020 : Le départ ; La suite ; La suite de la suite ; L’arrivée.
– Le Tour de France contemporain 2019 : 1ère semaine ; 2ème semaine ; 3ème semaine.
– Le Tour de France contemporain 2018