En s’élançant de Saint-Quentin-en-Yvelines (Yvelines), les suiveurs finissent ces trois semaines de tour contemporain comme de coutume sur les Champs-Élysées à Paris. Cette étape reposante au début permettra de boire, à la manière des coureurs, une coupe de champagne bien méritée avant d’atteindre les Champs-Élysées et la frénésie du sprint final.
Au départ de cette toute dernière étape, pour les suiveurs du Tour de Chroniques, prendre d’abord la direction de Clairefontaine-en-Yvelines et du Campus Pernod Ricard signé de l’agence Cyril Durand-Behar. Ce vaste ensemble se décompose en plusieurs éléments programmatiques et patrimoniaux nichés dans le vaste domaine boisé du château du Domaine de La Voisine longtemps appelé Château Ricard.
Ce campus réactive par groupes les différents axes de travail du géant des spiritueux autour du Prieuré, du Chai, des Hameaux et du Château, le projet composant avec cet ensemble hétéroclite de programmes, de bâtiments et de fonctions.
Chaque entité historique déploie une identité forte, maximisée suivant son contenu. Les parties neuves introduisent un langage contemporain ouvert sur le bois pour les hébergements des hameaux, bâtiments-paysage pour le chai et extension contemporaine en polymiroir pour le château.
« Quatre pôles majeurs, quatre architectures différentes, quatre matériaux récurrents et fédérateurs : la pierre, le bois, le béton et le métal. Le projet s’inscrit dans une démarche HQE et BREAM de niveau « Very Good », faisant ainsi de ce projet un site novateur, économe en consommation d’énergie et respectant au plus haut niveau les écosystèmes existants », souligne l’agence.
À parcourir cet ensemble hétéroclite, entre patrimoine et architecture contemporaine, les suiveurs retrouveront un condensé de leurs découvertes de ces trois dernières semaines. Si les coureurs ne tolèrent qu’une coupe de champagne, rien n’empêche les suiveurs avant de partir de s’offrir un petit jaune de toute première fraîcheur pour fêter la dernière étape.
Ces derniers, s’ils sont maintenant habitués à lutter contre les pics de chaleur estivaux, tragiquement communs désormais, feront cependant une halte bienvenue au Pôle Nautique de Mantes-en-Yvelines livré en 2011 par Dubuisson Architecture et affineront ainsi leur connaissance des pôles nautiques français. Ils découvrent un équipement situé sur les coteaux du Vexin en surplomb de la Seine.
La façade sur ville déploie plusieurs niveaux de filtres, comme des moucharabiehs, pour fabriquer une transition entre l’échelle urbaine et le grand paysage. Le projet est à la fois un bâtiment-paysage ondulé et un seuil en lui-même entre la minéralité urbaine et la végétation des coteaux et du bord de Seine.
« L’architecture incarne cette transition douce : le toit végétalisé réplique les coteaux du Vexin, les courbes du moucharabieh géant qui protège la paroi vitrée côté ville évoquent des vagues, ainsi que les ondulations du toit. Et ces ondulations sont également fonctionnelles, puisqu’ elles marquent, de manière symbolique, les frontières des univers successifs que l’usager traverse avant de s’immerger dans les bassins, et les côteaux du Vexin », détaillent les architectes.
Cette dernière étape aquatique parachève cet inventaire à la Prévert des typologies aqualudiques pour nos suiveurs désormais toujours munis d’un jeton de casier, d’un bonnet de bain et du maillot réglementaire.
Une fois qu’ils sont rhabillés, l’approche de Paris emmène les suiveurs à Saint-Germain-en-Laye vers un autre campus, plus institutionnel, celui du Syndicat Interdépartemental pour l’Assainissement de l’Agglomération Parisienne (SIAAP) revisité par Jean-Philippe Pargade et livré en 2021.
La composition linéaire du projet, structurée autour d’une épine centrale qui relie un arboretum à la forêt de Saint-Germain, permet de distribuer des pavillons accueillant les différents programmes : accueil du site, ateliers, magasins, fonctions administration, laboratoires d’analyse, vestiaires, restauration, espaces de repos dans un système en peigne efficace.
Les vides ménagés laissent pénétrer le paysage, voire le fabrique, et permettent au site d’entrevoir de futurs ajouts programmatiques nécessaires. L’architecte en appelle à une figure classique de la composition : « à l’image d’une « bastide » contemporaine bien délimitée par un tracé géométrique affirmé, le projet donne une image urbaine forte et unitaire au cœur d’un site industriel dont il regroupe l’ensemble des fonctions transversales (laboratoires, ateliers de maintenance, bureaux, restaurant du personnel, etc.). D’une grande liberté d’organisation, lieu de vie et d’échanges, il est un outil efficace au sein de l’exploitation », explique-t-il.
Les suiveurs de l’architecture contemporaine peuvent alors comparer ensemble ces deux campus qu’ils viennent de visiter : l’un s’appuie sur une trame historique préexistante, l’autre est une création ex nihilo. Les deux projets cependant cherchent des tracés régulateurs avec en ligne de mire les structures paysagères existantes dans la droite inspiration des campus à l’anglaise.
L’entrée dans Paris permet aux suiveurs de se rendre à l’université Paris-Descartes pour découvrir les deux amphithéâtres de l’agence AZC (Irina Cristea, Grégoire Zündel). La démolition puis la reconstruction de cet équipement dans un site contraint bordé par des architectures variées (ensemble de logements, bâtiments universitaires préfabriqués, immeubles de logements parisiens) impliquaient des choix conceptuels et constructifs pour s’implanter dans ce cœur d’ilot.
L’exiguïté du site convoque assez naturellement la filière sèche et une construction métallique, associée à des retraits réglementaires qui façonnent le gabarit « disponible ». Ce bâtiment en portique se déploie à la façon d’une longère. « Sa définition est claire et minimaliste (…) et vise à renforcer l’identité propre du cœur d‘îlot parisien, par une image qui rappelle les ateliers-granges », précisent les architectes.
Le bardage bois à claire-voie s’oppose à la minéralité environnante tant par sa matérialité que son dimensionnement. Une large terrasse elle aussi en bois recouvre l’ensemble du sol et propose une forme d’aménité frugale pour les étudiants friands de regroupement.
Les suiveurs, lancés dans des parcours thématiques, continuent leur périple parisien et font leur dernière halte à l’université de Droit-Paris qui a pris ses quartiers dans l’ancienne caserne Lourcine et sa place d’armes. L’agence ChartierDalix (Frédéric Chartier, Pascale Dalix) y installe avec justesse un ensemble vaste et complexe regroupant sur 9 710 m² un amphithéâtre de 500 places, 27 salles d’enseignement, 2 000 m² de bibliothèque, 1 500 m² de bureaux et deux logements de fonction.
Le projet s’adapte au lieu en conservant son identité et ses traces tout en requestionnant ses archétypes. La place d’armes qui n’a plus lieu d’être conserve son rôle de vide central et s’incline légèrement pour accéder au programme en R-1. Ce décaissement végétal apporte une lumière opportune à ces espaces en négatif tout en refabriquant un paysage immédiat proche de la figure du patio. Cette approche du ‘groundscape’ théorisé par Dominique Perrault permet de redonner toute son importance au cœur d’ilot comme point névralgique et de départ du retour de la biodiversité du campus.
« Au cœur d’un quartier dense où la caserne formait une zone étanche, la réouverture du site à son environnement proche permet l’émergence de nouveaux récits. L’îlot devient le support actif d’un lieu des possibles, où des pratiques inédites se mêlent à des innovations d’usages », indiquent les concepteurs.
Les vastes bâtiments existants prolongent ce travail sur l’identité et l’invariant minimum, en ramenant le projet à l’os pour y réinstaller uniquement les ouvrages nécessaires à ce nouveau programme et parfaire aux exigences contemporaines. « Nous aimons parler de « métamorphose » plutôt que de réhabilitation : il s’agit pour nous de tirer parti d’un vécu pour en construire un nouveau, plus riche encore. La caserne Lourcine, reconvertie, devient le reflet d’une réflexion contemporaine sur la continuité, le lien, et le lien que peut créer l’architecture entre passé et avenir », concluent les architectes.
Les suiveurs en ont maintenant terminé de cette longue balade à travers l’architecture de la France contemporaine et regagnent les Champs-Élysées. Fidèles à leurs nouvelles habitudes, ils se trouvent une place de choix pour voir passer et repasser le peloton et installer leur glacière, objet devenu indispensable pour garder au frais les victuailles glanées sur les routes du pays et prendre la hauteur nécessaire pour contempler la folle ronde du peloton. Des boissons fraîches soigneusement conservées ces trois dernières semaines sont ouvertes après l’arrivée et les saveurs rappellent aux suiveurs à la fois des lieux, des ambiances et des moments simples de joie collective au bord des routes françaises. Ils finissent repus et déjà tristes de quitter ce grand barnum.
Nul doute que dès l’automne et l’annonce du prochain tracé, ils commenceront à planifier leur prochain Tour de France de l’architecture contemporaine.
Guillaume Girod (dans la caravane)
Pour les suiveurs, retrouver :
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2023
– Toutes les Reconnaissances d’étape du Tour de France contemporain 2023
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2022
– Toutes les Reconnaissances d’étape du Tour de France contemporain 2022
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2021.
– Le Tour de France contemporain 2020 : Le départ ; La suite ; La suite de la suite ; L’arrivée.
– Le Tour de France contemporain 2019 : 1ère semaine ; 2ème semaine ; 3ème semaine.
– Le Tour de France contemporain 2018