À Paris (XXe), pour la ville maître d’ouvrage, l’agence parisienne Graal (Carlo Grispello et Nadine Lebeau) a livré en 2024 le complexe sportif Angélique Duchemin,* soit dojo, salle de boxe et quatre terrains extérieurs dont deux couverts. Surface : 740 m² bâtiment (1 050 m² de terrain couvert, 580 m² de terrains non-couverts). Budget : 3,60 M€ HT. Communiqué.
En bordure du quartier du XXe arrondissement de Paris, dans l’un des quartiers les plus pauvres de la capitale, le centre sportif est situé dans un terrain enclavé entre un passage reconnu comme un important spot de street art et d’imposants immeubles de logements sociaux. Au cœur de la première ZAC de Paris créée dans les années ‘70, la conception du nouveau centre sportif Angélique Duchemin est issue d’une forte démarche de concertation avec les acteurs locaux.
Le bâtiment créé a pris place le long de la venelle piétonne, renforçant son statut de « spot » par l’implantation d’un mur opaque de 45 mètres définissant le soubassement et la limite du nouvel équipement sportif. Le dojo, la salle de musculation ainsi que des salles à usage associatif sont logés dans un volume simple et optimisé surmontant la paroi maçonnée.
Complété par les quatre terrains sportifs dont deux couverts, l’ensemble forme une enceinte uniforme qui génère en négatif un nouvel espace public par l’élargissement de la venelle au croisement de la rue des cendriers. La forme et la teinte neutre du bâtiment confère à l’ensemble une valeur de réconciliateur entre la dimension domestique des rues faubouriennes et la présence implacable des résidences sociales qui le surplombent. La prégnance de ces silhouettes claires et immaculées encerclant le site impose au centre sportif de se coaguler en un objet compact capable de répondre aux tonalités multichromatiques environnantes.
L’ensemble des usages chauffés sont rassemblés dans un bâtiment au volume à l’enveloppe métallique blanche. Cet objet simple et efficace est prolongé à l’arrière par une extrusion translucide en polycarbonate. Bien que deux fois plus grand, ce second édifice qui abrite les deux terrains couverts, se diffuse discrètement dans l’espace en creux formé par les barres qui ceint le centre sportif. L’archétype trivial du hangar, l’architecture la plus efficace pour accueillir des usages variés et non contraints, se déshabille ainsi peu à peu. Alors que les terrains couverts se délestent des murs de partition, réduisant le volume à un simple toit, les terrains non couverts, définis uniquement par leurs clôtures diaphanes, diluent peu à peu le périmètre de l’espace architectural.
Malgré une géométrie radicalement simple et des matériaux manifestement économes, le centre sportif s’intéresse à produire des effets de transparence et de relations matérielles qui enrichissent alors la qualité spatiale et d’usage de ce programme essentiel au quartier.
Abritée par une structure métallique, blanche à l’extérieur et bleu à l’intérieur, la structure métallique globale veut rappeler l’importance de définir une architecture sans contenant, où la séparation entre ce qui l’habille – un bardage strié qui séquence la masse de l’enveloppe – et ce qui l’occupe est déterminante. L’équipement est organisé de façon à permettre une fluidité d’accessibilité et d’usage tout en garantissant un contrôle des flux.
La salle du dojo située à l’étage joue quant à elle sur les nuances bleu foncé en contraste avec l’enveloppe mais en accord avec la pratique de la discipline qui nécessite des teintes profondes propices à la concentration. Pourtant de fabrication et de pose standard, les menuiseries extérieures apportant la lumière naturelle à l’étage, génèrent une ambiance solennelle mettant en avant l’importance du sol dans les sports de combat et évitant ainsi l’éblouissement des sportifs. Cette lumière rasante, ainsi que la peinture de l’ensemble des éléments structurels comme techniques, fait disparaître les organes de ventilation et de chauffage sans devoir recouvrir l’espace d’un plénum technique, offrant donc une économie de coût et un gain de hauteur sous plafond.
À l’inverse, au rez-de-chaussée, les différents espaces (salle de boxe, salle associative, vestiaires et annexes) profitent d’une grande clarté grâce à la mise en œuvre soignée des parpaings qui offre à ce matériau industriel une qualité autre par l’attention portée à leurs jointures et au dessin fin des réseaux apparents allant des conduits de ventilation aux interrupteurs.
Alors que la totalité des terrains sont protégés par une maille métallique de teinte elle aussi blanche, le bâtiment s’intègre dans le site en s’effaçant derrière un simple mur en parpaing gris qui accepte que les pratiques urbaines soient parfois plus fortes que n’importe quel dispositif architectural.
De la même manière que les volumes couverts ont pour seul but d’accueillir la pratique sportive, sans chercher à développer un langage propre, les surfaces offertes au public sur la venelle – surnommée « rue des graffitis » – sont elles aussi pensées pour recevoir une pratique habitante structurante dans le quartier.
Le centre sportif Angélique Duchemin illustre la conviction que la sobriété, le strict minimum et l’économie du projet sont autant des postures architecturales que des armes de dialogue social. Là où l’austérité se fait par la soustraction, la sobriété se fait ici par la multiplication : un mur qui est structure et second œuvre, une clôture qui dédouble un volume, un matériau industriel qui se révèle par son rapport à la lumière, rendant l’ensemble plus généreux en usages.
*Lire notre article Centre sportif Angélique Duchemin : y’a de la joie
**(Re) découvrir les chroniques de Clément Guillaume