
Bobo-Dioulasso, l’ancienne capitale du Burkina Faso fait perdurer la tradition des mascarades dédiées à des défunts ou à des ancêtres, mais aucun défilé ne célèbre le kuru, esprit protecteur de la ville et de ses habitants dans la tradition Bobo. L’esprit bienveillant du photographe nantais Alban Lecuyer était là.
Bobo-Dioulasso a été fondée au XIe siècle sous les auspices du kuru, divinité protectrice de la cité et de ses occupants. Depuis, la ville s’est développée en absorbant les villages voisins puis en provoquant l’émergence de nouvelles périphéries, jusqu’à devenir une métropole de plus d’un demi-million d’habitants.
Kuru, l’esprit de la ville est un projet photo et vidéo qui explore l’évolution de Bobo-Dioulasso, de ses géographies physique, sociale et politique. Dans quelle mesure les nouveaux modes d’urbanisation s’affranchissent-ils de la dimension mythologique qui présidait aux premiers peuplements de la région ? Que reste-t-il du pacte noué entre les ancêtres fondateurs et le kuru lorsqu’on s’éloigne du centre historique pour gagner les usines de la zone industrielle ou les banlieues plus occidentalisées apparues au cours de la dernière décennie ? En adoptant la forme d’un récit uchronique, où les nouvelles modes architecturales se substituent peu à peu au berceau originel des premiers habitants, ce travail amorce une réflexion plus large sur la place de la spiritualité dans la construction de la ville contemporaine.
Sortie de masques albinos dans le quartier historique de Dioulassoba

Les familles économisent parfois pendant plusieurs mois pour organiser ces mascarades destinées à assurer un repos paisible aux défunts.
Sanou Fénémé Simon Pierre, chef de terre et chef coutumier de Sya, berceau originel de Bobo-Dioulasso, et gardien du fétiche du kuru

La charge de garder le fétiche et les trésors qu’il renferme se transmet de père en fils depuis des générations.
Fétiche érigé en l’honneur du kuru lors de l’établissement des premières populations sur le site de Bobo-Dioulasso

Les collages à plat de tissu wax et d’emballages de bouillon Maggi Kub présents sur certaines images renvoient à l’invisibilité des récits entretenus par les initiés de la culture Bobo et à l’importance du secret dans la transmission des traditions collectives en Afrique.
Message de Moussa Sanou, initié bobo
Initiés par une série de rites à la sortie de l’adolescence, certains hommes sont dépositaires des secrets de la culture Bobo, notamment du culte du kuru.
Ancien hôtel de ville de Bobo-Dioulasso

La matière textile – issue des chutes du tissu kôkô donda, très populaire au Burkina – rappelle l’embrasement de la métropole lors de la révolte de 2014, qui a poussé l’ancien président Blaise Compaoré à fuir le pays.
Sanou Seydou, descendant de la famille fondatrice de la konsa, la première maison-mère de la ville

Les trois maisons-mères de Bobo-Dioulasso attestent de la volonté des ancêtres fondateurs d’établir un hameau à Sya, berceau originel de Bobo-Dioulasso, sous les auspices du kuru.
Chantier de la future bourse du travail en centre-ville de Bobo-Dioulasso

Carrière sauvage de briques en latérite (roche rouge) dans la zone dite « non-lotie » du quartier de Belleville

Les migrants venus des régions rurales du Burkina ou des pays voisins s’installent en périphérie de la ville en espérant profiter de la dynamique économique de la ville.
Maisons érigées en périphérie du quartier de Belleville

Bobo-Dioulasso se développe par cercles concentriques, à mesure que les autorités intègrent les nouveaux quartiers non-lotis dans les limites officielles de la municipalité.
Pour les protéger des termites, les éleveurs relèvent contre les arbres les tiges de mil qui serviront à nourrir le bétail

Cordonnets termites dans les ruines des résidences secondaires de l’ancien président Blaise Compaoré

Gaoussou Sidibé, danseur de la compagnie Katouma, dans les ruines des résidences secondaires de l’ancien président Blaise Compaoré

Le site sacré de Dafra, au sud-est de Bobo-Dioulasso

Les photographies s’accompagnent d’un court documentaire fictionnalisé racontant comment des plasticiens, des artisans, des chorégraphes et des danseurs burkinabè ont mis en œuvre un défilé de masques contemporains en l’honneur du kuru, depuis le quartier originel de Dioulassoba jusqu’aux espaces non-lotis construits en marge de la cité. Les porteurs de masques y dansent jusqu’à l’épuisement pour questionner le développement de plus en plus rapide de leur territoire vécu.
Le film (17 min.) est visible à l’adresse : https://vimeo.com/561252655
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Actualités :
– 10 mai-22 juin 2025 : exposition personnelle Downtown Matador (église Saint-Étienne de Beaugency, 45) dans le cadre de la résidence ARDELIM 2024/2025.
– 23-24 mai : présentation de mon travail Ici prochainement : Sarajevo (éd. Intervalles) dans le cadre du colloque international L’imaginaire de Sarajevo (Université de Sarajevo, Bosnie-Herzégovine).
– 16 juillet-23 novembre 2025 : exposition collective Vanités modernes – nos territoires et la ville (National Taiwan Museum of Fine Arts, Taïwan).