Rénové, modernisé, agrandi, le Palais Omnisports de Paris-Bercy, l’un des bâtiments parmi les plus emblématiques du paysage de la capitale, est devenu l’Accorhotels Arena sous la houlette des architectes de l’agence DVVD. Un programme ambitieux, des exploits techniques, un chantier réalisé en deux phases et en 17 mois seulement. Daniel Vaniche, architecte, ingénieur et fondateur de l’agence DVVD, revient sur les éléments marquants de cette aventure.
Ce concours était-il comme les autres ?
Daniel Vaniche : Absolument pas. Ce projet est né d’un concours sur des bases complexes impliquant, outre un projet architectural, un ‘business model’ lié à l’exploitation du site. L’enjeu était bien entendu de prévoir des revenus permettant de couvrir les coûts de cette lourde transformation. L’architecture devait donc prendre en compte les logiques dictées par l’exploitation du site. En d’autres termes, il nous fallait savoir combien le projet coûterait mais aussi, chose exceptionnelle, combien il devait rapporter.
Quel était le programme de cette restructuration ?
Le programme minimal portait sur une remise aux normes techniques, de sécurité incendie et d’accessibilité des personnes à mobilité réduite (PMR). Pour le reste, tout était à l’appréciation des équipes réunissant architectes, ingénieurs et exploitants, chacun devant fixer le niveau de prestation des espaces publics, la qualité des espaces sportifs et de production, les surfaces de salons ou le nombre de loges. La jauge n’était pas, non plus, définie. Il était même anticipé dans le programme une baisse du nombre de siège pour intégrer notamment les places PMR.
Vous avez toutefois augmenté le nombre de sièges…
Voilà sans doute pourquoi nous avons gagné. Nous avons en effet augmenté la capacité de Bercy. Nous sommes passés de 17.000 à 20390 places dont 120 pour PMR. Ce qui nous a permis de créer les places VIP attendues tout en augmentant la jauge grand public.
In fine, d’aucuns pourraient s’interroger sur le bienfait d’une restructuration plus que d’une démolition-reconstruction…
Pouvez-vous imaginer Paris, trois ans durant, sans Bercy ? C’était, en tout cas, impensable pour la ville. Cela aurait signifié ne pas organiser les tournois parmi les plus prestigieux au monde, voire prendre le risque de ne plus jamais les recevoir. Aussi, dans l’hypothèse d’une démolition, il aurait fallu, avant toute opération de démontage, construire ailleurs, en périphérie afin d’assurer la continuité des événements et renoncer, par la même occasion, à une adresse stratégique, alors que Paris est la seule grande capitale, avec New York et son Madison Square Garden, à proposer un tel équipement dans son hypercentre…
Travailler l’existant signifiait-il respecter l’architecture originale d’Andrault et Parat ?
Nous n’avions aucune indication à ce sujet. Nous nous sommes donc fixés nous-mêmes nos propres limites. Il y avait, à nos yeux, une évidence quant à la préservation du toit, des quatre poteaux en béton brut qui le portent, et des pentes engazonnées qui font l’image de cet équipement. Ceci étant dit, si nous avons conservé la silhouette de la construction d’Andrault et Parat, nous avons transformé totalement l’intérieur de la salle prévue pour n’être, à l’origine, qu’un vélodrome. Ce n’est, effectivement, que plus tard que la décision fut prise d’y organiser des concerts. Le lieu a pu ainsi vivre 30 années extraordinaires. Toutefois, Bercy s’est récemment révélé être de moins en moins adapté aux productions de spectacles musicaux toujours plus exceptionnels ou encore pour l’organisation de tournois sportifs plus exigeants. N’oublions pas que la concurrence internationale est, dans le domaine des Arenas, particulièrement rude.
Comment avez-vous amélioré la salle sans transformer radicalement la physionomie de l’existant ?
C’était un véritable jeu de taquin ; tout ce que nous déplacions devait retrouver une meilleure localisation. Nous avons tout d’abord créé un hall d’accueil qui n’existait pas. Nous y avons placé un restaurant et un bar. Nous avons ensuite récupéré des places de parking mais aussi des espaces résiduels sous les pans inclinés soit près de 10.000 m² supplémentaires. Nous avons ensuite imaginé une nouvelle distribution des éléments programmatiques. Nous avons repensé deux espaces techniques pour la livraison et la construction des spectacles, une zone VIP plus importante et mieux distribuée, un espace presse plus fonctionnel mais aussi des vestiaires dignes de ce nom et une zone pour la production de spectacles adjacente pour les mutualiser. Nous avons rationalisé le plan en distinguant trois flux différents : celui des spectateurs, celui des VIP et celui des producteurs, sportifs et artistes.
Le chantier s’est fait en deux étapes, pourquoi ?
Nous avons fait des travaux préparatoires pendant sept mois, en intervenant autour de la salle sans y toucher en profondeur. Bercy a dû ensuite réouvrir pour accueillir le Master 1000, un événement indéplaçable. Nous avons, immédiatement après, repris le chantier pendant dix mois en travaillant cette fois-ci à la restructuration complète de la salle, et de tous les espaces attenants. Si la salle semble avoir peu changé, c’est une prouesse, parce que les deux seules choses que nous avons conservées sont le principe d’un plan octogonal et la résille en toiture !
La forme pyramidale de l’ensemble était particulièrement contraignante. Ceci dit, nous sommes arrivés à réaliser tout ce dont Bercy avait besoin pour se mettre au rang des plus belles salles du monde. Par ailleurs, ce même projet de 55.000 m², entièrement neuf, aurait été sans doute plus imposant et massif dans le paysage. Le respect de l’architecture d’Andrault et Parat nous a vraisemblablement conduits à une meilleure intégration. En somme, de la contrainte est née la finesse de ce projet.
Propos recueillis par Nancy Angama
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