‘BIMBY’ est un acronyme signifiant ‘faire émerger la ville durable des tissus pavillonnaires existants’. Tel était l’intitulé du colloque qui s’est déroulé à l’ENSA Paris-Belleville les 17 et 18 septembre 2012 et a réuni plus de 500 participants. La densification des quartiers de maisons individuelles existants est possible. Démonstration.
‘BIMBY’ est une abréviation tirée de l’expression anglaise ‘Build In My Back Yard’. Rassemblant dix partenaires publics*, ce projet de recherche lancé en 2009 vise la constitution d’une nouvelle filière de production de logements capable d’intervenir dans les tissus pavillonnaires existants sous forme de division parcellaire, d’extensions de maisons existantes ou de leurs recompositions.
Ces processus de densification des tissus pavillonnaires se pratiquent déjà depuis longtemps de manière individuelle. Le projet BIMBY consiste à les exploiter et développer des outils de politique urbaine au-delà des initiatives privées.
Quel est la réflexion sous-tendant le projet BIMBY ?
En France, l’étalement urbain progresse avec l’urbanisation d’une surface équivalente à celle d’un département tous les sept ans. Les tissus pavillonnaires représentent la plupart des surfaces urbanisées et ils sont considérés comme l’une des principales causes de ce phénomène d’étalement.
Selon l’Ordre des architectes, 97% du foncier dédié chaque année au logement est attribué à la maison individuelle. Pourtant, en analysant les caractéristiques des tissus pavillonnaires existants, de constater qu’ils peuvent générer une forme urbaine qui enraye l’étalement urbain.
Leur construction est très souvent définie par des règles de coefficient d’occupation des sols, de mitoyenneté et de prospect qui génèrent beaucoup de petits espaces non bâtis tels ceux liés à des maisons détachées les unes des autres, souvent situées en milieu de parcelle, etc.
En les transformant en micro-terrains à bâtir, les tissus pavillonnaires existants représentent un gisement foncier exceptionnel qui demeure quasiment inexploité aujourd’hui. Des divisions parcellaires ou des recompositions de maisons existantes sont envisageables pour libérer des surfaces constructibles et créer de nouveaux logements.
19 millions de maisons individuelles existent actuellement en France et 200.000 maisons sont construites chaque année. Si un propriétaire sur 100 décidait de diviser son terrain pour produire un terrain à bâtir supplémentaire, 190.000 nouveaux logements pourraient être créés, ce qui équivaut à la production annuelle de maisons individuelles sans engendrer d’étalement urbain.
Plus encore, si deux terrains sur 100 étaient divisés chaque année, il serait possible de créer suffisamment de foncier pour répondre à la pénurie de logements qui est estimée entre 100.000 et 150.000 logements par an.
Outre ces considérations urbaines, le projet BIMBY s’appuie également sur la conjonction des intérêts économiques collectifs et privés. Les collectivités peuvent créer des terrains à bâtir dans des quartiers déjà desservis et équipés à un coût minime. Les particuliers peuvent engendrer une plus-value significative sur leurs biens immobiliers en vendant de nouvelles parcelles constructibles créées dans la mesure où la valeur immobilière d’une maison se calcule au regard de sa surface habitable et non au titre de la surface du terrain qui l’accompagne.
Le projet BIMBY se penche enfin sur l’intérêt sociologique de telles démarches pour les habitants des quartiers pavillonnaires. Avec le départ des enfants, les recompositions familiales, la retraite, le vieillissement, etc., une grande partie des maisons actuelles sont inadaptées aux besoins et aux aspirations de leurs habitants. Une partie de la plus-value obtenue par division parcellaire peut permettre aux habitants de financer un projet d’adaptation de leur habitat au regard des changements de leur modes de vie.
Les outils actuels de l’urbanisme opérationnel sont incapables d’intervenir dans les tissus pavillonnaires pour assurer leur renouvellement au regard de ces facteurs urbains, économiques et sociologiques. Les tissus pavillonnaires appartiennent à une multitude de petits propriétaires ‘inexpropriables’, soit hors du champ d’action des filières telles celles des lotissements ou des ZAC dont l’échelle d’intervention est trop conséquente pour opérer dans les micro-terrains disponibles au sein des tissus pavillonnaires.
Quant aux outils de l’urbanisme réglementaire, le problème tient à des règles souvent trop figées, trop génériques et inadaptés à la ‘granularité’ des tissus pavillonnaires.
De ce constat, le projet BIMBY vise d’une part à la mobilisation d’une filière libre de construction de maisons individuelles pour opérer dans les micro-espaces des tissus pavillonnaires.
D’autre part, il est permis d’imaginer la mise en place de règles d’urbanisme adaptées aux besoins des habitants, qui inciteraient à une division parcellaire maîtrisée afin de constituer des formes urbaines cohérentes et durables de ces quartiers.
La méthode existe déjà. La démarche commence par une concertation des habitants intéressés après une communication publique. Ils sont reçus individuellement en entretien d’une heure, lesquels sont financés par la collectivité, avec un architecte conseiller et médiateur. Ce dernier réalise avec eux une fiche et une maquette numérique pour concrétiser le projet d’évolution de leur propriété à partir de leurs propres situation et aspirations. Les informations ainsi recueillies sont analysées et évaluées, puis pris en compte dans l’élaboration de PLU afin de servir à un projet communal cohérent.
Les deux communes partenaires du projet BIMBY, Tremblay-sur-Mauldre et Essarts-le-Roi dans les Yvelines, dont près de 80 % de la population habitent en maison individuelle, ont procédé aux entretiens dans le cadre de l’élaboration de leur PLU. Le résultat est positif et suscite un grand enthousiasme chez les habitants reçus en entretien.
Sur 130 entretiens au total, soit 4% des propriétaires de Tremblay-sur-Mauldre et plus de 20% de ceux des Essarts-le-Roi, 60% des foyers reçus ont prévus de nouveaux logements sur leur parcelle et 100% des propriétaires se sont déclarés ‘satisfaits’ à l’issue de la rencontre.
Il a certes encore du scepticisme au regard de la durée et des modalités à mettre en place pour faire aboutir le projet BIMBY. Mais il est enthousiasmant de constater la dimension ‘sur mesure et participative’ qu’il offre à l’urbanisme actuel, planificateur et définissant des règles génériques par les contraintes.
S’inscrivant dans les schémas de cohérence territoriale, ce projet consiste à établir un cadre politique et incitatif dans lequel les collectivités et les habitants peuvent déterminer localement l’évolution de leur ville et de leur parcelle selon leurs propres opportunités, aspirations et besoins.
De même, la filière systématique des micro-processus de densification des tissus pavillonnaires peut compléter d’autres modes de développement urbain d’envergure comme des lotissements, ZAC, requalifications d’espaces publics, développements de mobilité urbaine, etc., pour mieux maîtriser l’urbanisation diffuse d’aujourd’hui.
A suivre avec attention, l’aventure BIMBY continue avec la participation d’autres nouvelles communes.
Hyojin Byun
* Les Communautés d’Agglomération de Rouen et de Saint-Quentin-en-Yvelines, le CAUE de l’Eure, les ENSA de Paris-Belleville, Rouen et Marseille, le LATTS (ENPC) et le RIVES (ENTPE), le CETE Normandie Centre (pilote du projet) et le CETE Ile-de-France (co-pilote).
Le blog de Hyojin Byun
Cette chronique est parue en première publication sur Le Courrier de l’Architecte le 31 octobre 2012