La beauté d’une architecture repose-t-elle sur les mêmes caractères que ceux constituant la beauté d’une personne ? Réponse du philosophe.
Quel que soit l’objet, le sujet ou même l’instant auquel elle est rattachée, je ne parviens pas à percevoir la beauté différemment d’une direction vers laquelle il convient de se diriger, une invitation quasi-insolente, presque ostentatoire, conduisant voluptueusement jusqu’à l’évidence. Pas une invitation ! Plus précisément : une œillade lancée aux vivants par l’existence.
L’une des singularités de l’architecture est qu’elle n’a pas été faite à l’image de l’homme, mais pour accueillir la représentation des hommes et des événements, ce qui lui confère une relative supériorité puisque, dès lors qu’elle est érigée, l’homme en devient dépendant plus que partenaire.
Toute structure existentielle manœuvre en usant continuellement de ce que l’on pourrait qualifier de stratégie originelle – dans l’acception athée qu’il faut comprendre de cette dernière périphrase.
Parmi les constituants de l’évidence, on retrouve obligatoirement la faculté à résister, à demeurer, également la résilience, mais aussi l’adaptation parfois même sublimatoire, la performance, ou encore l’utilité. La présence de cette dernière est moindre chez l’homme et dispose d’une importance considérable en ce qui concerne l’architecture.
La beauté de l’architecture ne fait pas exception à la charte tacite de la joliesse et suggère un assentiment, une approbation passionnelle !
L’architecture repose exactement sur les mêmes fondements que la perpétuation de l’espèce humaine.
La solidité, l’utilité ainsi que la beauté sont considérées selon Vitruve comme étant les fonctions majeures devant être satisfaites par l’architecture.
Il me semble juste de constater que ces trois charges sont également l’apanage de l’homme qui, visiblement, doit être suffisamment beau pour attirer le sexe opposé, et ainsi, assurer le maintien de l’espèce, suffisamment robuste pour résister aux agressions extérieures, et suffisamment utile pour que la société l’accepte et l’intègre. Aussi, la beauté d’une architecture dispose des mêmes caractères que ceux constituant la beauté d’une personne.
Si la grande majorité des œuvres d’art ont pour essence même d’évoquer sinon nécessairement le beau, mais tout au moins le sublime, l’on constatera qu’à l’instar d’une femme ou d’un homme, un bâtiment affiche généralement une beauté dont les soubassements sont échafaudés parallèlement à l’utilité de l’édifice.
C’est essentiellement de cela d’où provient le caractère érotique de l’architecture ; de la façon qu’un bâtiment peut avoir d’être beau, non pas parce qu’il le veut, mais simplement parce qu’en existant, en étant là, presque comme dans l’exercice de ses fonctions, il se montre pleinement dans ce qu’il a pourtant de plus intime – c’est-à-dire dans sa structure, dans sa façon de recevoir les mouvements, d’accueillir de la pression ou d’en exercer.
Tom Benoit
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