L’inauguration du Campus Aquarel conçu par Loci Anima (Françoise Raynaud) à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) a eu lieu début avril 2019, les 4000 salariés de Cap Gemini prenant possession du bâtiment avec la livraison en 2019 de l’extension bois. En attendant la tour Keiko. Présentation par l’architecte. Communiqué.
Implanté en bord de Seine, le Campus Aquarel (33 708 m² de SDP totale dont une extension bois de 3 100 m² en R+8) présente une situation exceptionnelle associant ville intense et espaces naturels. Il fait face à l’Île Saint-Germain et bénéficie d’une belle perspective sur l’ouest francilien avec des vues sur le mont Valérien et la Défense. Il a été conçu comme une superposition de strates, rythmées par des jeux de retraits et d’angles. Ce bâtiment appartient à un ensemble avec ses trois tours de logements et tour de bureaux en verre Keiko qui signe la refonte du quartier du Pont d’Issy par l’agence.
Qu’est-ce qui vous a inspiré la forme d’Aquarel ?
Je vois mes bâtiments comme des organismes vivants dont l’implantation comme celle de la nature dépend du site. Ce bâtiment appartient à un ensemble qui a été en perpétuelle évolution pendant dix ans. Je me suis inspirée de la Seine et de sa géologie pour le concevoir comme un rocher stratifié, érodé, sculpté par les éléments et le temps. C’est ce qui explique son aspect rocailleux. Tel un relief du quaternaire, c’est un «système» géométrique pensé pour s’adapter aux évolutions du site et entièrement conçu en fonction des vues et des perspectives. Le parti pris architectural a ainsi consisté en un empilage de porte-à-faux et de retraits de façade.
Cette idée de la stratification explique ainsi la morphologie des façades …
Oui, c’est un bâtiment biomorphique. Les lignes sont empruntées aux formes minérales, elles se traduisent architecturalement dans la superposition des strates des façades. En bordure de berges, ces façades sculptées captent la lumière. Pour satisfaire l’héliotropisme humain, les façades blanches avec leurs stores vénitiens ajustables alternent avec des façades plus sombres composées de doubles vitrages respirants et d’un système de protection solaire intégré.
Quel est pour vous l’élément primordial de ce projet ?
J’ai conçu ce bâtiment de l’intérieur, en travaillant sur ses ouvertures pour offrir le maximum de lumière naturelle et de vues sur la Seine, sur l’île Saint-Germain et sur Paris. Le projet entretient ainsi un rapport privilégié au paysage, il propose des espaces de travail en triple orientation, de larges et de nombreuses terrasses extérieures en hauteur accessibles à tous. J’ai voulu des espaces extérieurs reliés aux espaces de travail et estompant les limites entre le dehors et dedans.
Ce bâtiment présente une extension bois, non prévue au début du projet, pourquoi ?
En effet, une fois terminé, il a fallu l’agrandir pour répondre aux demandes de Cap Gemini. Sa forme en U se décline autour d’un jardin. Nous avons donc eu l’idée métaphorique de l’arbre dans le jardin. Le bois nous a permis de réaliser en 12 mois, une extension de sept étages et de 3 122 m² sans modifier les structures existantes. Aujourd’hui, dans le jardin du rez-de-chaussée, les poteaux poutres construits de manière aléatoire, rappellent cette idée originelle et se présentent comme une forêt d’arbres.
Quel regard portez-vous sur ce bâtiment aujourd’hui achevé ?
Lorsque nous avons remporté le concours en 2007 la grande hauteur était dans toutes les têtes. Puis le krach boursier est venu briser l’euphorie. Le projet du Pont d’Issy est alors stoppé et renaîtra en 2012 sous de nouveaux auspices. Sa survie témoigne de sa formidable capacité d’adaptation à un contexte en mouvement. Un bâtiment comme celui-ci est un incroyable flux d’informations, de données, d’énergies, de matières dans un temps donné. Mais qui dit flux dit, accidents, interruptions, réorientations, redémarrage, accélération et puis transformation. Un projet est possible à un instant T, impossible le jour d’après, c’est une course contre la montre. Le Campus Aquarel a été une extraordinaire boule d’énergie qui s’est chargée et déchargée, alimentée par la combustion de matières grises avant d’être mis en mouvement dans sa matière minérale. C’est ce qui le rend vivant et bien vivant aujourd’hui.