Ce qu’il y a de bien avec les vacances, c’est que chacun peut rattraper un peu du temps perdu. Après le transat et ses lectures coupables, Chroniques s’attaque aux occupations du soir. Au retour de la plage, quand le nez chauffe un peu, entre l’apéro et les sardines grillées, à la télé, dans un ciné-club ou une médiathèque près de votre lieu de vacances, en streaming ou sur Netflix, quel que soit votre écran, pourquoi ne pas en profiter pour regarder un petit film d’archi que vous ne connaissez peut-être pas ?
Pour ceux qui ont un peu de mal à débrancher
Barbicania, Ila Bêka, Louise Lemoine, 2014, documentaire
Barbicania est un long-métrage tourné pendant un mois en immersion au Centre et au Domaine du Barbican à Londres, l’une des réussites les plus emblématiques de l’architecture brutaliste par Chamberlin, Powell and Bon. Le film prend la forme d’un journal intime et relate les découvertes quotidiennes du duo de réalisateurs qui, jour après jour, ont parcouru le complexe urbain de fond en comble, du dernier étage des tours au sous-sol du centre artistique. Barbicania invite à découvrir les personnalités, le style de vie et les paysages architecturaux qui font du Barbican un lieu si particulier. En dressant son portrait intime, le film pose la question de la «durée de vie» de cette utopie de l’après-Deuxième Guerre mondiale.
Koyaanisqatsi, la prophétie, Godfrey Reggio, 1982, documentaire
Sur une musique de Philip Glass se succèdent des images de nature, de vies sociales, d’individus, de paysages somptueux arrachés à la paix de la Création par des bulldozers, des brouillards de pollution. Le film est basé sur trois prophéties des Indiens Hopis qui permettent de mieux appréhender le film, car elles en constituent le point de départ. Les voici dans leur traduction française :
– Si l’on extrait des choses précieuses de la terre, on invite le désastre.
– Près du Jour de Purification, il y aura des toiles d’araignées tissées d’un bout à l’autre du ciel.
– Un récipient de cendres pourrait un jour être lancé du ciel et il pourrait faire flamber la terre et bouillir les océans.
Pour les mystiques et ceux qui se défient de la technologie.
Opéra d’Oslo, Margreth Olin, 2014, documentaire
Les cathédrales de la culture est un projet initié par Wim Wenders dont le concept consiste à présenter un regard subjectif sur des bâtiments emblématiques représentant des fenêtres culturelles dans la société. L’opéra d’Oslo de 2008, un bâtiment conçu par le cabinet d’architectes Snøhetta, abrite à la fois l’opéra et le corps de ballet d’Oslo et change le panorama du port. Margreth Olin privilégie le travail des danseurs dans cet espace, cirque de marbre blanc qui descend dans le golfe d’Oslo.
Mutations of matter, Carlos Franklin, 2008, documentaire
Après avoir étudié les textes de Rem Koolhaas, ceux d’autres théoriciens en architecture ainsi que d’autres archives, et avoir effectué un travail de recherche référentielle en musique et en documentaire, un musicien et un plasticien ont pu développer une pièce protéiforme. Leurs apports complémentaires, en termes de médias et d’univers personnels, ont permis d’élaborer une performance audiovisuelle qui marie la musique électro-acoustique, la vidéo, l’architecture et la voix. Ces éléments recréent le mélange, la simultanéité, la diversité et l’accumulation que l’on trouve dans la ville de New York. Le spectateur parcourt une ville – déjà imaginaire – à l’aide d’une spatialisation sonore, témoin de la profondeur et du déplacement, ainsi que d’un montage visuel sur deux écrans où la verticalité s’impose et l’anamorphose, de temps en temps, s’oppose.
Une vie radieuse, Meryll Hardt, 2013, fiction
Une fiction-documentaire devenue une fiction expérimentale incluant quelques archives, un scénario et une mise en scène nourris des expériences glanées sur quelques mois de recherche. Le film traite des premiers emménagements à la Cité Radieuse de Marseille en 1952 par le biais d’un couple témoin. C’est un prétexte pour revenir sur l’irrésolu entre 1953 et 2013, une certaine idée du progrès, de l’échec et de la reconstruction.
Intersection Conique de Gordon Matta-Clark, Marc Petitjean, 2001, documentaire
Lorsque le réalisateur rencontre l’artiste Gordon Matta-Clark en 1975 à la Biennale de Paris, ce dernier cherche un lieu entre les Halles et le futur centre Georges Pompidou pour mettre en œuvre un projet. Il lui indique un immeuble abandonné que lui-même photographie depuis plus d’un an. Ce film est un témoignage sur cette œuvre éphémère
Pour ceux qui aiment se raconter des histoires
Good Morning Babilonia, Vittorio Taviani, Paolo Taviani, 1987, fiction
1913 en Toscane – Le maître-maçon Bonnano restaure une église, aidé par ses sept fils dont deux, Nicola et Andrea, décident d’aller tenter leur chance aux États-Unis. Ils iront de déconvenue en désillusion, jusqu’à ce jour de 1914 où le hasard les mène à San Francisco. Là, le réalisateur David Wark Griffith prépare son nouveau film, Intolérance, et engage deux maîtres-maçons italiens pour en réaliser les décors. Les deux frères se font passer pour eux mais, leur supercherie découverte, se font renvoyer. Ils rencontrent alors deux figurantes de la production, Edna et Mabel, qui les poussent à réaliser une sculpture monumentale en carton-pâte, d’un éléphant. Ils parviennent à la présenter au metteur en scène qui, impressionné, les embauche…
This was not my dream, Pedro Kok et Gabriel Kogan, 2014, fiction
Suzana ne pense seulement qu’à sa maison, elle en est tombée amoureuse. Son ex-mari ne peut pas s’empêcher de penser que cette nouvelle maison – conçue ensemble – symbolise la fin de leur mariage. La vision de l‘ex-mari, jaloux, se focalise sur les lignes modernes, «froides, épurées et sans vie». Alors que les images de l’architecture défilent, il distille sa peur de cette construction et fantasme sur la nouvelle vie dont Suzana va jouir dans ce lieu. «Où est Suzana maintenant ?» Elle ne peut pas se trouver ailleurs qu’ici, où l’amour de Suzana est si transparent.
Beijing Bicycle, Wang Xiaoshuai, 2001, fiction
Tout juste débarqué de sa campagne, le jeune Gui trouve rapidement un travail dans cette jungle urbaine qu’est Pékin : il est engagé comme coursier, on lui confie un vélo, et dès ses premiers jours il multiplie les courses. Pour lui, réussir à vivre dans une ville comme Pékin relève du tour de force. Aussi ce n’est pas sans fierté, après avoir durement travaillé, qu’il se trouve sur le point de pouvoir racheter le vélo, et d’en devenir enfin propriétaire. Tout s’effondre le jour où on lui vole son seul outil de travail…
La Sapienza, Eugène Green, 2014, fiction
Alexandre, architecte quinquagénaire au sommet de sa carrière, éprouve une sorte de malaise mélancolique, notamment dans sa relation avec sa femme Aliénor et du fait qu’ils ont perdu un enfant. Il ressent le besoin de partir sur les traces de l’architecte baroque Francesco Borromini, afin d’écrire une étude sur sa vie et son œuvre. Il y rencontre Lavinia, une jeune fille malade, et son frère, Goffredo, qui aspire à devenir architecte. Tandis qu’Aliénor reste auprès de Livinia, Alexandre et Goffredo partent sur les traces de Borromini à Turin et à Rome pour un voyage d’études. Lasapienza propose au spectateur une façon dialectique d’envisager le futur, à l’examen du passé et du présent. A partir de cette interrogation, comment construire une autre vie ? Le lien avec l’architecture s’impose. Les prises de vues se tournent vers deux périodes fécondes de création architecturale, l’architecture Baroque de la Renaissance d’une part, et l’architecture fonctionnaliste de la période moderne qui se vit encore au présent.
Pour les petits, et les plus grands
Un monde de cabanes, Olivier Comte, 2018, documentaire
Un monde de cabanes est un essai poétique et philosophique. Abri pour les premiers hommes, les déracinés, les pauvres, la cabane est un lieu d’imagination pratique et poétique. Jeu de l’enfance qui nous a permis de grandir, nous permettra-t-elle un jour de refaire le monde ? Depuis la contre-culture des années 1970, elle incarne l’insoumission. N’appartenant à personne, pas plus à l’écologiste qu’à l’artiste, et ainsi appartenant à chacun de nous, elle est aujourd’hui encore porteuse d’utopies.
La maison en petits cubes, Kenya Hirata et Kunio Katô, 2008, animation
Dans une ville où l’eau ne cesse de monter se dressent des maisons un peu particulières : chaque fois qu’une maison est immergée, son habitant construit un nouvel étage au-dessus. Au fil du temps, la ville a été désertée par ses habitants, et aujourd’hui, seul un vieil homme résiste encore et toujours à la montée du niveau de la mer. Un jour, sa pipe lui échappe. Il décide de plonger dans les étages inférieurs pour la récupérer. Chaque pièce lui chante alors sa petite musique du passé.
Le Mensonge des trois petits cochons, Laureline Vaillant et Manuel Moreau, 2016, animation
Une nouvelle histoire des 3 petits cochons qui sensibilise à l’écoconstruction et au faire ensemble. Pour les petits, et surtout les plus grands.
Reulf, Quentin Canicelli, Charles Klipfel, Jean-François Jego, 2009, animation
Dans un Paris noir et blanc, de petites créatures décident de mettre de la couleur et de la vie dans la ville. Et voilà où mènent les projets étudiants…
Pour les amateurs de grands classiques…
Lullaby to my father, Amos Gitai, 2013, documentaire
«Le film entrelace événements historiques et souvenirs intimes. J’observe la façon dont l’architecture représente les transformations de la société et ceux qui donnent forme à cette architecture. Nous suivons le parcours de Munio, mon père, né en 1909 en Silésie, en Pologne, fils d’un métayer d’un junker prussien. A l’âge de 18 ans, Munio part à Berlin et à Dessau pour aller rencontrer Walter Gropius, Kandinsky et Paul Klee au Bauhaus. En 1933, le Bauhaus est fermé par les nazis, qui accusent Munio de trahison envers le peuple allemand. Munio est emprisonné, puis expulsé à Bâle. Il part pour la Palestine. A son arrivée à Haïfa, il entame une carrière d’architecte et il adapte les principes européens modernistes au Moyen-Orient». Amos Gitaï
L’Arbre, le Maire et la Médiathèque, Eric Rohmer Eric Rohmer, 1993, fiction
L’histoire racontée est celle de Julien Dechaumes, maire socialiste de Saint-Juire, un petit village de Vendée. Visant les élections législatives, il réussit à obtenir une subvention du ministère de la Culture pour doter son village d’une médiathèque. En compagnie de son amie de cœur, l’écrivaine parisienne Bérénice Beaurivage, il rend visite au beau-frère de sa cousine, rédacteur en chef d’un magazine mensuel de gauche intitulé Après-Demain, afin d’obtenir son appui médiatique. À cette occasion, Julien fait la connaissance de la journaliste Blandine Lenoir qui, séduite par sa démarche, décide de lui consacrer un article. Elle se rend à Saint-Juire pour interviewer les habitants et rencontre l’instituteur Marc Rossignol, violemment opposé au projet notamment à cause de l’abattage d’un magnifique arbre centenaire que la construction d’un tel bâtiment entraînerait…
The competition, Angel Borrego Cubero, 2013, documentaire
Le réalisateur a suivi les agences de Jean Nouvel, Franck Gehry, Dominique Perrault et Zaha Hadid durant toutes les phases de la compétition pour le musée national d’Andorre (Norman Foster s’est désisté face à l’obligation d’ouvrir ses portes à une équipe vidéo). Invités à participer au concours par la petite principauté, victime consentante de l’effet Bilbao, les «starchitectes» se dévoilent dans le quotidien de l’agence, auprès de leurs salariés, et de leur process de conception. On les découvre tantôt professeur, tantôt artiste impénétrable ou… totalement absent. On admire enfin leur aisance et leur savoir-faire commercial lors d’un jury grand-guignolesque. Bref, on rit souvent jaune devant «The Competition», documentaire critique qui porte un regard sans complaisance, nécessaire, sur les idoles du monde de l’architecture et le système qui les désire.
Les mystères du Château de Dé, Man Ray, 1929, fiction
Ce film met en scène un couple de voyageurs quittant Paris pour se rendre à Hyères à la Villa Noailles, traversant les paysages variés de France. Ils arrivent enfin dans la Villa de Noailles, vide… où apparaissent tout à coup quatre individus qui jouent leur destin aux dés. S’ensuivent des scènes de jeux acrobatiques et de jonglerie dans la piscine et vers ses abords. Les personnages explorent ensuite les pièces de la villa jusqu’à leurs disparitions progressives …
Playtime, Jacques Tati, 1967, fiction-documentaire
Playtime est organisé en six séquences, reliées entre elles grâce à l’utilisation de deux personnages qui se croiseront au cours du récit : Barbara, une jeune touriste américaine en visite à Paris, et M. Hulot, qui a un rendez-vous avec un personnage important.
… ou les plus expérimentaux…
Escamotage, Guillaume Foresti, 2017, fiction
Thomas, architecte, découvre qu’il a commis une grave erreur sur un chantier immobilier. Alors qu’il tente de détruire des documents compromettants, c’est le monde qui l’entoure qui commence à disparaître, mystérieusement. Personne ne semble échapper à cet engrenage fantastique, pas même Thomas.
200 000 fantômes, Jean-Gabriel Périot, 2017, documentaire
Le destin de la ville de Hiroshima, vu à travers la superposition de photographies prises au fil du temps, la musique opérant comme un continuum une déambulation de 1914 à 2006, en forme de leitmotiv photographique. Une méditation expérimentale autour de l’A-Bomb Dôme, symbole de la destruction d’Hiroshima par la bombe atomique de 1945.
The solitary life of cranes, Eva Weber, 2008, documentaire
A la fois symphonie d’une ville et poème visuel, «La vie solitaire des grues» explore la vie invisible d’une ville, ses habitudes et ses secrets cachés, vue à travers les yeux des conducteurs de grue qui travaillent au-dessus de ses rues. Le film observe la ville de son réveil jusqu’au soir. C’est le déroulement d’une longue journée pour les grutiers. Le film est une tentative visuelle pour comprendre ce qu’il advient de l’esprit humain dans de telles conditions de travail extrêmes. Tout au long du film, les pilotes partagent leurs pensées et leurs réflexions sur Londres et la vie en général.
Spatial Bodies, Collectif Aujik, 2016, court-métrage de fiction
Spatial Bodies dépeint le paysage urbain et les corps architecturaux comme un organisme autonome vivant et autoreproductible, domestiqué et cultivé seulement par sa propre nature. Une vaste végétation en béton, oscillant entre ordre et chaos. Influencé par le mouvement japonais de l’architecture du métabolisme dans les années 60 et des architectes tels que Kenzo Tange et Kiyonori Kikutake ainsi que des tableaux de cubismes de Marcel Duchamp et Georges Braque. Un autre aspect de la vidéo est de présenter des possibilités futures avec la technologie AR (Augemented Reality). Comment personnaliser une ville entière et la partager comme une source ouverte et laisser d’autres personnes la manipuler et la pirater ?
… ou les retardataires !
Visages, villages, Agnès Varda, 2017, documentaire
Agnès Varda et JR ont des points communs : passion et questionnement sur les images en général et plus précisément sur les lieux et les dispositifs pour les montrer, les partager, les exposer. Agnès a choisi le cinéma. JR a choisi de créer des galeries de photographies en plein air. Quand Agnès et JR se sont rencontrés en 2015, ils ont aussitôt eu envie de travailler ensemble, tourner un film en France, loin des villes, en voyage avec le camion photographique (et magique) de JR. Hasard des rencontres ou projets préparés, ils sont allés vers les autres, les ont écoutés, photographiés et parfois affichés.
Les visionnaires, une autre histoire de l’architecture, Julien Donada, 2013, documentaire
En Europe, à partir du milieu des années 1950, une jeune génération d’architectes refuse le diktat hyperfonctionnaliste et rêve d’une autre manière de penser la ville et l’habitat. Plongeant dans l’univers fantastique de l’utopie architecturale, ce film réalisé en collaboration avec le FRAC Centre propose une traversée inédite de l’architecture expérimentale des années 1950 aux années 1970. En s’appuyant sur des archives audiovisuelles et sur le témoignage de nombreux acteurs de cette génération (Yona Friedman, Michel Ragon, Peter Cook, Hans Hollein, Claude Parent, Andrea Branzi), ce documentaire fait découvrir au grand public un champ méconnu de l’histoire de l’architecture et offre une lecture historique de projets «visionnaires» devenus aujourd’hui des icônes de la culture contemporaine.
Quelque chose de grand, Fanny Tondre, 2017, documentaire
Ce film est l’histoire d’un chantier colossal. Des milliers d’hommes travaillent collectivement à la construction d’un même ouvrage architectural. Comme un immense théâtre graphique et sonore, chacun y joue une partition bien précise. Malgré la fatigue, les intempéries, malgré le danger, les impondérables, les accidents… ils sont portés par un seul et même objectif.
Enfin, pour ceux que la météo empêcherait de sortir, aller faire un tour sur le site cinearchi.org, et nous indiquer vos pépites !
Alice Delaleu