Le nouveau centre à Kyôto de la prestigieuse Ecole Française d’Extrême-Orient (EFEO) se devait d’être exemplaire. Conçu en bois par Mikan (Kiwako Kamo, Masashi Sogabe, Masayoshi Takeuchi et Manuel Tardits), le bâtiment s’insère le long d’une ruelle domestique dans le quartier résidentiel de Kitashirakawa, au nord-est de Kyôto, près des montagnes qui entourent la ville. Communiqué.
Le centre reçoit depuis 2014 des chercheurs de diverses nationalités et est consacré essentiellement à l’étude de l’histoire et de la civilisation japonaises et du bouddhisme en particulier. Le choix d’une architecture en bois résulte ainsi de critères culturels, économiques et écologiques.
«Dans un bâtiment consacré à la culture d’un pays possédant une riche tradition constructive du bois, il nous a semblé naturel de penser l’écologie, non seulement en termes environnementaux mais aussi comme la relecture de cette tradition par ailleurs toujours vivante. Les charpentiers-menuisiers locaux, toujours très sollicités, sont les héritiers habiles d’une économie de la construction», expliquent les architectes.
Le système poteau-poutre basé sur des portées traditionnelles modulaires d’un ou plusieurs ken /ma (mesure de charpenterie traditionnelle d’environ 1,80m) reste encore le moyen le plus économique (coût et rapidité) de construire. L’échelle très domestique du programme permettait ce choix de la petite échelle.
Le centre, qui se développe sur trois étages, est donc un bâtiment subtilement didactique divisé en quatre parties : les trois étages et l’escalier. Chaque niveau possède une fonction particulière exprimée par une expression spatiale différente.
Le rez-de-chaussée comprend essentiellement une bibliothèque aux travées (1 ken x 2 ken) très affirmées qui rythment la salle hypostyle aux poteaux écorcés en cèdre de Kitayama. Le premier étage accueille les bureaux de l’administration et des chercheurs. Il est conçu comme une série de boîtes de tailles variées, en contreplaqué de tilleul d’un aspect très doux et calme. Le deuxième étage se compose de la salle de conférence, conçue comme une grande halle. Le long plafond en lattes de pin Douglas, soutenu par des jambes de force et détaché du mur périphérique par une ouverture pour laisser passer vue et lumière, semble flotter et souligne l’idée du toit protecteur avec ses larges auvents.
L’escalier-bibliothèque, situé côté ruelle et couvert par un grand mur-rideau de verre, constitue la partie la plus publique et la plus paradoxale de l’édifice. Sorte de grand totem en bois il annonce la fonction du centre tout en protégeant son intimité. Il amène la lumière à l’intérieur et la contrôle en même temps.
Low-tech, High-tech
Le caractère écologique du bâtiment est lié à son essence même. Privilégiant les systèmes passifs, il mêle des technologies ultra-contemporaines et des procédés traditionnels dont certains menacés de disparition. Le grand escalier, conçu comme une sorte de chef-d’œuvre d’artisan dont les parois en OSB rappellent la rusticité des pavillons de thé, est protégé de la lumière de l’ouest, très redoutée au Japon, par un mur rideau en bois. Les verres électrochromes de ce dernier, expérimentés pour la première fois au Japon et qui apparaissent dans les hublots des avions de ligne de dernière génération, sont contrôlés par des capteurs et un ordinateur qui règlent l’intensité lumineuse et le passage du rayonnement UV. La pièce peut passer ainsi doucement de la clarté à la pénombre, puis à l’obscurité si nécessaire.
Les portes palières coulissantes, réalisées en vitraux dans des camaïeux de blanc, évoquent les shoji, ces panneaux en papier des architectures traditionnelles. Leur verre soufflé à la bouche est réalisé selon des procédés qui datent du XVIIe siècle. Puits canadien, larges auvents protecteurs et ouvertures permettent des ajustements de température.
La structure elle-même est liée au développement durable. Le choix du bois et des faibles portées, comme il a déjà été dit, mais surtout le choix des poteaux ronds en cèdre local des monts de Kitayama situés au nord de Kyôto. Ces troncs d’arbres, écorcés et séchés en montagne sur site, sont le fruit de techniques locales développées depuis le XVIIe siècle pour les palais et les maisons de Kyôto.
Les éléments de charpenterie sont par ailleurs entièrement prédécoupés en usine avant d’être assemblés en trois jours sur le chantier. Le mobilier en bois enfin, qui fait appel au contreplaqué et aux découpes laser en trois dimensions dans la masse du bois des plateaux de table, illustre encore ce mélange des technologies et des époques.