Parmi les initiatives pour influer sur la loi ELAN en cours de discussion parlementaire, celle d’un collectif d’architectes qui propose d’écrire à son/sa député(e). Voici le texte type : indiquez le lieu, datez, signez, imprimez, postez, et vous aurez fait votre part.
Madame la Députée
Monsieur le Député
Assemblée Nationale
126 rue de l’Université
75355 PARIS
Paris, le 11 avril 2018,
Objet : Loi ELAN – Alerte des architectes : qualité du futur patrimoine architectural et urbain Français
Madame La Députée,
Monsieur Le Député,
Le gouvernement prépare la loi sur l’Evolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique (loi ELAN-2018) dans laquelle il est prévu une transformation profonde des modalités de production de l’habitat social, et plus largement du logement. Par plusieurs courriers à Messieurs Le Président de la République et au Premier Ministre ainsi que dans une tribune signée par plus de 5 400 architectes, nous avons exprimé notre grande inquiétude quant à la baisse de qualité des logements et à la disparition des concours et de la loi MOP encadrant la désignation et les missions des concepteurs.
Nous connaissons tous la nécessité de réformer le secteur du logement, qui accumule depuis plusieurs années un retard de production et une offre mal adaptée aux évolutions urbaines et sociales. Le logement est aussi un levier très important pour réussir la transition énergétique et écologique solidaire que nous appelons tous de nos vœux. Mais la transformation envisagée induit des conséquences néfastes qui affecteront à long terme la qualité des villes, des paysages et de l’architecture, expression de la culture de notre pays.
La France est un pays de culture, et la manière dont nous aménageons les espaces habités à travers l’architecture est une des manifestations les plus représentatives de notre développement culturel.
Depuis des siècles nous avons su préserver notre patrimoine bâti et le faire évoluer. Ce patrimoine est un moteur essentiel de l’économie française. Il attire plus de 88 millions de touristes par an venus du monde entier. Les étrangers venus visiter notre pays sont émerveillés par la qualité du patrimoine majeur : les monuments classés, les centres-villes remarquables, les villages protégés, les paysages inscrits. Ils sont aussi frappés par ce qu’ils appellent la «mocheness», néologisme franglais qui stigmatise ce mal typiquement français des entrées de ville, des lotissements, des zones d’activités, des grands ensembles, le périurbain en général, construits au rabais, plus vite, moins cher, mais jamais mieux. Ces zones en pleine mutation devraient constituer l’essentiel de la production de ce qui pourrait être le patrimoine de demain. Pourtant, la qualité n’y est plus.
Le gouvernement souhaite construire «plus, mieux et moins cher». Nous ne pouvons que partager cette ambition. Mais il faut prendre en considération les aspects quantitatifs et qualitatifs si nous ne voulons pas dégrader l’expression bâtie de la culture de notre époque de manière irréversible.
Nous, architectes, acteurs indispensables de l’aménagement des espaces habités, sommes engagés au quotidien au service de l’intérêt général et du bien commun, de la qualité urbaine, paysagère et architecturale des territoires, des villes, des immeubles, des maisons, des logements, de la France. Nous intervenons sans distinction pour entretenir, réhabiliter, transformer et construire des ouvrages majeurs et mineurs qui façonnent ce patrimoine remarquable, reconnu dans le monde entier.
Notre devoir de conseil nous engage à vous alerter. La suppression des règles encadrant la commande publique d’architecture peut contribuer à créer un futur patrimoine bâti sans qualité qui témoignera de notre manque de vision, de culture et pire, d’une certaine négligence collective. Votre mandat ne doit pas être entaché d’une telle erreur. Notre patrimoine urbain, architectural et paysager exceptionnel ne doit pas devenir un ensemble de fragments immergés dans la marée de la «mocheness».
En mars 2017, Monsieur Emmanuel Macron, alors candidat, appelait à «replacer l’architecte au cœur des processus de créations de nos villes, de lui rendre sa capacité à inventer et d’en faire à nouveau un acteur du progrès et de l’amélioration de nos cadres de vie». Monsieur Le Président souhaitait alors «rompre avec la France moche». Pour ce faire, il précisait que «la procédure de concours doit évoluer et tendre à redevenir la règle. Les concours d’architecture sont des espaces privilégiés de dialogue, d’échange et de compréhension. Ils doivent permettre aux élus de dépasser l’approche programmatique, fonctionnelle et financière et leur permettre de se saisir de la question architecturale». Le Président annonçait également vouloir s’«appuyer davantage sur l’excellence des architectes et la sensibilisation des acteurs chargés de la commande publique».
Nous sommes au service de cette exigence que le candidat Emmanuel Macron appelait de ses vœux, et restons à votre disposition pour construire avec vous une loi ELAN ambitieuse et innovante, pour imaginer ensemble de nouvelles règles de fabrication du cadre bâti. Simplifier, construire plus, moins cher et surtout mieux, pour répondre aux énormes besoins sociétaux et aux défis environnementaux, au service des habitants, dans le sens de l’intérêt général.
Nous espérons vivement que vous entendrez notre demande et que l’instruction de la loi ne se fera pas sans que nous ayons pu échanger sur nos propositions et que le Parlement ait pu en amender certains points d’importance.
Dans l’espoir que vous porterez une attention toute particulière à ce sujet majeur et que vous soutiendrez les prochains amendements à la Loi ELAN proposés par l’Ordre des architectes et par les architectes.
Nous vous prions d’agréer, Madame la Députée, Monsieur le Député, l’expression de notre très haute considération.
Les architectes :
Prénom(s) Nom(s)
Signatures