À Bilbao, Pays basque, il y a un avant et un après le musée Guggenheim de Frank Gerhy. Pour les suiveurs du Tour de France contemporain de Chroniques, voyons l’après.
Cette année le Tour de France démarre avec un Tour du Pays basque sur des parcours accidentés propices aux puncheurs. En tout cas, ce tour démarre fort puisqu’en guise de prologue, une étape de 182 km avec 3 300 mètres de dénivelé, dont « un double tremplin » dans les 30 derniers kilomètres : les côtes de Vivero et de Pike. Pour qui souhaite s’emparer du maillot jaune, mieux vaut arriver en forme et ne pas rater le bus ! Cela vaut pour les suiveurs du Tour de France de l’architecture contemporaine de Chroniques.
Pour se mettre en jambes le premier jour, de bonne heure pour ne rien manquer de l’arrivée en fin d’après-midi, rien de mieux que de faire le plein d’énergie avec une Carolina, une douceur typique de Bilbao formée par une tartelette de pâtisserie, un cône de meringue avec du chocolat et du jaune d’œuf sur le dessus.
La première chose sans doute à découvrir, avant même le musée lui-même déjà connu du monde entier, est comment l’installation du Guggenheim a fait muter les abords de la rivière et, au-delà, la ville entière. Les rives auparavant dédiées à la métallurgie offrent désormais une agréable promenade, que les suiveurs, arrivés en avance pour préparer leurs dossiers, auront le temps de découvrir. C’est ainsi qu’ils pourront comprendre l’impact de cette mutation ou comment un lieu ingrat est devenu « un bouquet de fleurs ». La reconquête des rives des fleuves et rivières est d’ailleurs depuis devenue un enjeu majeur pour de nombreuses villes.
De fait, lors de cette boucle qui les verra suivre le peloton le long de rivières au fond de vallées étroites et encaissées avant de revenir en ville, les amateurs d’architecture pourront s’émerveiller de la verticalité des constructions sur la faible surface disponible, l’occasion de découvrir une architecture de qualité des années ’30. Hemingway l’évoque mais c’est surtout Pampelune qu’il aimait.
Les suiveurs le savent, le musée à la structure en titane conçu par Frank Gehry signifie un avant et un après pour l’image de la ville, le fameux « effet Bilbao » ; effet beaucoup copié, rarement égalé. Surtout, depuis sa construction, Bilbao est devenue un laboratoire caractérisé par la créativité et l’avant-garde ; parcourir ses rues est voyager à travers l’architecture contemporaine du XXIe siècle.
Bref, si le musée Guggenheim Bilbao est le point de départ incontournable de cette promenade, il n’en est qu’une étape, comme diraient les coureurs.
À l’heure où Norman Foster fait l’objet d’une exposition à Paris, c’est l’occasion pour les suiveurs de (re)découvrir les désormais typiques stations de métro dessinées par l’architecte anglais. Avec une mise en « Y » et une longueur de 45,10 km, le métro de Bilbao a été inauguré le 11 novembre 1995 et compte plus de quarante stations.
« La capacité de maîtriser la communication physique – la facilité avec laquelle les gens peuvent se déplacer librement et d’une manière civilisée – est essentielle pour l’avenir de nos villes et l’architecture de ce type d’infrastructure est essentielle pour le développement urbain… », expliquait alors Norman Foster. « En plus des considérations esthétiques, il était nécessaire d’intégrer les aspects de fonctionnalité, simplicité et confort pour le voyageur », dit-il.
Les suiveurs auront donc pour se déplacer en ville, avant le départ ou le jour même, tout le temps de l’expérimenter et de noter le paradoxe d’un architecte qui voulait faire des bâtiments qui volent et qui construit des souterrains.
Sinon, poursuivre à pied jusqu’au Zubizuri (le pont blanc en basque), une passerelle signée de l’architecte Santiago Calatrava suspendue au-dessus du fleuve Nervion. À deux pas du Guggenheim, elle a été ouverte au public en 1997.
Arc incliné reliant deux plates-formes, avec des rampes d’accès et des escaliers des deux côtés, l’ouvrage est entièrement peint en blanc et, presque au même titre que le musée, un symbole de la nouvelle Bilbao. Ressemblant « à un bateau de voile » selon son auteur, placé à 10 m au-dessus de la ria, il relie les deux rives de l’estuaire, faisant communiquer la promenade Paseo de Uribitarte et le Campo Volantin. À mi-chemin entre Bilbao Etxebarria Park, City Hall et le Guggenheim Bilbao, Campo Volantín est une célèbre allée bordée d’arbres et flanquée de jardins, palais et bâtiments résidentiels.
« Le blanc représente la renaissance et le renouveau de la ville et entend réconcilier ses deux parties divisées », expliquait l’architecte. Ce qui ne s’est pas fait sans heurts. En effet, la surface vitrée originale de l’ouvrage n’a pas manqué de susciter une polémique dont Calatrava est coutumier ; dit autrement, les gens se cassaient la figure. Le vitrage a été remplacé par un revêtement antidérapant.
Puisqu’il est question de ponts, la passerelle Pedro Arrupe est également impressionnante et, toujours à proximité du musée Guggenheim, le pont de la Salve, dont Daniel Buren est l’auteur, avec son arc rouge vaut peut-être le détour, pour les amoureux de Daniel Buren.
L’Azkuna Zentroa Alhóndiga Bilbao mérite sans doute le détour. Cet ancien entrepôt de vins de style moderniste conçu par Ricardo Bastida au début du XXe siècle abrite aujourd’hui un centre culturel dont Philippe Starck est l’auteur. Une grande place couverte bordée de 43 colonnes de différents styles et matériaux en constitue l’une de ses caractéristiques.
Mentionnons également la bibliothèque Deusto, œuvre de Rafael Moneo ; la bibliothèque Foral, avec sa façade en verre décorée de 173 sérigraphies écrites dans les langues du monde entier, et le grand amphithéâtre de l’Université du Pays basque, conçu par Álvaro Siza. Sans oublier d’aller découvrir la Tour Iberdrola, de César Pelli et le bâtiment futuriste du Departamento Vasco de Sanidad.
Puisque les suiveurs aiment évidemment le sport, ils profiteront encore de leur journée en ville pour aller visiter le stade San Mamés Berria conçu par IDOM (César Azkarate). D’une capacité de 53 000 spectateurs, il est pourvu d’un système d’éclairage dynamique qui transforme sa façade dans l’obscurité.
Pour l’histoire, l’équipe de football de Bilbao, l’Athletic Club, est l’une des plus anciennes d’Europe puisque fondée en… 1898. De fait, comme l’illustre le terme « Athletic », l’origine en remonte aux marins anglais qui jouaient sur le port, bientôt imités par les locaux. Même s’Il y a encore aujourd’hui un ferry qui relie en ligne directe Bilbao à l’Angleterre, l’origine anglaise est aujourd’hui lointaine puisque le club se targue aujourd’hui de ne compter dans son effectif que des joueurs nés au Pays basque (communauté autonome du Pays basque, Navarre ou Pays basque français), ou ayant une ascendance basque ou formés dans un club basque. Un anachronisme vivant à l’heure du sport professionnel que devraient savourer les suiveurs.
Bref, là où Détroit (USA) a bien du mal, Bilbao a fait la démonstration que, malgré la crise industrielle, une démarche concertée peut transformer une ville en perdition en une destination de désir. D’ailleurs, les suiveurs n’auront pas très loin à marcher pour retrouver leur salle de presse d’où assister à l’arrivée de l’étape et découvrir le premier maillot jaune d’un Tour qui promet d’être enlevé.
Quand ils en auront de leurs obligations professionnelles, ils pourront finir la journée sur la place signée de Carlos Ferrater, une placecette qui domine la ria avec des logements en métal magnifiques. Les restaurants sont partout et les suiveurs finiront cette première étape avec un Bacalao pil-pil – balacao signifiant morue – arrosé d’un d’Ttxakoli de Guettaria, un vin pétillant basque.
Christophe Leray (dans la caravane)
Pour les suiveurs, retrouver :
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2023
– Toutes les Reconnaissances d’étape du Tour de France contemporain 2023
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2022
– Toutes les Reconnaissances d’étape du Tour de France contemporain 2022
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2021.
– Le Tour de France contemporain 2020 : Le départ ; La suite ; La suite de la suite ; L’arrivée.
– Le Tour de France contemporain 2019 : 1ère semaine ; 2ème semaine ; 3ème semaine.
– Le Tour de France contemporain 2018