Cette fois, aucun prétendant au Maillot jaune ne peut plus se cacher. Toute la légende des Alpes est dans ce parcours de 152 km qui verra les coureurs franchir les cols fameux du Télégraphe et le Galibier pour rejoindre Serre Chevalier et attaquer les dix kilomètres à plus de 9 % pour atteindre le col du Granon, à 2 413 m.
En attendant les J.O. de Paris 2024, les suiveurs du Tour de France contemporain prennent avant le départ le temps d’aller visiter, à nouveau pour certains, le stade municipal d’Albertville qui n’est rien d’autre que l’ancien anneau de vitesse des jeux olympiques de 1992 réalisé par l’agence Ligne 7 (Bernard Ritaly et Dominique Lardeau). Les plus nostalgiques auront une pensée émue pour ces parkas officielles métallisées portées par tous les membres du staff qui installaient, au moins le temps des jeux, la cité savoyarde dans un horizon futuriste.
A mi-chemin du pôle Olympique et du centre-ville, l’agence lyonnaise Tectoniques Architectes a réalisé la Maison de l’Enfance dans le quartier Val de Roses. A l’horizon 2030 du projet ANRU déployé en ville, il s’agit là du premier projet de cette opération urbaine. La stratégie compacte de l’agence permet pour ce programme important de 4 500 m² SDP de préserver le maximum de sol disponible pour réussir sur une parcelle de 6 000 m² à proposer 4 000 m² d’espaces verts. Sa position en tête de parcelle, au nord afin de bénéficier d’une bonne exposition, lui confère un rôle de rotule en articulant le parvis d’entrée, le jardin en pente et les aménagements extérieurs.
« L’organisation du bâtiment favorise la création de liens spatiaux, et donc sociaux, entre les différents quartiers, à plusieurs échelles du territoire : liaisons piétonnes entre le nord et le sud, désenclavement des quartiers, ouvertures visuelles, enrichissement des interfaces, nouvelles pratiques et appropriations par les usagers », précisent les concepteurs.
Au travers de cette opération, Tectoniques fait varier son approche en mixant trois grands matériaux, les convoquant chacun pour leurs qualités propres, et fait évoluer son approche parfois dogmatique du bois en affichant des nuances réjouissantes et à propos.
« Le noyau est construit en pré-murs béton, lui-même entouré et surmonté d’une structure en bois, la structure verticale est formée de panneaux en CLT qui s’assemblent comme un jeu de construction. Les planchers sont en solivage lamellé-collé et les panneaux extérieurs en murs manteaux type MOB. Le métal est enfin utilisé pour les exostructures destinées aux ouvrages de protection et de bardages des façades. (…) Deux matériaux habillent la façade du socle : une vêture claire et lisse en béton fibré qui assure l’interface avec l’espace public, et un bardage Douglas pré-grisé dans les parties protégées et sous le préau », poursuit l’agence.
Un écart par la Tarentaise en direction de Moutiers permet ensuite aux suiveurs de visiter ces deux vallées voisines et de découvrir la centrale hydroélectrique de la Coche réalisée par l’Atelier Ritz Architecte.
Le bâtiment, qui marque une sorte de porte d’entrée du territoire, est volumineux et doit gérer ce gabarit industriel dans ce paysage singulier : 90 mètres de longueur, 40 mètres de largeur et 34 mètres de hauteur. On est loin de la petite chapelle zumthorienne posée à flanc de coteaux, il faut bien ici architecturer et spatialiser un ouvrage d’art à l’échelle de la puissance électrique qu’il fait rayonner dans la région.
« Comme pour les grands ouvrages d’art, une telle construction doit au contraire traduire et affirmer son insertion dans le site par une forme et une matérialité qui fassent sens », relève l’architecte.
L’approche architectonique est aussi claire qu’efficace. Le projet, segmenté par volumes programmatiques, s’adosse à la roche et articule les spatialités du site en jouant de vides opportuns pour tenir la composition. La matérialité du projet participe de cette logique au travers de l’acier Corten qui porte avec lui plusieurs imaginaires accessibles à tout un chacun.
L’effet combiné des volumes et de la matérialité est réussi puisque sur cette portion d’autoroute apparaît un mastodonte délicat qui affirme une présence industrielle nécessaire à toutes et tous au quotidien mais capable de rompre avec l’architecture purement fonctionnaliste des bâtiments du siècle précédent qui jalonnent la vallée. L’effort du maître d’ouvrage et la précision de l’agence d’architecture démontrent qu’il est possible à cette échelle de trouver la mesure des choses.
De retour vers la caravane, les suiveurs peuvent s’élever pour découvrir la Maison Bulle découverte en reconnaissance perchée sur les balcons de Chartreuse réalisée par Claude Costy et Pascal Häusermann, le Balcon de Belledonne, et actuellement rénovée par Alice et Scott qui s’emploient à la restituer le plus fidèlement possible dans son état d’origine.
Alice est historienne de l’Art, Scott commissaire d’exposition. Ils reprennent ensemble une épopée constructive mythique, soixante ans après leurs glorieux aînés pour restaurer cette construction iconique dans la droite ligne de son intention originelle.
Structurés par leurs métiers, ils abordent ce chantier par le principe de préservation. Alice explique bien volontiers que « c’est la maison qui les a trouvés ». Difficile de la contredire tant est faible la probabilité pour un ouvrage historique perdu dans la Chartreuse en grand besoin de restauration de trouver des nouveaux propriétaires sur LeBonCoin.
L’histoire de l’architecture du XXe siècle est souvent agrémentée de courriers de commanditaires et d’architectes, qui mettent en lumière la dimension épistolaire de la commande comme le premier élément constitutif d’une architecture. Dans ce XXIe naissant, en sortie d’une épidémie mondiale, la démarche épistolaire vient peut-être de la maison elle-même qui, à l’aube d’un requestionnement occidental sur les modes d’habiter, sait que peut-être, quelque part, existent des héritiers de Claude Costy et Pascal Häusermann qui cherchent un lieu où habiter différemment.
Ce fragment de l’histoire de l’architecture contemporaine était à vendre dans les petites annonces, le plus simplement du monde. L’ouvrage protégé par ses anciens propriétaires avec les moyens du bord avait besoin qu’on s’occupe de lui. L’ancien propriétaire, un pisciniste, fidèle à l’approche architecturale rudimentaire de la construction l’avait enveloppée d’un liner pour protéger la maison Bulle de la rudesse climatique de la Chartreuse. Une approche empirique et protectrice qui a permis de conserver l’ouvrage jusqu’à aujourd’hui.
Les suiveurs rejoignent ensuite le peloton et enchaînent avec les mythiques Col du télégraphe, du Galibier et du Granon pour conclure cette étape somptueuse.
Une halte bien méritée de fin de journée au 16 Ames à Monestier-les-Bains assurera aux suiveurs de découvrir un plat du jour parfaitement adapté et de se remettre en douceur de cette journée chargée tant sportivement qu’architecturalement.
Guillaume Girod (dans la caravane)
Pour les suiveurs, retrouver :
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2022
– Toutes les Reconnaissances d’étape du Tour de France contemporain 2022
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2021.
– Le Tour de France contemporain 2020 : Le départ ; La suite ; La suite de la suite ; L’arrivée.
– Le Tour de France contemporain 2019 : 1ère semaine ; 2ème semaine ; 3ème semaine.
– Le Tour de France contemporain 2018