Après la grosse bagarre de la veille, c’est le moment pour les prétendants d’inscrire leur nom dans la grande histoire du Tour de France. En effet, sur 165 km, après une nouvelle ascension du Galibier, puis la montée au col de la Croix de Fer, les 21 virages mythiques menant à l’Alpe-d’Huez attendent encore le vainqueur de cette étape de prestige. En plus, un 14 juillet, les coureurs français ne voudront pas s’en laisser conter et les suiveurs ne voudront rien rater du final.
Cela écrit, avant le départ, les suiveurs peuvent prendre le temps d’arpenter Briançon (Hautes-Alpes) et de découvrir la médiathèque municipale réalisée par les toujours impeccables Gautier + Conquet. Elle prend place dans l’ancienne caserne Berwick et le vide créé par l’espacement tout militaire entre deux casernements assez imposants.
Le bâtiment, très bas en regard des autres constructions, ne dépasse pas 5,20 m à la rive et s’adapte aux conditions d’ensoleillement et de déneigement par un positionnement judicieux dans l’espace libre de la place. La faible hauteur de l’ouvrage est permise par la création d’un niveau enterré qui abrite les archives et permet au projet de maintenir cette silhouette basse, longiligne, inscrite dans le morphotype des casernes et qui assume une insertion douce et précise.
Le projet rencontre parfaitement la volonté programmatique de fluidité et d’ouverture. Son écriture béton – bois, béton pour la structure, bois pour les menuiseries et parements, lui permet de jouer entre une massivité militaire de circonstance et une légèreté comme signal d’ouverture au public.
« La médiathèque ne sera plus un simple lieu de passage qu’on traverse en coup de vent pour emprunter des documents. Ce sera un lieu de vie, où l’on prendra le temps de s’installer confortablement, de s’attarder sur une lecture, une écoute, un visionnage et surtout de se rencontrer. C’est là que réside tout l’attrait de la médiathèque, convertie en lieu de sociabilité », appuie Nicole Guérin, adjointe à la Culture de Briançon.
L’aspect massif de la construction est déconstruit par ce vocabulaire et la présence d’un patio qui décompose la séquence et permet de retrouver à la fois de la lumière naturelle dans toutes les épaisseurs du plan mais aussi un paysage maîtrisé à la manière d’un jardin japonais qui dialogue avec les ouvertures vers le grand paysage tout proche.
A hauteur de Saint-Jean-de-Maurienne les suiveurs iront ensuite visiter les nouveaux locaux communaux de Notre-Dame-du-Cruet, découverts en reconnaissance d’étape, réalisés par Lis et Daneau, mentionnés au prix de la première œuvre 2021.
Cet ouvrage destiné à la vie locale de la commune abrite des locaux communaux pour les services techniques, le local de l’association de chasse locale et une cuisine communale qui peut accueillir les évènements communaux. Situé à proximité du four à pain le projet accueille les festivités qui accompagnent sa fabrication.
« On propose un bâtiment qui est un énorme mur de soutènement habité qui va créer une petite place, une toute petite urbanité dans un village qui est en proie à la question d’étalement (…) on offre une place couverte, le four est à côté (…) c’est un bâtiment couteau suisse avec peu de contrainte, pas de réglementation particulière, juste du bon sens », explique François Lis.
Le projet s’inscrit dans une filiation de l’école tessinoise revendiquée par les architectes au travers de la mise en œuvre de matérialité minérale et rustique. Le béton banché par un coffrage en sapin brut inclut des granulats de la gravière de la commune et illustre l’extrême efficacité de la chaîne courte de production du béton, notamment dans les alpes où les cimenteries quadrillent le territoire.
Ce mur de soutènement habité est réalisé à l’horizon d’une chaîne de production ultra locale donc et d’une main-d’œuvre territorialisée. La filiation tessinoise revendiquée par les AJAP 2020 s’incarne clairement ici, aussi bien par la parenté territoriale que par les ambitions architecturales au travers d’une structure puissante à la minéralité affirmée.
Le bâtiment est installé à l’arrière de deux constructions existantes et d’un talus qu’il remanie. C’est à la fois un arrière-plan et le fronton de la petite placette recréée. L’ouvrage s’étire sur 32 mètres de long et recouvre deux volumes distincts séparés par un vide opportun. Ce préau offre un espace protégé permettant à la commune d’entrevoir de nouvelles modalités d’usage sous cette toiture en voûtains maçonnés blancs qui amènent une lumière zénithale traversante.
Ce vide distribue les deux locaux et protège leur accès. Les murs oscillent entre 20 et 30 centimètres d’épaisseur selon les besoins techniques, leur épaisseur est parfois amplifiée dans les embrasures pour suggérer une massivité plus importante. Les sas d’accès et les locaux sont habillés de lames de bois ou de panneau de contreplaqué qui traduisent une volonté de mise en œuvre prosaïque.
« On veut essayer des choses, revenir à des mises en œuvre les plus simples possibles, on peut travailler comme un artisan, c’est ce qu’on essaie de revendiquer, au moins en ce moment (…) on essaie de ne pas faire de placo tout de suite, de sortir des mises en œuvre traditionnelles pour construire plus durablement et plus simplement », indique François Lis.
Les suiveurs suivent le rythme depuis la croix de fer jusqu’à l’Alpe-d’Huez et son ascension mythique. Mais une fois les coureurs arrivés et les articles dûment expédiés, il reste pour les suiveurs du Tour contemporain une dernière visite pour la journée afin d’allier repos, sustentation et découverte.
En effet, La Maison Aribert située non loin de là à Saint-Martin-d’Uriage offre un lieu fort adéquat pour attendre l’étape du lendemain et l’occasion de découvrir le projet de Joëlle Personnaz, livré en 2019. L’établissement s’étend sur les cinq niveaux de la bâtisse de 1875 et une extension de plain-pied face au parc. Le dialogue entre l’ancien et la partie créée propose une richesse de vocabulaire réjouissante.
L’ouvrage existant, assez marqué tant en termes de décor que de présence architectonique, semble laisser peu de place à une autre forme d’expression architecturale possible. Le projet trouve pourtant sa place en appartenant plus au parc qu’à la partie bâtie et fait écho à la cuisine du chef Christophe Aribert.
Les modénatures organiques rappellent son travail comme l’explique l’architecte pour qui il s’agissait de « créer un pavillon en bois aux décors organiques, décollé de l’existant pour que chacun dialogue avec l’autre, qu’une respiration s’installe entre ancien et nouveau, pour créer un lieu hors du temps. Par ailleurs, le projet s’inspire directement de la cuisine du chef Aribert. Le lieu à créer était un écrin à l’image de sa cuisine, de la sobriété, de la générosité, de la magie empreint de nature et de matière brute », explique-t-elle.
Le coureur Romain Bardet, bien connu des suiveurs, est proche du chef Christophe Aribert et fin gastronome, ce qu’ils savent peut-être moins. A l’issue de cette étape, s’il n’était pas lui-même en course, il recommanderait sûrement aux suiveurs une truite du Vercors accompagnée de quelques herbes glanées dans la journée, le tout servit avec un vin blanc local du plus bel effet.
Guillaume Girod (dans la caravane)
Pour les suiveurs, retrouver :
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2022
– Toutes les Reconnaissances d’étape du Tour de France contemporain 2022
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2021.
– Le Tour de France contemporain 2020 : Le départ ; La suite ; La suite de la suite ; L’arrivée.
– Le Tour de France contemporain 2019 : 1ère semaine ; 2ème semaine ; 3ème semaine.
– Le Tour de France contemporain 2018