De Saint-Gervais (Haute-Savoie) à Courchevel (Savoie), les suiveurs du Tour de France de Chroniques ont l’occasion de prendre sur le peloton quelques longueurs rafraîchissantes.
En ce lendemain de contre-la-montre qui n’a pas apporté toutes les réponses, cette nouvelle étape de montagne est dans le jargon cycliste un véritable « chantier », une savoureuse analogie pour les suiveurs du Tour de France de l’architecture contemporaine. Les 5 000 m de dénivelé seront la jauge qui permettra de voir ceux des coureurs qui rayonnent ou qui s’effondrent en troisième semaine, le désormais mythique Col de la Loze devant à nouveau offrir un duel au sommet. Pour autant, quelques courageux aventuriers auront coché cette étape, surtout si les leaders doivent s’observer.
Les suiveurs du Tour de France contemporain de Chroniques, amateurs de tous les sports, auront pendant cette grande boucle visiter nombre de gymnases, stades et piscines. C’est encore le cas ce jour puisqu’ils profiteront de la matinée pour visiter le centre aquatique de Saint-Gervais réalisé par Dietmar Fichteinger et Vincent Roques.
Le projet inscrit sa massivité programmatique dans le paysage et la pente en déployant et en sectionnant le bâtiment pour affiner sa silhouette dans le contexte. Plusieurs volumes permettent de s’installer dans la topographie, de se connecter avec l’espace public et de s’ouvrir sur l’environnement. Les matérialités changent pour prolonger la volonté de dislocation : bardage à claire-voie et paroi vitrée structurent l’ensemble. Le parcours se fait parallèlement à la pente du haut vers le bas comme une plongée allégorique vers le sol et l’eau qui en jaillit.
« Les lignes du bâtiment poursuivent un idéal d’intégration au site et appellent à une forme pour épouser le lieu. Le projet naît comme déduction de données topographiques et parvient à les sublimer au travers d’un dessin délicat des façades », précisent les architectes.
La finesse de l’assemblage de l’ensemble permet de préserver des espaces amples pour les bassins, hauts et ouverts vers la vue, et des sous-espaces intimes dédiés aux vestiaires. Cette composition parvient avec justesse à intégrer un programme robuste dans ce site délicat qui préserve les deux vues fondamentales d’un tel projet, celles depuis le projet et celles à l’échelle du grand paysage depuis les balcons environnants.
Les suiveurs s’élancent ensuite dans la vallée vers la Savoie jusqu’à Sallanches pour faire une pause dans la médiathèque livrée en 2016 par l’agence Guyard Bergman Architectes (GBA) et qui méritent une halte opportune.
Le projet installé au centre de la commune à proximité de l’église Saint-Jacques prend place dans l’ancienne propriété Bardet. L’approche de GBA à l’intérieur des murs périphériques existants de la propriété propose d’épouser à bonne distance cette limite historique pour créer un vide entre présent et passé formant une lisière nécessaire entre les époques. Ce grand espace résiduel d’un seul tenant est le premier mouvement du projet, en plan pourrait-on dire. En coupe, il absorbe la déclivité existante du terrain en installant deux niveaux de plain-pied reliés par un escalier monumental.
« Le bâtiment de la médiathèque s’insère dans la forme déjà-là de ces murs, il en épouse le tracé moyennant un retrait périmétrique de 4 à 5m, occupant ainsi tout le terrain disponible », confirment les architectes.
Le projet entretien un rapport tellurique fort au sol existant, il apparaît comme un décollement élégant à la forme indéterminée qui permet à l’équipement culturel de se lover dans une situation de déjà-là sous un large toit paysagé. L’architectonique des éléments maçonnés appuie cette impression et met en scène physiquement la volonté des concepteurs et les efforts structurels de l’ouvrage.
Le discours est simple sans être simpliste. Les espaces servis sont largement vitrés, les espaces servants, soustraits au regard, sont pleins. La grande toiture s’appuie sur quatre éléments porteurs cherchant à simplifier la compréhension du lieu et la dialectique architecturale locale, quatre murs et un toit deviennent ici quatre poteaux et une toiture.
Reprenant la route, les suiveurs passent le somptueux Cormet de Roselend pour redescendre vers Bourg-Saint-Maurice où les attend un bâtiment qui réunit leurs deux passions : le bâtiment d’activité d’un producteur artisanal d’éléments de signalétique pour l’évènementiel sportif réalisé par Nunc Architectes.
Livré en 2007, ce projet démontre la capacité de l’architecture à fabriquer du sens dans des lieux ou sur des programmes souvent délaissés et vus comme principalement utilitaires : les zones d’activités. Le bâtiment d’échelle modeste fait montre d’une grande ambition tant sur le plan de l’architecture que de la fonctionnalité. Il traite aussi bien de la lumière que des quais de livraisons. À ce sujet un travail habile de plate-formage permet de positionner le bâtiment en léger surplomb de la voirie pour ménager une cour de livraison à niveau de cette dernière et du niveau de référence du bâtiment.
Le projet organise deux façades principales déployées autour de leurs objectifs d’usage : une façade d’accès pour le tertiaire, une autre technique pour l’atelier. Les lumières sont ainsi différenciées : directes et en rapport avec la vue pour le premier secteur, diffuse et généreuse pour le second, en vitrage clair et polycarbonate. L’ensemble du volume intégralement fabriqué en bois unifie l’ensemble.
« Le projet utilise massivement le matériau bois tant pour la structure que pour la finition. La végétalisation de la toiture améliore le confort d’été et la rétention momentanée des eaux pluviales.
L’accent est porté sur la qualité d’un éclairage naturel pour tous les locaux limitant l’utilisation de l’éclairage artificiel accompagné d’une protection solaire d’été efficace », explique l’agence.
Nunc honore ici un maître d’ouvrage qui ne cède en rien ni sur la qualité architecturale ni sur la fonctionnalité. L’agence démontre une nouvelle fois sa capacité à questionner avec précision les questions du paysage bâti dans l’arc Alpin.
Plus tard, arrivés à Courchevel, pour se remettre de ces 5 000 mètres de dénivelé, les suiveurs pourront à la fin de l’étape retrouver les plaisirs de l’eau en terminant leur journée au Centre Aquatique de Auer Weber.
Le projet, livré en 2016 et inscrit dans les mêmes contraintes que son cousin de Saint-Gervais, est implanté l’entrée de la commune. Auer Weber a mis en œuvre ce programme massif dans un double mouvement d’inscription : à la fois un soulèvement de la topographie existante et un enfouissement partiel afin d’inscrire l’immense volume dans le profil existant.
La densité du programme oblige ce double mouvement car il contient, prenez votre souffle : mur d’escalade, offre complémentaire intégrée dans le bâtiment, espace de piscine destiné aux activités grand public, un pentaglisse de plus de 30 mètres, un large courant d’eau de plus de 100 mètres, un bassin de sauts, une lagune, un bassin de nage et un bassin extérieur, une pataugeoire, un bassin d’eau salée, un centre de massage, des saunas et des hammams.
« Dans ce cadre géographique unique, le centre aquatique renferme un programme très foisonnant. Les choix architecturaux se sont très vite orientés vers un langage parfaitement intégré dans cette nature. La toiture du projet suit la topographie du site en se soulevant, afin d’y renfermer, de manière quasi souterraine, toutes les fonctions du programme », souligne l’agence.
Cette double stratégie, soulever et enfouir, s’avère donc opérante pour gérer l’amplitude programmatique et installe dans le paysage un équipement volumineux au gabarit in fine réduit. Une double séquence intérieur-extérieur des bassins offre deux rapports au paysage : le plus classique, attendu et inévitable, ouvert sur le panorama ; le second, intériorisé dans un immense patio qui accueille un bassin extérieur, propose un rapport plus subtil, plus intime, qui ne parle que des derniers morceaux des cimes d’épicéas accrochés dans le ciel.
Après quelques longueurs pour détendre les muscles endoloris après plus de deux semaines de course, une fois n’est pas coutume, les suiveurs iront se requinquer à une table étoilée, le Farçon, du chef Julien Machet qui revisite au travers de produits français et italiens l’histoire gustative de la Savoie. Il propose une cuisine faite comme une balade avec au choix trois menus : la route des tommes, la route du sel et le grand chemin. À chacun de trouver le sien.
Guillaume Girod (dans la caravane)
Pour les suiveurs, retrouver :
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2023
– Toutes les Reconnaissances d’étape du Tour de France contemporain 2023
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2022
– Toutes les Reconnaissances d’étape du Tour de France contemporain 2022
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2021.
– Le Tour de France contemporain 2020 : Le départ ; La suite ; La suite de la suite ; L’arrivée.
– Le Tour de France contemporain 2019 : 1ère semaine ; 2ème semaine ; 3ème semaine.
– Le Tour de France contemporain 2018