La Société du Grand Paris, sur la houlette de Jacques Ferrier, a fait appel à 19 équipes de maîtrise d’oeuvre pour envisager la conception des 24 gares qui jalonneront le parcours de la première tranche des futures lignes du Grand Paris Express. Le 23 juin 2016, à la maison de l’architecture en Ile-de-France, Thomas Richez (Richez et associés), Philippe Gazeau (Philippe Gazeau architecte) et Jean-Marie Duthilleul (Duthilleul agence d’architecture et d’urbanisme) en présentaient cinq opus.
En plus de la prolongation des lignes 11 et 14 du métro, c’est quatre autres lignes ferroviaires qui, à l’horizon 2030, devraient parcourir le Grand Paris. La Ligne 15 est imaginée comme une large rocade, de façon à désaturer les zones les plus denses entre Noisy-Champs et le Pont de Sèvres (en passant par la Défense ou par Saint-Denis). La ligne 16, au départ du carrefour Pleyel aura le lourd fardeau de désenclaver l’est de la Seine-Saint-Denis jusqu’à Noisy-Champs. La Ligne 17 joindra Saint-Denis Pleyel au Mesnil-Amelot en passant par Le Bourget RER, Gonesse et l’aéroport Roissy Charles-de-Gaulle tandis que la ligne 18 reliera Orly à Versailles Chantiers via Massy-Palaiseau (le plateau de Saclay).
Sur chacun des parcours, les problématiques urbaines sont contrastées. Toutes ont cependant un point commun, celui de devenir à terme un nouveau repère valorisant le territoire. Les cinq gares présentées ce soir-là, à grand renfort de perspectives et de films d’animation, semblent bien répondre à la ligne de conduite indiquée par Jacques Ferrier qui était «de ne pas proposer une collection d’architecture». Il est toutefois regrettable que les architectes convoquent toujours les figures du XIXe siècle pour concevoir les projets du XXIe siècle. Succédané des interventions des hommes de l’art.
Gare Bry-Villiers-Champigny, ligne 15 Sud, par l’agence Richez et associés
La gare se situe aux confins des villes de Bry-sur-Marne, de Villiers et de Champigny, proche de l’autoroute A4. La gare prendra place sur une vaste friche, jadis réservée pour la construction de l’autoroute A5, jamais construite. La ligne E du RER n’est pas loin. Au nord du territoire, la place est réservée pour des logements.
La gare se matérialise en surface par un unique niveau en rez-de-chaussée, dans un grand volume prolongé au sud par un appendice. Elle sera coiffée par un «projet connexe», dont les grandes lignes n’ont pas encore été décidées mais qui, de par sa hauteur, devrait contrebalancer la gare, assez basse. Pour rejoindre les quais, les voyageurs emprunteront de grands escalators et effectueront une descente de 15 mètres à la lumière du jour grâce à une gigantesque façade vitrée orientée au sud.
A l’intérieur de la gare: deux «plis». L’un ample et jaune, généreusement éclairé par la façade, l’autre plus modeste, plus proche des quais. «Ils formeront des supports d’intervention pour les artistes associés au projet» a expliqué Thomas Richez. «Ce sera un écho à l’histoire de Bry-sur-Marne, très liée à l’image». La ville où naquit Louis Daguerre, avant le siège de l’INA, abritait l’ORTF.
Gare Massy-Palaiseau, ligne 18, par l’agence Richez Associés
«La gare s’inscrit ici dans un véritable campus de transports, entre des quais, des trains, des caténaires, dans un monde de voies ferrées très horizontal», souligne l’architecte, qui ancre ainsi son projet dans le tissu urbain existant.
«Pour cet équipement, qui sera l’émergence du seul système souterrain du territoire, nous voulons créer un mouvement vers le ciel au travers d’une voûte, un grand volume qui laissera entrer la lumière du jour et fera sortir la lumière la nuit». A ce stade, le projet n’est pas encore arrêté. La gare devrait se matérialiser par un surgissement et par un parcours vertical significatif. La forme générale de la voûte sera peut-être un rappel des passerelles qui hantent déjà le site.
Gare Fort d’Issy-Vanves-Clamart, ligne 15 Sud, par l’agence Philippe Gazeau Architecte
Sur ce site typiquement faubourien, «la ligne du RER, en talus, est une forte contrainte qui crée une barrière visuelle et physique, qui sépare les territoires», précise l’architecte. Le nouveau bâtiment de la gare est pensé comme un lien entre les villes de Clamart et d’Issy, visant à transformer le territoire et le paysage, avec des interventions visibles ou invisibles. «La gare se glissera en biais sous les voies du Transilien et chaque ville sera dotée d’un parvis», explique Philippe Gazeau.
«En partie supérieure, nous allons créer une large rue intérieure, un espace public traversant agréable, pourvu de tous les services». Des effets de matières réfléchissantes en miroir apporteront la lumière nécessaire aux quais.
Gare Villejuif Louis-Aragon, ligne 15 Sud, par l’agence Philippe Gazeau Architecte
La gare va s’implanter sur un emplacement très urbain, promis à devenir un vrai hub métropolitain, constitué de logements et d’équipements. La gare sera un lieu «extraordinaire» en résonance avec le futur quartier. «Nous avons peu d’espace, l’émergence est presque au bord du trottoir», précise Philippe Gazeau. Elle sera matérialisée par une grande halle vitrée permettant les échanges visuels et physiques entre la rue et la gare. Deux parvis et deux entrées garantiront la porosité de l’îlot, «en transparence pour ne pas faire barrage», indique le concepteur.
«Cette transparence rapprochera le monde souterrain et la rue; un grand miroir suspendu au faux plafond reflétera l’activité extérieure, rendue ainsi visible aux voyageurs qui s’engouffreront vers les quais ou qui en remonteront».
Gare Noisy-Champs, ligne 15 Sud, par Duthilleul agence d’architecture et d’urbanisme
La gare de Noisy-Champs marque les limites de la ville et de la campagne, de la Seine-Saint-Denis et de la Seine-et-Marne. Elle conditionne l’interconnexion entre les lignes 15 et 16, et beaucoup de passagers ne sortiront pas de la gare. «Nous voulions qu’ils puissent voir l’extérieur et profiter du cadre. C’est pourquoi nous avons fait descendre le sol pour donner à voir la nature depuis l’intérieur», indique Jean-Marie Duthilleul. Les quais des deux lignes sont installés les uns sur les autres. Passé les problèmes techniques de sorties de secours par exemple, il s’agit de mettre la nouvelle gare en position pour qu’elle devienne fondatrice d’un nouveau lieu : «les gares doivent transformer les villes», dit-il.
Pour les promenades qui entourent le bâtiment, le paysagiste Michel Desvignes a convoqué la figure, très XIXe siècle, du square, dont la gare serait le kiosque. Le toit, léger, est évanescent. Formé par deux spirales avec des débords étagés, il laissera entrer le soleil l’hiver et le filtrera l’été, pour garantir une qualité de température et de lumière.
Léa Muller
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