
Le statut de l’architecte est dévoyé. Le mot même a perdu son sens. Architecte d’un crime, architecte d’une escroquerie, sont des expressions aujourd’hui couramment utilisées. Pourquoi, comment en est-on arrivé là ? Comment le métier le plus noble, le plus prestigieux est-il tombé dans la misère de l’irrespect et du déni ? Constat de l’architecte Olivier Silvestri.
Chaque nouveau projet, je l’ouvre comme on entre dans un ring : la boule au ventre, le regard vif, prêt à encaisser. Parfois même à reculons. Il faut tout concilier, le programme du client, le règlement d’urbanisme, la topographie du terrain, la course du soleil, la thermique qui tord le cou aux jolies idées et le budget qui cloute les chevilles. Avant même d’avoir posé un trait, j’ai envie de tout lâcher. Qui ne doute pas ? Est-ce que la créativité sera au rendez-vous ? Est-ce que le client aimera ? Est-ce que j’aimerais vivre dans ces plans que je griffonne toutes ces heures ? Ces réponses, on ne les a qu’après, parfois des semaines, parfois des mois, quand les gens emménagent et que la matière parle.
Je peux passer des heures à dessiner, découper, modeler des volumes, empiler des esquisses, coller des maquettes. Tout ça c’est du feu d’artifice de papier. Rien n’exprime mieux une idée que le poids de la chose construite : debout, solide, habitée. Là, seulement là, se juge le salut de ton dessin.
La force, je la cherche partout : dans une musique qui te prend à la gorge, dans un livre, dans un café, au coin d’une rue ou au fond d’un bois. Et puis, un jour, elle arrive, l’idée, la coquine. Elle était là depuis le début, juste cachée. À partir du moment où tu la surprends, commence un autre combat : il faut l’attraper, la séquestrer, la faire parler sur le papier. Il faut la garder vivante quand tu la présentes au client. Si on veut la dépecer, tu te bats. Tu deviens pédagogue, avocat, boxeur, tout sauf bourgeois. Il faut convaincre, expliquer, ramener l’autre sur le chemin que toi tu as parcouru pour la trouver.
Et ça, mes amis, ce n’est que le sommet de la pointe de l’iceberg du métier d’architecte. Mon objectif ? Commencer avec la boule au ventre et finir avec le sourire aux lèvres.
Olivier Silvestri
Architecte