Le moment est venu de se remémorer les chroniques de l’année écoulée, et du chemin parcouru depuis l’évocation du souterrain Gouvion St Cyr jusqu’à l’existence d’une cybernétique urbaine, en passant par le démontage du génome urbain.
Plutôt que d’évoquer un bilan, disposition sordide et quasi testamentaire, il est sans doute préférable de rappeler les étapes, les combats homériques de cette chronique dans la chronique, pour établir la réalité de la perception organique de la ville, et d’en déduire ce qu’en sera l’avenir.
On commença par évoquer Gouvion St Cyr, ganache galonnée qui marque l’enfance de toute une génération par l’incroyable féerie de matériaux, lumières et bruits dont il entoure son nom grâce au tunnel éponyme…
Jamais pris au sérieux dans les livres d’histoire dès qu’une rue ou un boulevard porte ton nom … : Victor Hugo est presque plus une avenue huppée du XVIe arrondissement de Paris que le plus grand de tous les poètes. Bonaparte est plus connu du monde entier pour Vuitton et les macarons Ladurée que la chrysalide de Napoléon («Et déjà Napoléon perçait sous Bonaparte…» selon Victor Hugo – pas l’avenue, le poète) …
Tel le personnage de Newton par Gotlib, souvent ont été cités dans nos lignes : Lamarck, le naturaliste baba du début du XIXe siècle porteur d’une théorie douce d’une évolution soft, opposé à Darwin, l’eugéniste facho qui a présenté l’évolution sous un jour plus radical : seules les espèces prémunies contre les agressions de toutes sortes survivent. Le cou de la girafe ne s’est pas allongé à cause de l’évolution de la hauteur des feuilles, les girafes ayant un cou plus court n’ont simplement pas survécu.
Il est assez curieux, devant l’importance de ces deux savants sur l’évolution des espèces vivantes, donc de l’espèce urbaine, qu’ils aient donné leur nom à deux rues parallèles situées à dix mètres l’une de l’autre dans le XVIIIe arrondissement. Comme si ce quartier de Paris, connu pour sa part importante dans l’histoire de la ville, au moment de la décapitation de Saint Denis, et lors de la commune (notamment), célébrait par cette sanctuarisation, le respect que la ville doit à l’extension de leurs théories génétiques à la ville elle-même. Un hommage …
Les prochaines étapes de notre réflexion sur le démontage du génome urbain laisseront place à des interférences entre les règles du monde du vivant et de son évolution et le machinisme toujours présent lorsque la matière s’invite dans la constitution des corps urbains.
La ville machiniste célébrée par Fritz Lang dans Metropolis est un organisme vivant autocontrôlé par l’organisation sociale (qui est une donnée génétique du sujet du film) et qui, tel un rouage dentelé aux cliquetis effroyables, contrôle le destin de la cité.
Ce qui n’est pas sans rappeler les propos de Mike Davis, prophète malthusianiste de l’explosion des bidonvilles.
Donc pour se préparer psychologiquement au choc des rouages mécaniques sur les chairs tendres de nos parcs et jardins, je recommande, comme entraînement estival, de méditer sur ces images du Phylacterium d’Alain Saint Ogan (1895-1974), auteur de bande dessinée, notamment de Zig et Puce
Ces images quasi inédites nous entraînent vers l’archéologie d’un futur du temps passé mettant dans les dispositions propices à comprendre comment l’alliance de l’agriculture urbaine avec la cybernétique hyperdéveloppée par l’intelligence artificielle produira les Frankenstein urbains de demain.
François Scali
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