Le Tour de France 2023 s’élance de Bilbao en Espagne le samedi 1er juillet 2023 pour une arrivée à Paris le dimanche 23. Comme les équipes de coureurs reconnaissent les étapes en amont, les suiveurs du Tour de France contemporain de Chroniques d’architecture, pour leur sixième participation, en font désormais autant. Pour cette troisième journée de reconnaissance, les suiveurs se rendent sur la future 15ème étape, longue de 180 km entre Les Gets et Saint-Gervais pour découvrir la médiathèque de Sallanches.
Cette étape de montagne sillonne la Haute-Savoie et verra le peloton gravir quelques jolis cols : Col de la Forclaz, Col de la Croix-Fry, Col des Arvavis, la côte des Amerands et la montée finale au Bettex. Une étape éprouvante pour les suiveurs en reconnaissance qui méritent une halte opportune à la médiathèque de Sallanches de l’agence Guyard Bergman Architectes (GBA) et livrée en 2016.
Le projet, installé au centre de la commune à proximité de l’église Saint-Jacques, prend place dans l’ancienne propriété Bardet. Clin d’œil homonymique malicieux en cette journée où notre Romain national pourrait rééditer son exploit en solitaire de 2016 au même endroit, cette année sur une étape parfaitement adaptée à son profil.
L’approche de GBA à l’intérieur des murs périphériques existants de la propriété propose d’épouser à bonne distance cette limite historique pour créer un vide entre présent et passé, formant ainsi une lisière nécessaire entre les époques. Ce grand espace résiduel d’un seul tenant est le premier mouvement du projet, en plan pourrait-on dire. En coupe, il absorbe la déclivité existante du terrain en installant deux niveaux de plain-pied reliés par un escalier monumental.
« Le bâtiment de la médiathèque s’insère dans la forme déjà-là de ces murs, il en épouse le tracé moyennant un retrait périmétrique de 4 à 5m, occupant ainsi tout le terrain disponible », confirment les architectes.
Le projet entretient un rapport tellurique fort au sol existant, il apparaît comme un décollement élégant à la forme indéterminée qui permet à l’équipement culturel de se lover dans une situation de déjà-là sous un large toit paysagé. L’architectonique des éléments maçonnés appuient cette impression et mettent en scène physiquement la volonté des concepteurs et les efforts structurels de l’ouvrage.
Le discours est simple sans être simpliste. Les espaces servis sont largement vitrés, les espaces servants, soustrait au regard, sont pleins. La grande toiture s’appuie sur quatre éléments porteurs cherchant à simplifier la compréhension du lieu et la dialectique architecturale locale, quatre murs et un toit deviennent ici quatre poteaux et une toiture.
La toiture joue son rôle de cinquième façade en s’inclinant légèrement vers l’entrée pour dévoiler sa couverture végétale. Elle est tout à la fois un bout de sol et du ciel, une prairie alpine suspendue en contrebas de l’église Saint-Jacques formant un premier plan et un élément de mise en scène de cette dernière.
Les concepteurs éclairent l’approche constructive : « une charpente métallique bétonnée sur la structure béton voile-refend-dalle des ‘blocs’ couvre les 2 090m² des salles de lecture. D’une portée de 26 m pour une hauteur de 0,70 m, elle repose sur quatre poteaux seulement ».
Cette large couverture protectrice doit tout de même s’ouvrir en son centre pour faire entrer une lumière généreuse adaptée à la consultation d’ouvrages et offrir un cadrage au loin vers les aiguilles de Warren. Ce dispositif raccroche le projet à son contexte élargi et le propulse hors des limites corsetées de l’emprise historique de la propriété Bardet vers un horizon local qui se finit immanquablement par un massif. Le regard peut tout à la fois s’intérioriser sur les ouvrages (littéraires et construits) et s’en évader. Ce double discours permet à tout un chacun de trouver dans l’espace sensible de la médiathèque les conditions adéquates à la prise de plaisir culturel.
Ce projet définitivement contemporain et parfaitement inscrit dans son époque démontre une nouvelle fois la qualité de l’approche de GBA qui marque définitivement l’arc alpin français de réalisation remarquables.
Avant de reprendre la route par la redoutable côte de Domancy, les suiveurs feront une halte méritée à La Charrette pour se requinquer autour d’un filet mignon basse température et son jus de rôti. Au choix, une Roussette de Savoie ou une bière Bacchante brassée à Sallanches accompagneront le déjeuner. Les suiveurs auront alors tout loisir de méditer de la question de la lisière mis en espace par GBA, qui résonnera avec leur effort du jour et le fameux rapport au seuil, quand la gestion d’une étape n’est souvent rien d’autre que la capacité à ne pas franchir la lisière de la rupture.
Guillaume Girod (en reconnaissance d’étape)
*Pour les suiveurs, retrouver :
– Les reconnaissances d’étape du Tour de France contemporain 2023
– Le Tour de France contemporain 2022 : Les reconnaissances et les étapes
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2021.
– Le Tour de France contemporain 2020 : Le départ ; La suite ; La suite de la suite ; L’arrivée.
– Le Tour de France contemporain 2019 : 1ère semaine ; 2ème semaine ; 3ème semaine.
– Le Tour de France contemporain 2018