[Résumé des épisodes précédents. A Paris, l’inspecteur Nutello – dit Dr. Nut – entend enfin cerner, voire confondre, l’architecte Dubois, un tueur en série retors de blondes aux yeux bleus, en garde à vue depuis la veille. A la recherche du corps de ses victimes, grâce à Ethel Hazel, la psychanalyste de l’architecte qui assiste à l’interrogatoire derrière le miroir sans tain, il croit savoir enfin qu’il les enfouit dans les bâtiments qu’il construit. Reste à le prouver, sans avoir à démolir des immeubles partout dans Paris.]
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« La stupidité et le génie se rencontrent sur un terrain qui leur est commun à tous les deux : l’imprévu dans la découverte ».
Georges Courteline
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Mardi 22h50. Dr. Nut, revenu dans la pièce d’interrogatoire avec une bouteille d’eau pour Dubois, a trouvé l’architecte en train de faire des étirements devant le miroir, secouant la tête de droite à gauche comme un sportif, pour détendre sa nuque raide, sans doute à cause de ces presque 48H de garde à vue qui commencent à lui peser. L’inspecteur s’est assis sans un mot, se plongeant dans son dossier.
Dr. Nut (l’air de rien) – Vous avez livré un bâtiment en 1990 ?
L’architecte (surpris, en se rasseyant) – Non, j’étais encore étudiant cette année-là. Pourquoi ?
Dr. Nut (pensif) – Certes… Vous n’avez absolument rien construit cette année-là, ou peut-être en 1991 ?
L’architecte (la mine soudain réjouie) – Je ne sais pas si ça compte pour vous mais je me souviens en effet que mon premier chantier, si l’on peut dire, a été d’aider un couple d’amis de ma mère qui voulaient rénover leur maison. J’étais seulement étudiant mais comme ils me croyaient architecte, du moins ils pensaient que j’avais la vocation, ils m’avaient demandé mon avis. C’était une toute petite maison dans le XIXe arrondissement, rue du Monténégro si je me souviens bien. Ils avaient prévu une surélévation en structure acier. C’était innovant à l’époque et je les ai encouragés. J’ai bien fait car la maison est encore debout aujourd’hui et aux dernières nouvelles, leurs enfants y sont encore très heureux. C’est moi qui leur ai proposé de profiter des travaux de renforcement des fondations pour créer en sous-sol une pièce supplémentaire. Je me souviens que j’amenais la lumière via un jardin d’hiver. Ils avaient trouvé ça très ingénieux, du coup ils m’ont fait confiance et laissé faire et ils se sont retrouvés avec un grand studio supplémentaire qu’ils ont pu louer à des étudiants.
Dr. Nut – Et dans ce sous-sol, dessous ce sous-sol, dans ces fondations plus exactement, personne n’y est retourné depuis que vous les avez celées, n’est-ce pas ?
L’architecte – Comment le saurais-je ? D’ailleurs, je n’en vois pas l’utilité, il n’y a aucun trésor archéologique là-dessous, que je sache du moins.
Dr. Nut – L’archéologie, nous allons peut-être y revenir. En attendant, vous vous souvenez de tous vos bâtiments n’est-ce pas ?
L’architecte (qui évide de se rengorger surtout que sa nuque semble maintenant détendue, malgré la fatigue) – Oui, peu ou prou, à part je vous l’ai dit quelques chantiers de ravalement pour le compte de marchands de sommeil…
Dr. Nut – Ha parce qu’il y en a eu plusieurs ?
L’architecte (soupirant) – Jeune archi dans une agence, je faisais là où on me disait de faire.
Dr. Nut – Je croyais que vous n’aviez jamais travaillé pour personne, architecte libéral et tout le tralala de l’indépendance…
L’architecte – Vous m’avez mal compris, ou je me suis mal exprimé. Ce que je voulais dire est que je me suis mis à mon compte après avoir fait mes armes. Mais cette période a été courte puisque, très vite, on montait notre agence avec Madeleine.
Dr. Nut – Très bien, alors dites-moi, quel bâtiment avez-vous livré au tournant des années 2000 ? Vous veniez de créer votre agence n’est-ce pas ?
L’architecte – En 2000 ? Tout à fait, nous venions avec Madeleine de créer Dupont&Dubois. Et nous avons assez vite construit.
Dr. Nut (engageant) – Un bâtiment en particulier que vous aimeriez citer pour cette année-là ?
L’architecte (qui réfléchit longuement, puis souriant) – Maintenant que j’y réfléchis, je me souviens avoir réalisé – pas moi tout seul, Madeleine et moi, mais bon, surtout moi – un superbe crématorium ; tiens en Bretagne déjà maintenant que j’y pense. J’avais d’ailleurs été vraiment inspiré par l’esprit du lieu. J’avais imaginé un cheminement à travers des pierres levées comme des menhirs qui offraient à un simple crématorium une étrange et bienvenue solennité. Chacun pouvait imaginer que sous chaque pierre débout se cachaient des esprits bienveillants, une mini cathédrale à ciel ouvert qui ne s’embarrasse d’aucun dogme et donc d’aucun tabou. Vous voyez ce que je veux dire inspecteur ? Je ne serais pas étonné que ce soit là que les druides viennent aujourd’hui enterrer les leurs ha ha ha.
Dr. Nut (qui ne peut s’empêcher de jeter un coup d’œil au miroir sans tain et semble se replonger dans son dossier) – Un crématorium ? Les esprits sous les pierres levées… Je vois. Et, tiens par exemple, en 2018, quel serait votre bâtiment préféré ?
L’architecte (soudain méfiant) – Pourquoi précisément en 2018 ?
Dr. Nut – Je veux juste vérifier un truc. Bref, votre bâtiment livré préféré en 2018 ?
L’architecte (un voile de tristesse passe devant ses yeux) – Alors je dirais le bâtiment de Villeurbanne réalisé avec Géraldine*. Pendant quelques mois, cela a été un tel bonheur de travailler avec elle, plus le reste, vous le savez déjà, mais au-delà de la bagatelle, nous avons mené ensemble ce bâtiment à deux mains de maître. Je me suis plus amusé, et j’ai sans doute plus appris, avec Géraldine en douze mois qu’avec Madeleine en douze ans, professionnellement et personnellement.
Dr. Nut (toujours plongé dans son dossier) – Hum, hum. Et, tiens, en 2020 par exemple ?
L’architecte (toujours méfiant) – Vous voilà soudain bien intéressé à mon travail. En plus vous savez déjà qu’en 2020 je n’avais pas forcément beaucoup de travail avec le divorce et la création de ma petite agence, Dubois & MOI. D’ailleurs, vous le savez aussi, je n’ai pas livré de concessions automobiles ou de showroom agricole en Vendée cette année-là. Ha ha ha
Dr. Nut – Vraiment rien de livré, aucun bâtiment qui n’arrive à é…..
Vroom Vroom Vroom
L’inspecteur à un geste d’impatience. Pourquoi l’appelle-t-on ? Un coup d’œil au message et il referme son dossier. « Excusez-moi », dit-il à l’architecte avant de quitter la pièce.
23h45 – Derrière le Miroir
Dr. Nut, irrité, s’adressant au chef : « Pourquoi m’avez-vous interrompu ? ». C’est seulement alors que l’inspecteur note l’excitation mêlée de stupeur sur le visage du chef et d’Ethel. « Que se passe-t-il ? ».
Le chef, d’un hochement de tête, : « le téléphone, un appel, c’est pour vous… »
Dr. Nut, jette un coup d’œil au téléphone interne, avec la ligne 3 qui clignote. « Un appel à cette heure-ci ? », dit-il, pas content. D’un geste brusque, il appuie sur le bouton de l’interphone.
Accent chantant – Inspecteur Nutello ?
Dr. Nut (intrigué) – Lui-même.
Le flic italien – Vous vous souvenez peut-être de moi ? Je suis inspecteur de la police judiciaire à Turin, en Italie, vous m’avez appelé il y a plusieurs années, à l’automne 2018, vous étiez à la recherche d’une architecte, Gina Rossi c’est son nom. Cela vous dit quelque chose ?
Dr. Nut (se tourne vers Ethel avec son doigt sur la bouche, le cœur battant à tout rompre, il tente de garder son calme) – Ecoutez, c’est quoi votre nom…
Le flic italien – Marco, Marco de Niro, oui comme l’acteur mais on n’a pas le même prénom.
Dr. Nut (qui cache son impatience) – Ok, Marco, je suis là avec mon chef, on vous écoute.
Le flic italien (au ton surpris) – Excusez-moi, je ne pensais pas du tout vous trouver au bureau, j’appelais juste pour vous laisser un message ou laisser un message au bon endroit mais au standard de votre service, quand on m’a demandé l’objet de mon appel, j’ai expliqué, Gina Rossi, une architecte, etc. et on m’a tout de suite demandé de patienter, que vous étiez là, qu’il fallait surtout que je ne quitte pas, et ils ont effectué le transfert, quelqu‘un a décroché, votre chef je crois. Il m’a lui aussi demandé de patienter un peu, alors voilà.
Dr. Nut (qui tente de reprendre ses esprits) – Marco, ne coupez pas, je reviens tout de suite. (Il sort de la pièce pour apparaître quelques secondes plus tard dans la salle d’interrogatoire pour se plonger rapidement dans son dossier, d’en sortir une série de photos et de notes et sans un mot, à la surprise de l’architecte, de quitter la pièce sans se retourner. De retour derrière le miroir) – Marco, vous êtes toujours là ?
Le flic italien (qui sent bien que quelque chose d’important se passe à Paris mais il ne voit pas le rapport avec son appel) – Si, je suis là.
Dr. Nut – Gina Rossi, 1,61 m ? Née le 10 août 1991 à Turin ? Une blonde aux yeux bleus ? C’est bien d’elle dont vous parlez ?
Le flic italien (soufflé) – Si, è lei, c’est bien elle.
Dr. Nut (le cœur battant, il voit bien le chef et Ethel qui retiennent leur souffle comme lui) – Je vous écoute.
Le flic italien – Alors voilà, je pense que personne ne vous a prévenu mais on a retrouvé son corps l’été dernier, le mari, un architecte également, est en prison, apparemment un divorce et une affaire de famille et de business qui se finit mal, le truc classique.
Dr. Nut (qui cache son impatience) – Et…?
Le flic italien – Alors voilà, un autre architecte, un nommé Dubois ou quelque chose comme ça qu’elle devait connaître, était en Italie à ce moment-là.
Dr. Nut (scié et qui cherche à s’asseoir) – Comment le savez-vous ?
Le flic italien – Parmi les appels sur le téléphone de Gina, il y avait un appel – un numéro privé d’ailleurs – et un message de Dubois disant qu’il serait en ville le lendemain et serait heureux de la revoir. Il y eut un autre appel le lendemain à 12h18 : « je suis en ville, on pourrait se voir, etc. ». Enfin, un troisième appel le lendemain, à 18h24, Dubois regrettant de n’avoir pu la voir mais qu’il devait poursuivre son voyage etc. Le jour de son départ, c’est justement le jour ou presque de la découverte du corps, le 8 août, un jeudi.
Dr. Nut – Vous connaissez la date de la mort ?
Le flic italien – Non, pas vraiment, et c’est ça qui est un peu bizarre.
Dr. Nut – Bizarre ?
Le flic italien – Oui, parce que le médecin légiste a eu du mal justement à certifier la date de sa mort, qu’il pense remonter à plusieurs mois, voire plus peut-être, mais sans certitude car d’apparence, et c’est ce qui est bizarre, quand on l’a trouvée, c’est comme si Gina Rossi avait été tuée la veille, elle était comme embaumée, presque vivante à la regarder quand on l’a découverte.
Dr. Nut (qui n’est pas sûr de comprendre) – Embaumée ? Je la croyais morte depuis trois ans au moins… Savez-vous comment elle est morte ?
Le flic italien (qui n’est pas sûr de comprendre) – Depuis trois ans ??? Tre anni ??? Je ne sais pas quoi dire. Vous êtes sûr ? Il est vrai que, comment elle est morte, c’est difficile à dire puisqu’elle a été littéralement momifiée en quelque sorte, avec grand soin apparemment, c’est ce que nous ont dit les légistes. Tous ses organes vitaux ont disparu, il n’y avait plus de sang, plus de viscères. On est incapable de dire quel fut son dernier repas ! Ne reste que son ADN qui ne sert à rien puisqu’on l’a facilement reconnue tellement elle était bien préservée, encore belle, comme si elle était morte hier dans son sommeil je vous disais…
Dr. Nut (dont l’esprit crépite) – Où l’a-t-on découverte ?
Le flic italien – Dans une église, l’église San Tommaso, Via Monte di Pietà à Turin. Elle était allongée sur l’autel, d’abord invisible car enserrée dans une enveloppe mortuaire. Une drôle d’enveloppe d’ailleurs car réfrigérante, comme celle que vous utilisez pour acheter du poisson congelé. Vous voyez ce que je veux dire inspecteur ?
Dr. Nut (qui sait désormais la capacité d’innovation des architectes) – Oui, j’imagine, nous verrons les détails plus tard. Qui l’a découverte ?
Le flic italien – C’est une sœur qui l’a découverte, en ouvrant l’église à six heures le matin.
Dr. Nut (ce n’est pas possible, se dit-il, Dubois n’aurait quand même pas déplacé le cadavre sur plus de 1 000 km, en voiture. Et si la date du décès ne correspond pas à l’apparence, comment se fait-il que le corps soit si bien conservé au point d’abuser la police italienne au premier coup d’œil ? Surtout pourquoi cette découverte, maintenant ? L’esprit confus) – Et c’est maintenant que vous m’appelez ?
Le flic italien (confus également) – Excusez-moi mais ce n’est pas mon dossier, c’est un collègue qui s’en occupe, un dossier bouclé aussi loin qu’il est concerné. J’ai juste du mal avec l’histoire du mari, quelque chose me tracassait car je me souvenais d’un coup de fil, il y a longtemps, d’un flic français. C’était vous le coup de fil ! Vous aviez envoyé un mail à l’époque, que j’avais transmis aux collègues et qui a dû en trois ans se perdre quelque part puisque, en le cherchant – je voulais vous prévenir – je n’en retrouvais cependant pas trace dans le dossier. Mais je me souvenais bien de votre appel, vous cherchiez une architecte, une blonde, et Gina Rossi est blonde et architecte. Comme ce soir je suis d’astreinte et que pour une fois il ne se passe pas grand-chose, j’ai soudain repensé à vous. J’ai cherché dans les archives du bureau – excusez-nous, c’est un peu le bazar ici pour les archives – et enfin retrouvé la mention de votre appel perdue au milieu d’autres notes du jour. J’ai pu alors retrouver votre nom et votre numéro. Du coup, je me suis dit que cela pourrait vous intéresser, de savoir qu’on l’avait trouvée je veux dire, au moins pour boucler l’affaire de votre côté, voire poser deux ou trois questions à Dubois si vous le pouvez. Alors j’ai appelé, pensant juste laisser un message à vos services, je n’imaginais pas un instant que vous seriez au bureau.
Dr. Nut – Je ne suis pas au bureau, enfin si. (Toujours concentré mais tentant de cacher son embarras) – Gina, était-elle nue ou habillée ?
Le flic italien – Habillée, si, tout en noir d’ailleurs. Des pieds à la tête, leggings et culotte et soutien-gorge y compris. Pourquoi ?
Dr. Nut (comme une archi, se dit-il. Il a une illumination) Avez-vous déterminé la provenance de ses vêtements ?
Le flic italien – Je n’en sais rien, il faudrait que je demande à mon collègue mais de mémoire elle était habillée comme nombre de Turinoises. Je ne crois pas que nous ayons fait une recherche particulière à ce sujet.
Dr. Nut – Mais vous-même vous l’avez vue ?
Le flic italien – Oui, en photos, dans son dossier.
Dr. Nut (plus embarrassé encore) – L’avez-vous vue nue je veux dire ?
Le flic italien – Moi non, mais le légiste sans doute pourquoi ?
Dr. Nut (osant à peine l’évoquer) – sa peau, était-elle absolument nickel, pas abîmée je veux dire ?
Le flic italien – A ma connaissance, on n’a pas trouvé trace de violence si c’est ce que vous voulez dire. Je vous l’ai dit, on ne connaît pas exactement la cause de la mort.
Dr. Nut – Où est son corps ?
Le flic Italien – Il a été rendu à sa famille, elle est enterrée depuis quelques mois déjà.
Dr. Nut – Ecoutez Marco, je vais vous passer un de mes gars qui va prendre toutes vos coordonnées, vous donner les nôtres et si vous pouviez m’envoyer dès que possible ce que vous avez sur Gina Rossi, je vous en serai très reconnaissant.
Accent chantant – Si, Pas de souci. Je préviens mon collègue et il s’en occupe. Et excusez-moi encore de vous avoir dérangé à cette heure-ci.
Dr. Nut – C’est moi qui vous remercie
Clic
Dans le long silence qui suit, Dr. Nut, le chef et Ethel Hazel se retrouvent silencieux, à regarder l’architecte à travers le miroir sans tain. Dubois est resté calme et ne montre signe ni d’inquiétude ni d’impatience. Il regarde le miroir de temps en temps, comme surpris de se retrouver seul si longtemps.
Le Chef – Il semble subodorer qu’il s’est passé quelque chose.
Dr. Nut – Il s’est passé quelque chose, mais quoi…
Mercredi 01h03 – L’inspecteur quitte alors la pièce et retourne prestement dans la salle d’interrogatoire puis, sans s’appesantir sur la surprise de l’architecte :
Dr. Nut – Vous êtes partis en vacances l’été dernier ? Vous avez voyagé ?
L’architecte (surpris par la question) – Tout à fait.
Dr. Nut – Vous pouvez me dire où vous êtes allé ?
L’architecte – Si vous y tenez. Je suis d’abord allé voir ma mère, dans le Sud-Ouest et je suis resté une semaine auprès d’elle. Après j’ai passé quelques jours chez un copain à Toulouse. Je suis revenu à Paris pour régler quelques affaires et profiter que tout le monde était en vacances pour faire le ménage à l’agence et dans mes affaires personnelles.
Dr. Nut – C’est tout ?
L’architecte – Si vous me laissez finir, je vous dirai que j’ai aussi fait un très beau voyage en Italie. Merveille de ma nouvelle solitude, j’ai pu me faire un ‘road trip’ à travers l’Italie : Florence, Rome, jusqu’à Naples et retour. La Dolce vita ha ha ha. Un voyage très reposant, vraiment. J’ai pu dessiner, lire, écrire, faire le point avant une rentrée compliquée. Mais bon, les rentrées sont toujours compliquées.
Dr. Nut – Vous n’êtes pas passé par Turin ?
L’architecte (surpris) – Si, comment le savez-vous ? Mais je n’ai fait qu’y passer. Je faisais un détour car j’espérais y revoir l’une de mes anciennes architectes, Gina, Gina Rossi, une femme super et superbe, si je peux me permettre, elle aurait pour un jour ou deux fait un très bon guide dans une ville que je connais peu.
Dr. Nut – Et vous l’avez vue, Gina je veux dire ?
L’architecte (dont le visage s’assombrit tandis qu’il tente de se détendre la nuque) – Hélas non, je lui ai laissé des messages mais elle ne m’a jamais répondu.
Dubois n’en revient pas de voir l’inspecteur se ruer hors de la pièce à nouveau. Il jette au miroir un œil mi-inquiet mi-sardonique.
Mercredi 01h15 – Derrière le miroir
Dr. Nut ne sait pas s’il doit se réjouir – enfin un corps et avec Gina le début d’une vraie piste pour coincer Dubois, ce qui est excitant – ou se désespérer car il sait déjà que, avec ces nouveaux éléments, il va devoir laisser partir l’architecte à l’issue de sa garde à vue. « Il y a d’ailleurs une autre italienne », dit-il. « Anna Rizzo**, disparue depuis fin 2020. Même profil, brillante architecte, blonde, yeux bleus. Par contre (Dr. Nut connaît ses fiches par cœur), elle est de San Remo. Il faudrait voir avec les collègues en Italie et jusqu’à Nice si personne n’a retrouvé le corps d’une blonde inconnue mais en parfait état de conservation… ».
« Ce sera fait », dit le chef.
« Et maintenant que fait-on ? », demande Dr. Nut, en regardant sa montre. Il est 1h20.
« Je propose qu’on dorme quelques heures là-dessus. De toute façon, c’est foutu pour cette fois mais nous avons appris plein de choses et nous avons des millions de pistes à fouiller, même s’il faut soulever tous les menhirs de son crématorium en Bretagne ! Et il nous reste quelques heures tout à l’heure pour essayer quelque chose. J’appelle le proc demain matin et je lui explique. On verra bien », répond le chef. Qui se tourne vers Ethel : « et vous, vous voulez une nouvelle nuit aux frais de la maison poulaga ou vous voulez rentrer chez vous ? ».
Ethel est abasourdie. Qui est cette Gina dont elle ne se souvient pas ? Elle voit bien l’excitation mêlée de désarroi des deux policiers et n’est pas sûre d’en comprendre toutes les raisons. « Je vais rester », dit-elle.
« Et lui », dit Dr. Nut d’un hochement de tête, « on le laisse se reposer quelques heures ? »
« Nous avons tous besoin de quelques heures pour réfléchir. On se retrouve ici à 6h00 et on fait le point », conclut le chef.
Quelques instants plus tard, Dr. Nut voit d’un côté Ethel s’éloigner avec un policier vers sa cellule et de l’autre un fonctionnaire venir chercher l’architecte, qui ne s’y attendait pas, pour l’emmener vers la sienne. « Heureusement que leurs chemins ne se croisent pas », se dit-il.
(A suivre…)
Dr. Nut (d’après les notes d’Ethel Hazel)
* Lire l’épisode Psychanalyse de l’architecte – un métier de fou (à lier ?)
** Lire l’épisode Le temps qui ne passe pas vite, meilleur allié de l’architecte ?
***Lire l’épisode COP 26 : de l’anéantissement ou l’anthropocène revu par l’architecte
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