Le président de la République a inauguré le 29 février le village olympique de Paris 2024, nouveaux quartiers des villes de Saint-Ouen-sur-Seine, L’Île-Saint-Denis et Saint-Denis, toutes trois en Seine-Saint-Denis. Sur les photos et dans les reportages, l’aréopage des politiques de tous bords de se féliciter de la livraison de ces ouvrages en temps et en heure.
La Solidéo, société publique d’aménagement montée de toutes pièces pour piloter les ouvrages a pu ainsi montrer qu’elle avait tenu sa feuille de route. Il faut reconnaître que pour une fois qu’un organisme public atteint ses objectifs, qui plus est dans les délais… il aurait été malheureux de ne pas relever l’exploit olympique !
À l’écoute de l’ensemble des témoignages d’autosatisfaction des décisionnaires publics, à aucun moment ou presque ne sont cités les maîtres d’œuvre dont la plupart n’ont même pas été invités… Il est d’ailleurs fort à parier que parmi les courtisans de la cour présidentielle présents pour couper le ruban, pas un n’est en mesure de citer ne serait-ce qu’un seul des architectes ayant participé au grand œuvre !
Imagine-t-on un président de la République dévoiler une œuvre d’art sans faire mention de l’artiste l’ayant réalisée mais en félicitant le conservateur du musée qui a su admirablement l’acheter ?
Dans le domaine du bâtiment, il y a malheureusement longtemps que cela est monnaie courante, à tel point que plus personne ne s’en émeut, pas plus notre ministre de tutelle que notre ordre ou nos syndicats…
Dans le cadre du village olympique, il est vrai qu’entre le politique et le maître d’œuvre, l’administration française a su dévoiler tout son génie du mille-feuille pour tenir les architectes bien à l’écart de toute velléité de reconnaissance, le Grand Paris, la Solidéo et les municipalités ayant finalement choisi les promoteurs non pas tant sur les projets que sur la proposition financière qu’ils s’engageaient à tenir… Pour paraphraser Rudy Ricciotti, l’architecture est bien un sport de combat au milieu de ces intérêts peu communs !
Pour autant, toutes ces agences non citées, cinquièmes roues d’un carrosse lancé dans un sprint infernal, n’ont pas démérité ! Elles ont réussi à offrir une réponse architecturale à la hauteur de la qualité de la production actuelle des logements, malgré la pression que chacun peut imaginer, écartelé entre les intérêts d’un promoteur à l’équation financière inconnue et pour lequel toute économie sera bonne à prendre et les exigences d’une image olympique soutenue par les pouvoirs publics.
Les installations sportives ne sont pas en reste ! Nul ne peut en vouloir à l’équipe parisienne des jeux d’exploiter les infrastructures existantes au lieu de s’engager dans une surenchère d’infrastructures onéreuses et à la rentabilité post-évènement peu assurée. Il faut cependant rendre grâce au savoir-faire de l’architecte néerlandais Ton Venhoeven* (VenhoevenCS) et d’Ateliers 2/3/4/ pour être parvenu à sortir le seul nouvel équipement de cette olympiade, le « centre aquatique » avec un tel niveau d’innovation dans un contexte de conception-réalisation habituellement peu enclin aux techniques innovantes.
Entre le bassin modulable et l’optimisation de la consommation d’énergie générée grâce au dessin audacieux de la toiture, il est permis de penser que ce bâtiment entrera dans l’histoire des équipements olympiques majeurs comme l’ont été les stades de Montréal, de Mexico ou de Pékin… Pour autant, bon courage au néophyte pour en identifier les auteurs, le nom des agences systématiquement absent des communications officielles !
Chers confrères, vous tous qui avez œuvré pour ces Jeux olympiques, chapeau bas, vous avez su tenir les promesses que nos politiques avaient jetées en l’air. Ceux et celles-là passeront, pas vos ouvrages !
Stéphane Védrenne
Architecte – Urbaniste
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