Souvent les architectes commencent leur carrière avec une ou des maisons individuelles puis le talent et l’ambition les mènent ailleurs. Parfois ils n’en font jamais. C’est après une longue carrière que Jean-Philippe Pargade en a enfin construite une. Hasard ? Exercice de style ? Gourmandise ?
En juin 2018, parmi la ‘short list’ des lauréats des Chicago Athenaeum Awards, ‘The South Coast of the Landes House’. De ce titre étrange, il ressort, à Hossegor, dans les Landes, une maison signée Jean-Philippe Pargade.
Jean-Philippe Pargade ? Une maison ?
L’agence Pargade Architectes, pour la citer, «œuvre depuis 1980 dans le domaine des bâtiments publics et tout particulièrement dans celui de la santé». Parmi eux, citons parce que nous les connaissons, une ambassade à Varsovie, un lycée dans les Yvelines, un hôpital dans la Sarthe, ou encore, la construction, avec Art & Build, du CHU de Nantes, dont le coût est estimé à près d’un milliard d’euros (976 M€).
A 70 ans et les cheveux plus uniformément blancs que jamais, Jean-Philippe Pargade n’a pas grand-chose à envier à quiconque de sa génération question carrière. Alors une maison…
Le mystère s’éclaircit en partie en découvrant que cette maison du «Sud des Landes» est implantée sur une dune plantée de pins et de chênes-lièges entre le lac marin et la mer. Cette région si chère au cœur de l’homme de l’art lui a finalement offert, par hasard, une opportunité de parler un peu de lui-même. «Faire une maison, c’est un rêve d’architecte», dit-il.
«En réalité, paradoxalement, il n’y a pas de grosse différence entre des grands projets et des projets plus petits. On se pose les mêmes questions quant à la qualité, les matériaux, le vocabulaire que l’on souhaite utiliser», dit-il. Respect du paysage, orientations, les vues… Bien sûr. Quand même, passer des 300 000m² du CHU de Nantes aux 150 m² de cette maison, pas de ‘jet lag’ au niveau de la différence l’échelle ? «Non. Si. Une maison ne pardonne pas, on voit tout de suite les défauts. Il faut se focaliser sur les mêmes problèmes que pour un grand projet mais de façon plus pointue», souligne l’architecte.
De par son échelle, une maison d’architecte est-elle forcément un objet de style ? «Il s’agit en fait de la transformation d’une maison existante dont on a conservé seulement le soubassement encastré dans la pente du terrain», explique Jean-Philippe Pargade. La nouvelle construction réalisée en bois et métal s’appuie donc sur une dalle de répartition en couronnement du soubassement existant.
«J’étais obsédé par l’idée d’avoir très peu de matériaux. Le carré collait bien par rapport au terrain et la maison est dessinée avec une géométrie pure de tous les éléments composant le carré», poursuit l’architecte. Une structure en bois était trop épaisse, le métal trop lourd, il a fallu concevoir une structure mixte bois/métal la plus légère possible pour ne pas avoir de reprise en sous-œuvre. Des poteaux de 7 cm de diamètre, aucun contreventement visible…, l’architecte rend grâce aux entreprises du Pays Basque qui se sont «passionnées» pour ce chantier.
Un plan carré compact organise le séjour, la cuisine ouverte et deux chambres autour d’un patio… carré, véritable refuge de l’intimité des habitants. Les deux niveaux communiquent par un escalier central. La toiture végétalisée est accessible par un autre escalier à partir du patio.
«Le carré est souligné par une galerie surmontée d’un auvent protecteur débordant qui ceinture l’ensemble du volume bâti. Celle-ci est agrémentée de claustras coulissants. Les baies coulissantes de dimensions identiques forment une seconde peau de verre intérieure toute hauteur entre sol et plafond», se félicite l’architecte.
Les matériaux sont partout identiques : la pierre de Bourgogne pour les sols, le Mélèze pour les plafonds et les menuiseries et le Red Cedar pour les claustras, le béton pour les éléments structurels de soubassement et de contreventement.
Le budget consacré à cette maison, 800.000€, permet l’introspection. «Quand j’étais jeune architecte, j’avais fait une esquisse pour une première maison», se souvient l’homme de l’art. Et puis, à l’issue d’un troisième cycle d’urbanisme aux Ponts & Chaussées et d’une coopération militaire à Douala au Cameroun, il s’était engagé pour un premier établissement hospitalier, à Cayenne. La suite de l’histoire est connue.
Jean-Philippe Pargade aura donc attendu toute une carrière que l’occasion se représente. Alors ? «Je serai heureux de faire d’autres maisons, c’est un sujet essentiel que j’ai été content d’aborder. Dans la maison, il y a une liberté que nous n’avons peut-être pas ailleurs», conclut-il.
En attendant, retour à Nantes et son CHU aux proportions gigantesques.
Christophe Leray