Notre lettre ouverte intitulée Contre le maléfice des momies, il n’y a qu’un vent de fraîcheur parue le 5 mars 2019 et adressée à Franck Riester, ministre de la Culture, traitait de la Maison du peuple à Clichy (Hauts-de-Seine) et de l’opportunité ou non pour les architectes Rudy Ricciotti et LBA et le Groupe Duval de construire un hôtel au-dessus d’un monument historique. Parmi les nombreuses réactions, ce courrier d’un architecte qui implore la rédaction de le laisser s’exprimer. Dont acte.
Bonjour M. Leray de Chroniques d’Architecture,
Je m’adresse à M. Leray dont je viens de lire la Chronique outrée sur la réaction des associations menée notamment par un certain R. Klein contre le projet Duval (Ricciotti. Contre le maléfice des momies, il n’y a qu’un vent de fraîcheur).
Je souscris à l’analyse purement (!) architecturale de M. Leray. Les époques, la sédimentation. ETC.
Là où M. Leray devient aussi déclamatoire que M. Klein et idéologue, c’est lorsqu’il sort du cadre strict de l’appréciation esthétique et technique de l’architecture. Soit dit en passant dans ce registre, il est bien gentil Rudy, il n’en est pas à son coup d’essai, de l’exosquelette ou de la résille, peu importe, l’effet visuel est ce qui prime pour le profane (pas tous archi dans nos têtes, et pas tous les mêmes archis) et ce n’est pas encore le bunker de Vitrolles mais l’escalier entre le fort St-Jean et le quai, qui a le mérite de cacher du large la Villa Méditerranée, et qu’on appelle péremptoirement Mucem, se dégrade en accéléré et se revêt de grillages pour compenser le non-pensé de la chose urbaine.
Si l’architecture est si mal vue par tant de concitoyens c’est justement lorsque les acteurs se gargarisent de leur talent, trop contents j’imagine et je le comprends de laisser leur marque, et laissent aux vestiaires toute interrogation de conscience sur ce à quoi ils prêtent main-forte.
Certes là un groupe « sauve » un monument – inscrit et par définition dont on doit tenir compte – qui fait partie de l’équation. Merci Duval. LVMH sauve la Samaritaine. Vous péchez M. Leray autant que M. Klein, là où lui conspue et sous-entend le complot, vous vous extasiez comme un zélé au service.
Sauver un bâtiment classé aujourd’hui, une autre grâce un autre jour qui descend de la générosité ultralibérale, et ainsi va le train des choses qui nous a mené à l’impasse actuelle, qui s’impatiente chaque jour un peu plus. On sauve la Maison du Peuple, c’est ironique en lui érigeant une Tour incongruité phallique – ils les veulent leurs tours dans ce Grand Paris ! ça pousse ! Pendant que le Peuple n’a plus de Maison et qu’il s’effondre.
Il est temps que les architectes cessent de se cacher derrière leur petit doigt d’ivoire – et y regardent d’un peu plus près sur ce à quoi ils prêtent mains sales.
M. Klein hurle un peu oui à la mort. M. Leray vous vous autoproclamez du côté de la vie. Quelle vie ? Celle faîte de ces tours résillées érigées standardisées dans nos nappes urbaines – une de plus. Pas de quoi lever la tête. Mais : M’ci M’ssieu Duval! A vot’ bon cœur!
Dans le lisse (sic) de votre gazette pixélisée, M. Leray, étonnez-nous de publier en bonne visibilité cette réponse croisée. Voyez-moi comme un jaune, un traître à la grande architecture, sans porter le gilet, mais un peu oui dans l’esprit sans-culotte. Un frustré, un rustaud de province qui aurait grand besoin des lumières tamisées d’un banal ténor interchangeable – tiens Rudy évoque-t-il au sud de la Garenne, une Colombe méditerranéenne qui lui aurait inspiré sa garrigue verticale, le motif zoomé d’une tige de fenouil?
Il y a quelques architectes qui n’ont pas uniquement l’œil rivé sur les Unes confidentielles de la profession et le vedettariat éculé de l’époque qui essaiment de starlettes.
Mais je comprends, critiquer pour un journal infomercial, c’est aller dans le sens du val et du vent.
Cordialement,
Hugues fj Rolland
Architecte DENSAIS
IN HOC SIGNO
Ajaccio, Corse