Clermont-Ferrand, c’est Michelin et Michelin, c’est Clermont-Ferrand, ce que ne manqueront pas de vérifier les suiveurs du Tour de France contemporain de Chroniques.
Après une journée de repos, à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), une journée sans difficultés apparentes pour rejoindre Moulins (Allier) même si la route monte et descend tout au long de l’étape. Le classement général figé avant les Alpes, les quelques cols à 6% ne devrait perturber les leaders. D’ailleurs, la dernière ligne droite de 1 300 mètres en cœur de ville s’offre aux sprinteurs, qui n’auront bientôt plus beaucoup d’occasions de briller. Mais cela vaut aussi pour les gros rouleurs dont les équipes n’ont encore rien gagné et qui voudront s’offrir à la pédale un bon de sortie. La fin de l’étape devrait être à nouveau palpitante.
À Clermont-Ferrand, en tout bien tout honneur, après un petit-déjeuner de pâtes de fruits et fruits confits, historiquement une spécialité locale depuis le milieu du XVe siècle et les premières « pâtes d’Auvergne », les suiveurs iront découvrir le renouveau de Michelin, signé Encore Heureux, ainsi que le parvis des Carmes réécrit pour l’occasion.
Un peu d’histoire. C’est en 1889, sur le site des Carmes, au bord de la Tiretaine et de sa force hydromotrice, que l’aventure industrielle de Michelin a commencé, le site comptant jusqu’à vingt hectares peu à peu aménagés, construits et transformés au fil du temps. En 2015 un concours d’architecture est lancé dont l’enjeu, la rénovation du bâtiment d’accueil, n’est rien moins que de renouveler l’image de cette histoire industrielle.
L’approche de l’équipe d’architectes et de paysagistes (Construire, Encore Heureux et Base) a été de conserver le maximum de l’existant tout en venant par une nouvelle façade redonner une cohérence à l’ensemble. Une serre tropicale, dont l’avenir était incertain, se retrouve ainsi intégrée dans un dispositif général et participe à la composition d’ensemble tout en supportant la grande enseigne.
Pour réunir des bâtiments hétérogènes et accueillir au mieux les milliers de personnes qui chaque jour viennent sur le site des Carmes, un grand auvent périphérique se déforme pour indiquer en son centre les portes d’entrée qui donnent sur un hall majestueux et lumineux.
Fondamentalement remanié et augmenté, le nouveau bâtiment d’accueil fait la part belle à la transparence et à la proximité. Cette exigence de transparence se matérialise par de larges façades vitrées, protégées du rayonnement par des auvents en bois sur l’ensemble de la façade donnant sur la Place des Carmes, offrant une véritable identité esthétique au nouveau siège. Les courbes, en plan et en élévation, sont omniprésentes dans l’architecture et le mobilier, à l’image des pneumatiques Michelin.
Le parvis arboré quant à lui s’étire jusqu’à la place des Carmes et même au-delà, jusqu’à l’arrêt de tramway de l’avenue Georges Couthon. Mobiliers, jeux d’eau et végétation garantissent en été la fraîcheur des lieux. Le bois est en provenance du Massif central, la pierre est de Chambois et du Mont-Dore pour les revêtements et le mobilier.
« Le rapport à l’eau y est naturellement central car la Tiretaine est la raison d’être du site des Carmes. Son relief urbain y est assumé, avec pentes et emmarchements, viaduc et traversées. Sur la place des Carmes, on retrouve la pierre de Volvic, mais également des dalles de granit existantes recyclées et des surfaces de béton, rappelant le monde de l’industrie. Tous ces éléments renvoient directement à l’identité et à l’univers de l’entreprise Michelin », concluent les architectes.
De là se rendre dans le quartier Saint-Jean, tout près, une ancienne friche industrielle qui est en train de se découvrir un avenir, biosourcé en plus, ce qui vaut sans doute la dépollution des sols. Commencer par le lycée Gergovie, la région Auvergne Rhône Alpes, maître d’ouvrage.
Le lycée Gergovie accueille depuis la rentrée de 2022 environ 1 000 élèves au sein d’un quartier industriel en reconversion, le Quartier Saint-Jean. L’ensemble de 16 000 m² réparti sur trois étages conçu par l’agence clermontoise CRR Architecture comprend des locaux d’enseignement, généraux et techniques, des locaux de vie scolaire et d’administration, une demi-pension, une salle polyvalente et huit logements de fonction. Le parti architectural exprime un projet ancré dans son territoire, avec la mise en évidence de savoir-faire et ressources locaux. Le système constructif écologique et l’utilisation massive de matériaux biosourcés caractérisent cet ouvrage.
Il s’agit selon ses concepteurs d’un lycée « zéro énergie fossile », à « énergie positive », « 100% énergies renouvelables » (chaufferie bois, production photovoltaïque), un lycée « puits de carbone » : recours massif aux matériaux biosourcés (ossature bois, isolation thermique paille). Consommation en énergie primaire à 45,5 kwhep/mShonrt/an. Le lycée de Gergovie compte également 2 000 m² de panneaux photovoltaïques sur son toit et devrait fournir plus d’énergie qu’il n’en consomme.
L’académie de Clermont-Ferrand en tout cas se félicite : « L’établissement est labellisé C4, car il comporte 140 kilos de matériaux biosourcés par mètre carré, soit près du double de ce qui est demandé. Il y a notamment 7 000 m³ de bois du Massif central ; l’isolation est en paille de Limagne et une partie des sols à base de lin », explique-t-elle sur sa page d’accueil. « C’est unique en Europe sur une telle surface », précise l’architecte Jean-Pierre Rambourdin du cabinet CRR.
En plein cagnard au mois de juillet, les suiveurs auront donc à cœur d’aller vérifier toutes ces assertions et, le cas échéant, de louer l’œuvre. Si l’ouvrage a du mal à résister à Clermont-Ferrand +4°, les élèves le sauront les premiers.
De fait, dans le même quartier Saint-Jean, à proximité du lycée, avec les mêmes architectes, les suiveurs iront découvrir le nouvel équipement associatif et sportif Saint-Jean en passe d’être livré. Les amateurs d’architecture ne seront donc pas étonnés s’il reste encore des traces de chantier et que les arbres n’ont pas encore eu le temps de pousser.
« Ce projet se distingue par son très haut niveau de performances énergétique et environnementale. D’une grande sobriété, ce bâtiment frugal en bois-paille sera entouré d’espaces végétalisés et paysagers », se réjouit la ville maître d’ouvrage.
Largement ouvert sur le quartier et desservi par la future ligne B de Bus à Haut Niveau de Service (BHNS) dans le cadre du projet InspiRe, ce nouvel équipement doit participer à l’animation du quartier, renforcera son image de cité éducative et ancrera davantage le quartier Saint-Jean dans la vie des Clermontois.
« Ce nouvel équipement aux lignes sobres et épurées, composé de deux volumes simples, est un signal symbolisant le renouvellement du quartier. Il ressemble à un cube de bois posé sur un écrin de verdure, qui dialoguera avec le lycée construit à proximité », souligne CRR.
Bientôt mis en service, les sportifs seront les mieux placés pour en apprécier les aménités écologiques mais voici en tout cas les suiveurs du Tour de Chroniques familiarisés avec la paille.
De là, les amateurs d’architecture pourront passer par le CHU pas très loin et déjà sur la route de Moulins. L’occasion de prendre quelques photos ‘nostalgie’ avant la restructuration et extension de l’hôpital par Architecturestudio.
Pour résoudre les fortes contraintes, tant en termes d’usages propres au centre hospitalier qu’en matière d’insertion du bâti, et pour répondre aux exigences techniques, l’extension est pensée comme un bâtiment qui affirme sa place dans le site tout en garantissant une cohérence avec l’existant.
« L’édifice est construit comme une nouvelle articulation, marquant la porte d’entrée sud de l’hôpital. Il propose à la fois une continuité avec le contexte existant tout en s’en démarquant, dans une singularité qui renforce son rôle de bâtiment d’accueil », explique l’agence.
« La sobriété caractérise l’extension avec des lignes épurées et des façades largement ouvertes. Ces dernières amplifient la qualité de vie et d’usages au sein de l’édifice », dit-elle.
Pendant qu’ils sont là, les suiveurs iront visiter au sein même du CHU le Centre de Recherche Bio-Clinique (CRBC), une autre opération de restructuration-extension déjà mais pour l’université Clermont-Auvergne livrée par Périphériques (Anne-Françoise Jumeau + Emmanuelle Marin + David Trottin) en juin 2017.
Le CRBC regroupe différents départements dans un équipement unique associant espaces de recherche et locaux d’enseignement, une pépinière d’entreprises et des services communs, le bâtiment devant encourager dans sa fonctionnalité et dans sa forme de nouvelles opportunités de mutualisation des moyens et des savoirs ainsi que des synergies fructueuses.
« Parties pleines et parties vitrées sont constituées à partir d’éléments modulaires déclinés en taille et en coloris. Différents éléments de terre-cuite émaillé noir irisé se combinent ; diverses nuances dorées pour les menuiseries en aluminium anodisé. Cette conception modulaire et systématique des façades renvoie à des notions de séquençage et de variation qui ne sont pas étrangères aux activités des chercheurs en génétique », explique l’agence.
Brillants et réfléchissants, les matériaux du CRBC sont sensibles aux variations de lumière. Ainsi la perception des façades change selon l’heure de la journée, le temps, la couleur du ciel… Le bâtiment interagit avec son environnement. Ce que pourront donc vérifier les suiveurs.
Il s’agit pour eux maintenant de doubler facilement les coureurs – lesquels ne sont pas si pressés d’atteindre les Alpes finalement, surtout les sprinteurs – pour pouvoir faire étape à Reugny dans la distillerie Mr Balthazar. Dans un village qui s’appelle Hérisson et dont les paysages rivalisent aisément avec ceux de l’Ecosse, la distillerie produit du whisky, du gin et du rhum tout à fait auvergnat à partir de fûts neufs issus de la forêt voisine (forêt domaniale de Tronçais) et d’anciens fûts d’alcools et de vins français « sélectionnés au nez pour que l’alchimie puisse se faire ». C’est artisanal mais c’est pour les connaisseurs.
Mais en quoi les suiveurs de l’architecture contemporaine sont-ils concernés ? Il se trouve que le plus gros projet de la commune est justement l’implantation des nouveaux locaux de la distillerie, sur le site du prieuré Notre-Dame, à Reugny donc, le long de la départementale 2144 et dont la mairie est officiellement propriétaire ! Whisky séculaire ? « Des vestiges moyenâgeux ont été découverts en sous-sol, nous devrons changer de mode opératoire pour la construction de notre théâtre de verdure », précise le maire, cité par La Montagne (02/22).
Dans le fond du terrain, la société prévoit d’édifier une distillerie flambant neuve. « Dans la chapelle, il y aura une boutique de vente et de dégustation. Dans la tour, il y aura les chais », conclut l’élu.
C’est l’architecte Christelle Auroy, de Saint-Amand-Montrond (Cher), qui mène les travaux avec un budget à la hauteur des moyens de la commune. Elle sera heureuse de recevoir les suiveurs du Tour contemporains, lesquels pourront sans doute, ceux qui ne conduisent pas, s’offrir une dégustation bien impromptue au milieu de nulle part. D’ailleurs l’autre important dossier d’urbanisme de la commune concerne l’aménagement d’une aire de camping-cars autour d’un complexe de lacs, une forme de camping que connaissent tous les amoureux du Tour.
Il leur restera alors à rejoindre Moulins, assister au sprint – et pleurer encore de ce maillot vert que personne ne repère dans le peloton – puis après avoir rédigé leurs papiers, rejoindre le centre-ville et, avant que cela ne se mette à chauffer bientôt dans les Alpes, reprendre des forces avec des planches de légumes et fromages – la soupe aux choux, en plein été, ce n’est pas forcément la peine, même à la moutarde de Charroux – le but étant d’atteindre le dessert pour se régaler du Palet d’Or, sans conteste la spécialité sucrée de la capitale historique du Bourbonnais inventée il y a plus d’un siècle. Le tout arrosé d’eau fraîche et d’un Val de Loire, qu’il soit blanc, rosé ou rouge.
Christophe Leray (dans la caravane)
Pour les suiveurs, retrouver :
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2023
– Toutes les Reconnaissances d’étape du Tour de France contemporain 2023
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2022
– Toutes les Reconnaissances d’étape du Tour de France contemporain 2022
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2021.
– Le Tour de France contemporain 2020 : Le départ ; La suite ; La suite de la suite ; L’arrivée.
– Le Tour de France contemporain 2019 : 1ère semaine ; 2ème semaine ; 3ème semaine.
– Le Tour de France contemporain 2018