Les choses sérieuses reprennent avec, à nouveau, les Pyrénées en ligne de mire. Après une première partie d’étape à peu près peinarde, sauf pour les échappés qui veulent y croire, ça va cogner à partir de Bagnères-de-Luchon avec devant le peloton deux cols de 1ère catégorie et une arrivée au sommet de l’impitoyable Col du Portet à 2215 m après une montée de 16 km à 8,7%. Un 14 juillet, la bagarre sera splendide et les suiveurs partiront donc de bonne heure, d’autant que la visite architecturale du jour se passe le matin.
Après la nuit à Toulouse, les suiveurs de l’architecture contemporaine font le chemin inverse de la veille pour retrouver les Hautes-Pyrénées via Saint-Gaudens. Comme ils s’embarquent dans une longue journée, avec le café, autant démarrer direct avec une croustade aux pommes et un foie gras local qui leur permettront de sauter et le déjeuner et le goûter.
Avant de quitter la ville rose, aller visiter la Toulouse School of Economics, livrée en 2019 par les architectes irlandaises Yvonne Farrell et Shelley McNamara (Grafton) pour l’Université Toulouse 1 Capitole, un projet qui leur valu notamment l’Equerre d’argent l’année précédant la récompense suprême : le Pritzer Prize dont elles sont lauréates en 2020.
« Afin d’offrir des lieux de recherche et d’enseignement où il fait bon travailler, nous avons conçu une stratégie de construction, où les « barres » ont une profondeur de 10,8 m, fournissant ainsi de l’air, de la lumière et une ventilation naturelles à chaque bureau. Chaque « barre » est considérée pour son orientation particulière et chacune a une élévation profilée particulière pour protéger les pièces à l’intérieur », expliquent les architectes.
« Cette méthodologie est également utilisée à grande échelle. Par exemple, les salles de séminaire et les terrasses sont stratégiquement placées, à la fois symboliquement en relation avec le public et la ville, et au sud pour des raisons écologiques, nous permettant de positionner ces grands volumes avec très peu de fenêtres faisant office de ‘mur profond’ et contrôlant la lumière, l’ombre et la pénombre », précisent-elles. A voir donc.
Sur la route, puisque la première partie de l’étape est tranquille, faire un grand détour jusqu’à Tarbes, à Barbazan-Debat plus exactement, juste à côté. Arrivé là, se rendre 14 avenue du Pic-du-Midi – un nom prédestiné pour les suiveurs – et aller visiter l’atelier de l’architecte Edmond Lay.
Depuis que cet homme de l’art, né en 1930 et originaire des Hautes-Pyrénées, a cessé son activité à cause d’un accident en 1996, l’atelier est presque à l’abandon, soutenu à bout de bras par la Fondation du patrimoine. C’est l’occasion donc de (re)découvrir dès sa fondation le travail de cet architecte féru de Frank Lloyd Wright, qu’il avait rencontré en 1958, et qui enseigna longtemps aux Etats-Unis.
C’est le paradoxe de l’architecture contemporaine, elle n’est contemporaine que temporairement. Ainsi en est-il sans doute également des pionniers. Penser à laisser une pièce à la fondation en partant.
Rattraper ensuite la route du Tour à Saint-Gaudens, là où Prax architectes (Olivier et Marie-Pierre Prax et Mathieu Lolagne) a installé sa pratique. C’est l’occasion une fois de plus pour les suiveurs qui, depuis la pandémie, doutent des qualités de leur petit logement parisien, de découvrir quelques maisons de ces architectes. L’occasion encore de se souvenir qu’une maison d’architecte est pour le même prix bien meilleure qu’une maison de constructeur. A cela une raison simple : la marge du constructeur est de 30%, celle de l’architecte, 15% (au mieux). Dit autrement, pour le budget d’un suiveur du tour, de quoi habiter une maison que l’architecte sera content de publier dans des revues ou une maison de constructeur dont même ses enfants ne voudront pas.
Comme par exemple cette maison à Saint-Gaudens.
Ou cette autre à Aurignac.
Ou encore celle-ci à Chaum, quasiment sur la route du Tour.
Justement, arrivé-là, aller également découvrir le Centre d’Entretien et d’Intervention (CEI) pour la DIRSO, livré à Chaum justement en 2018 par la même agence, qui ne fait donc pas que des maisons. Un CEI a pour fonction d’abriter les hommes et les véhicules qui entretiennent les Routes Nationales. Le CEI de Saint-Béat se charge du tronçon de la RN124 de la frontière espagnole jusqu’à Montréjeau et notamment la surveillance du tunnel évitant la traversée souvent encombrée du village de Saint-Béat.
« Cet équipement est pensé comme une extension du domaine de la route pour donner l’idée qu’il est à son service et pour permettre aux passants de voir le centre en action : les hommes s’affairer autour des véhicules, charger le sel, laver les camions après intervention… », explique Prax. « Le CEI peut ainsi, à la fois fasciner les enfants qui passent, et rassurer les usagers de la route qui voient que les hommes veillent ici au bon état de cet outil territorial majeur. La route, la cour et le garage, liés par le même sol expriment l’unité de l’ensemble : une implicite imbrication », poursuivent les architectes.
La tour de radio est l’emblème de l’ouvrage. « A Chaum et dans les villages avoisinants, les tours de guet médiévales s’assemblaient en réseau pour prévenir les habitants des dangers. En rappel de ces dernières, nous avons conçu une tour de radio dont la structure en bois s’inscrit comme un repère dans le territoire », conclut l’agence. Bref les suiveurs sauront sur qui compter si leur véhicule venait à tomber en panne en plein milieu de la caravane.
Ne parlons pas de malheur. De fait, il sera temps alors pour les suiveurs de l’architecture contemporaine de rejoindre l’arrivée, d’agiter leurs drapeaux bleu-blanc-rouge en ce 14 juillet et d’espérer un Français le premier sur la ligne. Après les cérémonies protocolaires, puisque la croustade est déjà loin, reprendre des forces (surtout s’il fait froid en altitude) avec une garbure, une soupe au chou qui depuis des siècles fait de solides montagnards.
Christophe Leray (dans la caravane)
Pour les suiveurs, retrouver :
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2021.
– Le Tour de France contemporain 2020 : Le départ ; La suite ; La suite de la suite ; L’arrivée.
– Le Tour de France contemporain 2019 : 1ère semaine ; 2ème semaine ; 3ème semaine.
– Le Tour de France contemporain 2018