En Béarn, dans les Pyrénées-Atlantiques, Pau, capitale d’Henri IV et de la poule au pot, se révèle aussi capitale régionale de l’architecture contemporaine. Pour les suiveurs du Tour de France contemporain de Chroniques, de quoi en faire tout un fromage ?
Au moment d’attaquer la montagne, après les casse-pattes basque et gersois, tout le monde dans le peloton sait déjà peu ou prou qui parmi les grimpeurs sont en forme et ceux qui ne le sont pas. Mais en montagne, à chaque jour et chaque course sa vérité, surtout selon le temps qu’il fait. Bref, une étape pour les leaders de se jauger et, puisque le maillot à pois de meilleur grimpeur sera un enjeu, pour les aventuriers d’aller créer la surprise au bout des cols de Soudet puis de Marie Blanque, le premier hors catégorie, le second de catégorie 1. Les sprinteurs vont eux compter les kilomètres jusqu’à la délivrance, un œil sur les délais et, en cas de coup de barre, un autre sur la voiture balai.
En tout cas, les suiveurs du Tour de France de Chroniques, qui ne pourront sur les petites routes prendre place dans les voitures suiveuses, feront comme les collègues et regarderont l’étape à la télé avant d’assister à l’arrivée. Aussi, pour ne rien rater du final et afin de rendre un nouvel hommage aux montagnards, les suiveurs de l’architecture contemporaine feront comme eux, ils se lèveront tôt, le temps de faire le tour de Pau. Il y a des choses à voir !
Dans la capitale du Béarn, il est dit-on difficile de conclure un repas sans fromage ! Cela tombe bien puisque les suiveurs sont pressés et qu’ils ont encore peu goûté les spécialités locales. Pour le petit-déjeuner donc, tomme de brebis fermier et tomme de chèvre accompagnés de fromages frais et fromage pur brebis d’estive ou au lait cru de vache, sans oublier une raclette de chèvre affinée au Jurançon et un gruyère de chèvre, lesquels permettront de rattraper le retard. Et il en restera assez à grignoter toute la journée sur la route dans la voiture.
A Pau donc, dans le centre, commencer par les halles et le complexe République revisité en 2019 (Tranche 1 – Halles) et 2021 (tranche 2 – Tour) par les Parisiens de l’agence Ameller Dubois ; l’ancien marché couvert flanqué d’un immeuble de bureaux trapu et en très mauvais état est redevenu un ouvrage identitaire de la ville.
À l’instar des musées, les marchés couverts deviennent aujourd’hui des bâtiments identitaires au cœur des villes, dédiés non seulement à la population locale mais aussi aux visiteurs de passage qui y perçoivent l’âme de la région.
La place de la République occupe une position centrale remarquable au cœur de la ville de Pau, bordée de bâtiments hétérogènes et orientée au sud vers la chaîne des Pyrénées. Cette situation exceptionnelle devait retrouver sa vocation naturelle de lieu de destination, attractif et séduisant, s’inscrivant dans un réaménagement urbain complet pour redonner vie au quartier. Les suiveurs peuvent donc juger sur pièce !
Après avoir rapidement visité le château d’Henri IV – ne serait-ce que pour se souvenir de l’édit de Nantes – et un tour en funiculaire, se rendre à pied rue Louis Barthou pour visiter le lycée éponyme. Pas besoin de rentrer à l’intérieur, c’est la cour de récréation réalisée par l’architecte palois Pierre Marsan qui vaut le détour. Encore que ‘cour de récréation’ ne rende pas justice à cette réalisation, un mail serait plus juste peut-être.
L’espace est traversé par un réseau de cheminements dont les surfaces se déforment au gré de pliages et dépliages afin de créer des volumes où sol, parois verticales et toits ne font plus qu’un élément formant le préau et l’espace sanitaire. Heureux lycéens palois ! Pour le coup, si les suiveurs n’ont pas traîné, ils peuvent descendre la N134 pendant quelques minutes et pousser jusqu’à Bosdarros pour découvrir une autre école, en bois cette fois, du même architecte.
Les suiveurs auront encore le temps – les coureurs ne sont pas encore partis – de faire un détour par les logements « La villa du Midi », ouvrage livré par les Bordelais de Flint en 2018 pour Béarnaise habitat.
Inspiré par les contraintes du site, l‘insertion urbaine est infléchie en forme de V afin de développer le maximum de linéaire orienté au sud et à l’ouest. « Cette orientation, favorable en termes de thermique et d’éclairement, offre aux logements des vues sur le centre-ville et sur les Pyrénées au loin, en prenant soin d’éviter le vis-à-vis avec la barre d’immeuble en R+14 et les nuisances routières. Des balcons légers aux formes courbes confèrent à la résidence une image souple et apaisante, qui s’oppose délicatement à la rudesse de la barre voisine », expliquent les architectes.
En façade, un lattis vertical en aluminium blanc décline un rythme variable selon l’orientation et les usages : tantôt dense en bardage au nord et nord-est, tantôt en brise-soleil devant les baies vitrées des balcons sud et sud-ouest.
De là, les suiveurs pourront aller découvrir le stade nautique de l’agence bordelaise Brochet Lajus Pueyo livré en 2014. Ils n’auront pas le temps d’aller se baigner mais pourront bénéficier d’une vue enviable sur les cimes des Pyrénées. Et comprendre ce projet de paysage jouant avec le relief.
« Depuis l’avenue du Stade Nautique, seul le pliage de la feuille de métal formant sa toiture dessine sa silhouette. Réfléchissante et dynamique, cette cinquième façade dialogue avec les toits d’ardoises palois, la cime des sommets et le ciel omniprésent. Plus bas, face au parvis, l’horizontale d’un grand porche et l’escalier monumental vers la toiture jardin confortent le statut d’entrée d’un édifice public », expliquent les architectes.
Avant de prendre la route, les suiveurs iront enfin visiter la restructuration du pôle de recherche de la faculté de droit, économie et gestion et l’Institut d’Administration des Entreprises de Pau, bâtiment livré en 2015 par le Parisien Patrick Mauger.
« La composition originale du bâtiment a été renforcée : à l’ouest les administrations, au sud la recherche, au nord l’enseignement avec les amphithéâtres à l’est. Les bandeaux horizontaux qui signent fortement l’architecture de la faculté sont repris, réinterprétés de manière contemporaine avec de grandes plaques horizontales de terre cuite pour les centres de recherches et des bandeaux verticaux de terre cuite pour les centres de documentation », explique l’architecte.
En extérieur, la façade est revisitée et modernisée. Les bandeaux horizontaux qui caractérisent l’architecture initiale sont repris. Un mélange aléatoire de cinq teintes de tuiles, émaillées et non émaillées, anime les façades du nouveau bâtiment et facilite l’identification. Ces nouveaux bandeaux abritent des coffres brise-soleil orientables et escamotables, pour une gestion personnalisée de l’apport lumineux et une gestion thermique optimale à partir de l’ensoleillement.
Il sera temps alors pour les suiveurs de s’élancer à leur tour dans la montagne. Sur la route du Tour, tout près de Pau, ils se rendront à Bilhères en Ossau, pour découvrir la maison bioclimatique inspirée des constructions traditionnelles construite par l’architecte Jean-Pierre Bourgerie. A flanc de montagne, la maison offre des points de vue remarquables sur la vallée, la vue étant tout pareil l’objet de cette visite, dans le calme qui précède le brouhaha de la course.
L’architecte a répondu à un cahier des charges précis : matières simples et rustiques, volume traditionnel, maison bioclimatique. « Il s’agissait d’exigences à accorder avec les contraintes de construction en montagne : en l’occurrence les pentes de toiture, l’utilisation de matériaux adaptés au climat et les fondations sur un terrain accidenté », dit-il.
Les matériaux utilisés, pierre et bois en façade, ardoise en couverture, répondent à l’esthétisme traditionnel de la région. Le bâtiment est implanté parallèlement aux courbes de niveaux, perpendiculairement à la pente pour optimiser l’emprise sur la parcelle. Il s’agit d’une maison à niveaux, qui dispose d’un porte-à-faux de près de 2 m pour profiter de la vue exceptionnelle.
De là les suiveurs rejoindront Laruns beaucoup plus facilement que les coureurs et auront largement le temps de rejoindre la salle de presse pour assister à l’arrivée. Quand enfin la poussière de la course sera retombée, les courageux suiveurs, avant de redescendre dans la vallée, auront bien mérité d’une portion de tripes béarnaises, spécialité de Laruns. Mais le Béarn est généreux pour tous les goûts et il est possible d’y dîner léger. Surtout si c’est pour finir avec un morceau de gâteau à la broche, une curiosité locale : un gigantesque gâteau doré de forme conique et pourvu de « piques », tel un sapin. S’il ne ressemble à aucun autre gâteau, par son goût de beurre frais aux parfums de vanille et de rhum, il ravira le palais des suiveurs. Pour ceux qui sont pressés, il y a toujours le fromage…
Christophe Leray (dans la caravane)
Pour les suiveurs, retrouver :
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2023
– Toutes les Reconnaissances d’étape du Tour de France contemporain 2023
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2022
– Toutes les Reconnaissances d’étape du Tour de France contemporain 2022
– Toutes les étapes du Tour de France contemporain 2021.
– Le Tour de France contemporain 2020 : Le départ ; La suite ; La suite de la suite ; L’arrivée.
– Le Tour de France contemporain 2019 : 1ère semaine ; 2ème semaine ; 3ème semaine.
– Le Tour de France contemporain 2018