A Nanterre (Hauts-de-Seine), LAN a livré en 2019 pour le ministère de la Justice, un Quartier de semi-liberté (QSL) et les bureaux des services pénitentiaires d’insertion des Hauts-de-Seine (4 400 m² ; 9.5M€ HT). Une juxtaposition de programmes inédite. Communiqué.
Le projet de la Cité idéale de Chaux, de l’architecte Claude-Nicolas Ledoux, ne possédait pas de prison. Elle était placée à l’extérieur de la ville, avant même la porte d’entrée.
«C’est dans les prisons que l’idée de liberté prend le plus de force et peut-être ceux qui enferment les autres dedans risquent-ils de s’enfermer dehors». Jean Cocteau, L’Impromptu du Palais-Royal, 1962.
La mise à distance de l’institution carcérale n’est pas récente, au contraire elle est une constante historique : le rapport qu’entretiennent les prisons avec leur environnement a toujours été complexe. Le professeur en sciences sociales Didier Fassin a consacré une ethnographie au milieu carcéral : «S’il est un univers clos, qui déploie des trésors d’ingéniosité et de technicité pour se couper du monde extérieur, c’est bien l’univers carcéral».
Les prisons sont devenues au fil du temps des objets «non urbain» ou «en dehors de l’urbain», même lorsqu’elles ont étés construites au cœur des villes. Souvent clôturées par un mur d’enceinte avec un ou plusieurs bâtiments à l’intérieur, l’architecture des pénitenciers a réduit le champ d’actions à la question du traitement de la limite entre le dedans et le dehors, ainsi qu’à celle du contrôle et de la surveillance.
La prison n’est pas un problème stricto sensu d’architecture : c’est avant tout une question sociologique et politique. Mais puisque l’architecture englobe toutes les autres disciplines, le Quartier de semi-liberté de Nanterre a été avant tout l’occasion de confronter cette typologie à des considérations sociétales récentes, avec l’ambition d’estomper le sentiment d’hétérotopie entre la ville et l’enclos du pénitencier.
De la ville à la cellule
Le site de Nanterre s’implante dans une zone urbaine très hétéroclite, entre les maisons pavillonnaires, les grands ensembles des années 60 et quelques bâtiments industriels. Le projet porte l’ambition de reconstruire une forme d’urbanité et propose la définition d’un rapport architecture-ville à travers plusieurs formes : une façade à la place d’un mur, un espace de transition plus «souple» entre l’intérieur et l’extérieur, une volumétrie qui joue un rôle de rotule entre les différentes échelles.
La spécificité du projet de Nanterre repose sur le fait qu’il regroupe deux programmes, chacun accueillant des publics différents. Le siège des Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation des Hauts- de-Seine (SPIP) assure le suivi des personnes placées sous-main de justice, tandis que le Quartier de semi-liberté (QSL) permet à une personne condamnée de bénéficier d’un régime particulier de détention qui l’autorise à quitter l’établissement pénitentiaire afin de s’investir dans un projet de réinsertion et ainsi prévenir les risques de récidive. Cette juxtaposition de programmes est inédite.
En forme de L, les volumes de chaque programme s’imbriquent : le programme du SPIP défini le front bâti tandis que la zone de détention du QSL se développe à l’intérieur du cœur d’ilot.
Depuis l’extérieur, le bâtiment se présente comme un parallélépipède compact à l’angle de deux rues. Seule irrégularité dans le volume, en façade Sud, l’entrée du Quartier de semi-liberté crée une grande ouverture dans le monolithe.
Un large porte-à-faux surplombe un espace extérieur, sorte de zone de transition plus souple mais sécurisée.
Fonctionnement
Les bureaux du SPIP, disposés à l’angle du boulevard du Général Leclerc et de la rue des Acacias, sont orientés sur la rue. La zone d’accueil permet l’accès aux box d’entretien et aux salles d’actions collectives du R+1, ainsi qu’aux zones administratives et de direction, situées aux R+2 et R+3.
L’organisation des différentes zones du Quartier de Semi-Liberté est contrôlée à partir du poste d’entrée protégée (PEP). Placé stratégiquement, il bénéficie d’une vue directe sur la cour d’accueil qui gère les accès aux zones logistiques, administratives et de détention.
Sur quatre niveaux, le Quartier de semi-liberté compte 89 cellules accueillant 92 détenus. Les cellules sont desservies par des larges circulations et bénéficient de vues, soit sur la cour de promenade soit sur les jardins plantés, sans vis-à-vis. Les salles collectives (réfectoire, salle de musculation, médiathèque et laverie) situées au rez-de-chaussée s’ouvrent sur la cour de promenade.