Livré à l’été 2017 pour la Communauté d’Agglomération Béthune-Bruayle, le Centre d’interprétation de l’habitat et du paysage minier conçu par Philippe Prost (AAPP) reprend de façon épurée les codes des corons. La forme iconique et familière du toit à deux pentes est détournée au profit d’un monolithe à la fois semblable et différent. Communiqué.
Archétype de la cité minière du XIXe siècle, lieu d’architecture ordinaire, la Cité des Eléctriciens est construite par la compagnie des mines de Bruay entre 1856 et 1861 pour loger des familles de mineurs. Ensemble remarquable, la Cité des Eléctriciens doit son nom à celui de ses rues (Branly, Volta, Marconi) et son caractère est celui des premiers corons encore empreints de ruralité. Sa réhabilitation en fait le support du témoignage d’une vie et d’une activité révolue : le projet vise à en faire un lieu de mémoire, de vie et de création culturelle pour le XXIe siècle.
Inscrite à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques en 2009, la Cité des Éléctriciens de Bruay-la-Buissière fait partie des cinq cités-pilotes du bassin minier du Nord-Pas-de Calais entré au patrimoine mondial de l’Unesco en 2012, au titre de «Paysage culturel évolutif vivant». Cette même année, la communauté d’agglomération de Bruay-Béthune lance une consultation pour la réhabilitation du site dont l’atelier d’architecture est lauréat en 2013.
Dans le cadre d’un traitement patrimonial, l’agence propose dans le plus grand barreau du coron la création d’un centre d’interprétation de l’habitat et du paysage miniers, et dans les autres bâtiments existants des résidences d’artistes, ateliers pédagogiques et gîtes d’étapes, le tout conforme aux exigences énergétiques actuelles.
Le centre d’interprétation du paysage minier est lui logé dans une construction neuve qui vient borner cette composition paysagère. Cette construction d’expression contemporaine garde le même gabarit des bâtiments existants : elle reprend de façon épurée la typologie du bâtiment central ainsi que la partition structurelle des murs de refends. La forme iconique et familière du toit à deux pentes est détournée au profit d’un monolithe à la fois semblable et différent. Les refends transversaux se retrouvent sous la forme de failles vitrées continues, du mur au plafond, afin de scander l’espace muséographique en lui redonnant de la lumière et une échelle domestique.
«Notre projet a été bien adopté parce qu’il offre une imbrication de différents bâtiments où touristes et résidents peuvent s’y croiser, il y aura de la vie, des échanges, il ne s’agit pas d’une conservation coupée du monde», précise Philippe Prost. Cet ensemble jouxte une opération de 12 logements situés dans trois autres corps de bâtiments également restaurés qui appartiennent au bailleur social Maison Cité.
En étroite imbrication avec la restructuration de la Cité, l’ensemble des espaces extérieurs est réinventé et réinterprété pour illustrer la vie des mineurs et son évolution au cours des 150 dernières années. Prolongeant le programme construit, les places et les jardins sont conçus tant comme une évocation poétique qu’un support de compréhension historique.
«Nous avons travaillé avec les paysagistes de l’Atelier FORR afin de reconstituer le parcellaire des jardins sur des traces encore visibles. La trame ancestrale des potagers est également exhumée pour redessiner le paysage alentour», souligne Philippe Prost.
Aussi, les annexes fragiles de ces bâtiments que l’on appelle carins et voyettes – hier clapiers et buanderies – seront restaurées afin d’accueillir de nouvelles fonctions (petit lieu de restauration, salle à manger, sauna, etc.). Le projet intègre l’organisation et le vocabulaire de la vie minière plaçant l’habitat dans un dispositif plus vaste : du logement à la cité, de la cité au grand paysage.
«Très rapidement, j’ai proposé au groupe EDF de nous accompagner dans le cadre R&D de son programme Bas Carbone, le projet les a séduit. Nous avonsété sélectionnés au concours parce que notre démarche mêlait une réflexion technique à une dimension mémorielle», explique Philippe Prost. «Nous avons également étudié la réadaptation de la tuile à d’autres usages afin de remettre au goût du jour le savoir-faire ancien».
La logique était d’utiliser des matériaux dans des masses et des proportions qui font la différence dans le but de donner une vertu cardinale aux économies d’énergie. Et pour éviter les pics de consommation électrique aux heures critiques, nous avons mis au point avec Verdi Ingénierie et TechniCity un système de stockage de production d’eau chaude permettant d’alimenter les besoins domestiques et le fonctionnement des chaudières. Ce raisonnement écologique s’articule avec la politique énergétique développée par le Nord-Pas-de-Calais. Cette Région est, en effet, la première à mettre en pratique les théories de la Troisième Révolution Industrielle défendues par l’économiste américain Jeremy Rifkin, consultant, aujourd’hui, sur ce territoire.
Ouvert sur la ville comme sur l’espace agricole, le site dans son ensemble invite à imaginer l’avenir d’un territoire transformé afin de mieux le conserver. Ce projet accompagne les quatre autres sites labélisés par l’Unesco : les fosses de Loos-en-Gohelle, Oignies, Wallers et Lewarde.