Chacun a sa propre façon d’appréhender une œuvre d’art, surtout quand elle est éphémère. Ainsi en est-il pour L’Arc de Triomphe empaqueté de Christo and Jeanne-Claude. Là où d’aucuns y ont vu un linceul pour l’architecture*, le photographe d’architecture Aurélien Chen a perçu une « présence charismatique, vibrante » dans la quotidienneté du paysage urbain. Chronique-photos.
Je souhaitais partager ma série de photographies de l’œuvre L’Arc de Triomphe empaqueté de Christo and Jeanne-Claude, pour laquelle la fondation Christo and Jeanne-Claude m’a donné une autorisation de diffusion pour un usage non commercial.
Le bâtiment original a été construit sur une colline, un monument de gloire, une porte. Quelques années après, Haussmann, en créant les avenues concentriques et la place de l’Etoile, ouvrait les perspectives sur ce monument qui devenait un signal urbain.
Peu à peu ce monument a disparu de notre conscience, devenant un fond de carte postale, oublié dans le quotidien des Parisiens. En enveloppant ce monument, les artistes révèlent à nouveau sa présence dans le paysage parisien, rappelant sa monumentalité originale. Ils révèlent l’urbanisme de la ville, ce tissu urbain particulier fait d’axes et de perspectives.
C’est pour cette raison que j’ai décidé de ne pas photographier cette œuvre comme un « objet isolé » ; l’œuvre reste en arrière-plan. Je souhaitais rendre compte de sa présence charismatique, vibrante dans la quotidienneté du paysage de la ville. Il s’agit de photographie urbaine et dans une moindre mesure de photographie d’architecture.
C’est aussi pour cette raison que les photographies ont subi peu de travail de post-production. Je souhaitais qu’elles restent sincères, qu’elles expriment la réalité brute de cette installation artistique dans la ville. Les objets parasites, qu’on essaie habituellement de cacher en photographie d’architecture, sont assumés au premier plan : poubelles, pancartes, voitures, barrières de chantier, etc. Ils sont autant d’éléments typiques du quotidien parisien : un taxi local, des pigeons picorant devant un café vide.
De même, j’ai choisi de photographier l’œuvre par un jour de pluie : les cieux de Paris sont souvent gris, tout comme ses toits. Je suis persuadé que les artistes ont imaginé ce moment de symbiose où l’œuvre et le ciel ne formeraient plus qu’un dans la grisaille du ciel parisien.
Aurélien Chen
*Voir la chronique L’architecture : art en voie d’extinction