Quelle est la différence entre un étudiant en architecture une heure avant son diplôme et un jeune architecte une heure après son inscription à l’Ordre ? Le compte bancaire du second est plombé de 15 000€ supplémentaires pour les cinq prochaines années. Acomptes URSAF ? RSI ? CNAVPL ? Même pas ! Il s’agit du montant que représentent les licences de logiciels.
Grâce à la stratégie des «généreux» éditeurs de logiciels premiums (Autocad, Archicad, Photoshop et consorts), un étudiant peut bénéficier de ces applications à moindres frais, voire gratuitement. Ainsi choyé, le futur diplômé a alors le temps de se familiariser avec ces outils numériques de grandes marques au fur et à mesure de l’avancement de ses études.
Avec les années, cette familiarisation se transforme en habitude qui peut s’avérer très utile pour trouver un poste dans une agence. Ainsi, en plus de la personnalité du fraîchement diplômé, sa déjà maîtrise des logiciels utilisés peut lui garantir une période d’adaptation et une intégration plus rapide.
Mais qu’en est-il des têtes brûlées qui se lancent en libéral, ou qui créent (entre copains d’anciennes nuits de charrettes) leur propre agence ? Cette habitude des logiciels ainsi prise peut s’avérer un véritable boulet financier. Ne voulant justement pas changer ses habitudes, notre néo professionnel paye alors au prix fort son ‘choix’, validant au passage la «généreuse» stratégie des éditeurs qui garantissent leurs revenus par l’adoption «insidieuse» de leurs logiciels.
Un peu de compta
Faisons un calcul rapide avec les tarifs d’une sélection des principaux logiciels…
• Autocad : 1 764 €/an
• Archicad : 2 300 €
• Skecthup : 700 €
• Ou 3d Smax : 1 920 €/an
• Plug-in Vray : 500 €
• Adobe Creative Cloud (Photoshop, Lightroom, Acrobat, Illustrator…) : 719 €/an
• QuarkXPress : 829 €
• Office : 115,20 €/an par utilisateur
• Logiciel de tenu de comptabilité : 300 €/an
• Utilitaires informatiques divers : 250 €
Suivant la sélection effectuée, la dépense annuelle moyenne oscille entre 3 000 et 5 000 euros. La grande tendance étant à la mensualisation ou à l’annualisation des licences, il faut remettre cela chaque année. Ce qui fait donc sur trois ans (temps d’amortissement comptable généralement employé) entre 9 000 € et 15 000 € !
Bêtas (testeurs)
Certes, toutes les écoles d’archi n’imposent pas de logiciels ou ne forment pas toujours les étudiants sur ces applications coûteuses. L’étudiant peut installer et utiliser ce qu’il désire sur son ordinateur. Il faut pourtant constater que le choix des logiciels peut s’avérer stratégique dès le début des études.
Selon les goûts, les spécialisations et les budgets, les besoins en logiciels ne sont pas les mêmes pour tous. Des passionnés de 3D aux dingues de détails techniques en 2D, en passant par les fanatiques de la présentation en réalité virtuelle et les nomades de Keynote ou PowerPoint avec leur pico-projecteur dans la poche, chacun choisira la solution qui lui semble la plus adaptée.
La plupart des logiciels premiums ne sont pas utilisés à 100% de leurs capacités. Leurs éditeurs facturent au prix fort l’accumulation au fil des années de fonctionnalités, publicisées à grands frais de marketing, qui ne sont pas utilisées par tous mais pourtant bien payées par tous.
Quand en plus ces nouvelles fonctionnalités sont souvent boguées, cela fait mal au fessier d’être pris pour des imbéciles qui payent plein pot pour finalement tester en permanence les logiciels. C’est probablement la signification première de «bêtas testeurs».
Que faire ?
Barbe-Noire ?
J’écarte tout de suite la solution d’utiliser des versions pirates/craquées des logiciels pour toutes les raisons que vous imaginez et surtout parce que la suite de cet article propose justement une réponse pour ne pas pratiquer ce genre de méfaits !
Pour rappel, les sanctions civiles, selon la gravité du préjudice, peuvent aller jusqu’à plusieurs millions d’euros. Les sanctions pénales pour une personne morale peuvent aller jusqu’à l’exclusion définitive des marchés publics, la dissolution ou l’interdiction d’exercer. Cela fait réfléchir…
Il y a pourtant un moyen très simple et très efficace de réduire très fortement cette dépense et cela sans prendre aucun risque.
Logiciel libre et informatique écoresponsable
Les logiciels libres présentent aujourd’hui une véritable alternative, fiable et surtout gratuite (ou très peu coûteuse). Mais comment choisir entre libre et payant et quels sont les avantages du «libre» ?
Avant de décider, il faut en premier lieu prendre le temps d’une large réflexion. Tout d’abord, sur les logiciels en eux-mêmes. Comme nous l’avons vu, il y a les goûts de chacun, les envies, les orientations professionnelles vers telle ou telle spécialité. Il y a ensuite la pertinence des fonctionnalités proposées, et donc la véritable utilisation qui en est faite, ainsi que l’amortissement de ces logiciels. Il faut aussi penser aux échanges de fichiers effectués avec les partenaires, clients, et autres prestataires.
Les logiciels libres, en plus de répondre à vos besoins d’utilisation, sont moins énergivores. Moins lourds et plus spécialisés (moins usines à gaz), ils consomment ainsi généralement moins d’électricité car sollicitent moins les processeurs en calculs. Ils fonctionnent très bien sur des plateformes et systèmes moins récents qui dureront donc plus longtemps. Vous n’aurez pas à renouveler vos Mac ou PC aussi souvent.
S’il est question ici d’informatique écoresponsable (green IT), les logiciels libres en font partie en ne jouant pas le jeu de la loi de Moore et de l’obsolescence programmée. Enfin en utilisant ces logiciels, vous favorisez une économie plus solidaire. Les développeurs sont des passionnés avant d’être des gestionnaires d’actions en bourses. Une précision, très souvent les logiciels libres fonctionnent sur Windows, OSX et Linux.
Ainsi, au-delà d’un choix pratique ou technologique, la réflexion tourne aussi autour de la façon dont chacun imagine faire son métier… la philosophie de l’agence, son idéal, etc. Le logiciel libre est aussi un véritable choix éthique et philosophique !
Seul au monde ?
Avec le libre, vous ne serez pas seuls. Sur Internet, les communautés d’utilisateurs foisonnent. Elles pourront vous aider, vous accompagner, vous former. Vous trouverez ainsi des librairies gratuites, des tutoriaux, des forums de discussion souvent plus rapides pour vous répondre que l’aide fourni par les éditeurs premiums. Vous pourrez la plupart du temps aussi communiquer avec les développeurs qui sont à l’écoute et prendront à cœur de corriger le bogue éventuellement remonté.
Les échanges de fichiers ne posent pas (ou peu) de problème. Avec les logiciels libres, les fichiers générés ou exportés sont compatibles avec les logiciels premiums. Dans l’autre sens, vous pouvez ouvrir les fichiers en provenance des logiciels premiums. Depuis plusieurs années maintenant, les dwg, dxf, 3ds, psd, pdf, docx, xlsx et autres pptx,… sont exploitables en dehors de leurs logiciels parents. Avec des pieds de plombs et sous la pression des instances anti-concurrences, les créateurs de ces formats ont dû les ouvrir, même s’ils trouvent encore aujourd’hui des parades pour freiner le processus.
Le sevrage, ou le servage !
Il est vrai que le choix du libre implique de petites contraintes et de nouvelles habitudes. Mais, une fois réflexion faite, si votre choix est de quitter votre tenue d’esclave des logiciels primiums pour adopter celle du libre, je vous conseille de la changer alors le plus vite possible et ceci pour éviter que le sevrage soit plus difficile. Le mieux est encore d’avoir cette réflexion dès le début des études pour s’équiper déjà en logiciel libre, même s’il n’est jamais trop tard.
Pour vous faire une idée, rien ne vous empêche d’essayer ces logiciels libres. Leur quasi-gratuité est en cela géniale! Une fois les bons logiciels adoptés, vous resterez peut-être encore des «bêtas testeurs» mais cela fera moins mal à votre compte bancaire (et votre fessier)!
Certains logiciels étant des «donationware», que cela ne vous empêche pas de soutenir ces concepteurs passionnés en juste remerciement pour la qualité de leurs développements ! Travaillez-vous gratuitement ? Idem pour Chroniques d’architecture ;-).
Quelques logiciels pour réduire la facture
Pour finir, voici une liste, non exhaustive, qui vous présente une sélection de logiciels libres, de gratuiciels (freewares) et de partagiciels (sharewares). Vous pourrez vous faire votre propre opinion en les essayant. Mais sachez qu’ils sont utilisés par des milliers de professionnels dans le monde.
Libre CAD : http://librecad.org/cms/home.html
FreeCAD : https://www.freecadweb.org
NaroCAD : http://narocad.com
Blender : https://www.blender.org
QCAD : http://www.qcad.org/en
BRL-CAD : http://brlcad.org
Wings 3D : http://www.wings3d.com
Inkscape (plus à l’image d’Adobe Illustrator) : https://inkscape.org/fr
Gimp : https://www.gimp.org/fr
Krita : https://krita.org/fr
Photo Pos Pro : http://www.photopos.com/
PIXLR (logiciel en ligne) : https://pixlr.com/web
Scribus : https://scribus.fr
PDFCreator (création de PDF) : http://www.pdfforge.org/pdfcreator
OpenShot (montage) : https://www.openshot.org
Handbreak (conversion vidéo) : https://handbrake.fr
Libre Office : https://fr.libreoffice.org
Open Office : https://www.openoffice.org/fr/
Calligra (bureautique et gestion de projets) : https://www.calligra.org
Collabtive : http://collabtive.o-dyn.de/?lang=fr
GanttProject : http://www.ganttproject.biz
GnuCash (comptabilité individuelle et pour petite entreprise) : http://www.gnucash.org
Oracle VM VirtuaBox (Virtualisation d’ordinateurs) : https://www.virtualbox.org
Filezilla (client FTP) : https://filezilla-project.org
Vincent Beslay