Ruedi Baur et Vera Baur ont été invités par le Mémorial national de la prison de Montluc et par l’Association ‘Les ouvriers qualifiés’, laquelle suit les questions liées à l’enfermement et promeut des actions culturelles et scientifiques en lien avec ce monde de l’enfermement. Autant d’actions tournées vers la liberté, l’égalité et la fraternité et la promotion des valeurs républicaines en direction des jeunes. Communiqué.
A l’occasion des Journées européennes du patrimoine qui se sont déroulées les 17 et 18 septembre 2016 autour du thème «Patrimoine et Citoyenneté», le designer Ruedi Baur et la sociologue Vera Baur de l’institut Civic City ont donc présenté une installation correspondant à la première phase de recherche de leur résidence artistique pour la Prison de Montluc.
Le rôle du designer et de la sociologue est de réfléchir sur la transmission de l’histoire d’un lieu de mémoire complexe. La prison militaire de Montluc, localisée en face du fort Montluc, a ouvert ses portes en 1921. Prison militaire du régime de Vichy de 1940 à 1943, elle est réquisitionnée par l’occupant nazi à partir de janvier 1943 et ce jusqu’au 24 août 1944. Montluc est alors à Lyon et pour toute la région la principale porte d’entrée vers la déportation et les exécutions. Lieu d’internement de près de 10.000 hommes, femmes et enfants durant l’occupation allemande, elle a notamment vu passer Jean Moulin, Marc Bloch, André Frossard, Jean de Lattre de Tassigny, les enfants d’Izieu, Klaus Barbie, ce dernier y ayant été emprisonné également, mais bien plus tard, durant son procès en 1987 pour crimes contre l’humanité.
Devenue prison civile à partir de 1947, la prison a fermé ses portes en 2009 en tant que maison d’arrêt pour femmes.
«Haut lieu de la mémoire nationale, le Mémorial National de la prison de Montluc a rejoint en 2010 les sites gérés par le Ministère de la Défense, propriétés de l’État. La Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA), chargée de la politique de mémoire des conflits contemporains, définit les orientations relatives aux hauts lieux, conduit les grands projets d’investissement et procède à l’organisation des commémorations nationales. Quant à l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG), il gère et entretient les Hauts lieux de la mémoire.
Ouvert au public, le Mémorial a pour objectif de rendre hommage aux milliers de Résistants, Juifs, et otages, victimes des nazis et de Vichy, pendant la période de la Seconde Guerre mondiale, et de mieux comprendre la mise en place des politiques de répression. Il contribue aux réflexions initiées par les problématiques propres à ces sites mémoriaux, tant sur le plan scientifique et historique, que sur les thématiques liées à l’accueil du public et aux actions pédagogiques». [Extraits sites Internet]
Une confrontation plus approfondie avec ce lieu de détention permet de relier cette histoire avec celle des IIIe, IVe et Ve Républiques et avec les politiques d’enfermement qui reflètent des époques aussi mouvementées que celle du XXe siècle. En choisissant le questionnement comme mode d’analyse de ce lieu aux strates multiples, Ruedi Baur et Vera Baur ont rassemblé et écrit 1.500 questions qui interrogent l’histoire de la Prison de Montluc mais aussi le site et l’évolution du mémorial.
Existe-t-il un devoir de mémoire ? Est-il pertinent de comparer les époques ? Un processus mémoriel passe-t-il forcément par la sanctuarisation d’un lieu ? Qu’est-ce que la patrimonialisation ? La mémoire peut-elle se passer de témoins ? Un témoin est-il fiable ? Doit-on confronter les mémoires ?… Ces questions et bien d’autres ont pour but de poser le débat, de l’élargir, de croiser des thématiques liées à l’enfermement, aux lois et systèmes juridiques, aux comportements de l’Etat et des citoyens face à une crise grave, au racisme ordinaire comme aux horreurs de systèmes procédant à la torture, au terrorisme, à l’extermination, à la prise d’otage dans la société civile…
Ces 1.500 questions travaillées en collaboration avec les historiens spécialistes des différentes époques de ce lieu furent calligraphiées par Afrouz Razavi et Eddy Terkisur sur 1.500 petits supports en bois jaune (20×20 cm). Ceux-ci ont été répartis pour les Journées européennes du patrimoine dans les cours extérieures de la prison et ont permis de revisiter les différentes mémoires dans le contexte même de ce lieu.
Ces questions constitueront le début d’une archive partagée, l’amorce d’un processus de mémoire collectif, qui pourra être complétée au fil du temps. Le 10 et 11 septembre, ce corpus a été mis en discussion par un certain nombre de spécialistes dans le cadre de rencontres à la prison. Les 17 et 18 septembre l’installation a été présentée au public qui a eu la possibilité de compléter cette banque de données avec ses propres interrogations, l’objectif étant de dialoguer autour des questions et d’en proposer de nouvelles qui se verront calligraphiées et intégrées à l’installation.
A la suite des Journées européennes du patrimoine, un site web interactif est désormais ouvert www.civic-city.org/montluc. Il permet de retrouver des images de l’installation, de consulter les archives des questions déjà posées et offre la possibilité d’en ajouter d’autres. La résidence d’artiste se poursuivra après cette première présentation et aura un nouveau moment de démonstration et de débat durant l’hiver 2017.