Dimanche 16 juillet, étape 15 - Les Gets

Les 180 kilomètres de cette nouvelle étape de montagne promettent aux suiveurs de réaliser neuf ascensions. Pour les suiveurs du Tour de Chroniques, en guise d’architecture contemporaine, il faudra donc faire vite.

Cette fois, la veille d’une journée de repos, le décor est planté pour une nouvelle explication entre leaders. Une visite particulièrement rythmée de la Haute-Savoie qui emmènera les coureurs au col de la Forclaz de Montmin, puis à la Croix Fry et aux Aravis. La montée finale au Bettex, dans la côte des Amerands, où certains passages atteignent les 17 % de pente, n’est en effet promise qu’aux meilleurs des meilleurs grimpeurs.

Avant le démarrage des hostilités au sein du peloton, les suiveurs se laisseront au petit matin glisser des cimes vers la vallée pour faire une halte à Cluses, à la bien nommée « Light House » de Somfy. Ce leader mondial de la domotique et des éléments connectés, établi dans la vallée de l’Arve, propose ici un « concept building » qui met en valeur l’histoire et le savoir-faire de la société.

Le projet réalisé par Sens Architecture met en place un volume cylindrique qui semble s’enrouler sur lui-même, passant du plein au vide tel un copeau métallique issu du fraisage des décolleteurs locaux. Le plan propose une promenade verticale continue rendue possible par un escalier central à double-hélice semblable à nos cols du jour, d’abord monter puis se laisser glisser jusqu’en bas.

SENS architecture Saint-Gervais — @Béatrice Cafieri

« Cet escalier mène à un lobby largement ouvert sur son environnement et propice à divers événements promotionnels ou conférences. Les façades du bâtiment participent activement à la mise en scène de l’ensemble grâce à un travail de double peau permettant des variations d’ambiances et de lien avec le paysage en fonction des espaces intérieurs mais également en fonction des variations climatiques grâce à un certain nombre d’éléments de protection solaire, d’occultation et de free cooling actif », précisent les architectes. Lesquels proposent ici un bâtiment signal visible depuis l’autoroute et démontrent que, dans le paysage des usines de la vallée de l’Arve, un bâtiment modeste par la taille peut s’affirmer avec malice.

Arrivés à Annecy, les suiveurs du Tour contemporain découvrent, juste derrière l’esplanade du Paquier et le lac, glissé entre des logements des années ‘70 et des pavillons, le restaurant interadministratif du CRSS réalisé par l’agence Guyard et Bergman Architectes.

Le projet, installé sur une parcelle exigu, en « L » entre deux maisons, parvient par une compacité savante en plan à installer un programme dense tout en faisant respirer le site. Le bâtiment, ne laissant pas entrevoir son intériorité, est assez refermé sur lui-même par un jeu de filtre de lames minérales, de vitrages et de vitrages sérigraphiés. Cette peau délicate met poliment à distance les accès mais tend la main aux regards des passants.

Saint-Gervais Guyard et Bergman Architectes — @Eric Saillet

Guyard et Bergman Architectes — @Eric Saillet

« Cette frise, pliée et développée selon un plan dont la forme est héritée des prospects réglementaires, fait le tour complet du bâtiment pour envelopper les salles de restaurant situées en étage », soulignent les architectes. Le volume s’étire sur 45 mètres et 9 mètres de haut et parvient à la fois à construire la rue, tenir l’angle et se faufiler dans le tissu pavillonnaire.

Ce projet subtil et ambitieux témoigne de la bienséance du duo aperçu à maintes reprises lors du passage dans les Alpes.

Les suiveurs profiteront des paysages des berges du lac d’Annecy pour se rendre à Faverges pour découvrir la halle culturelle conçue par NAO Architecture (Jacques Anglade et Adela Ciurea). En contraste avec celle découverte la veille à Scionzier, l’architectonique est plus conservatrice, plus massive et symbole d’une époque où le bois n’est pas apprécié par sa capacité à minimiser son rapport volume / mètre carré mais bien par son exact opposé.

Le projet comporte pour 500 m² 237 poteaux qui soutiennent 237 arbalétriers. Avec ce ratio les honneurs pleuvent : prix départemental, prix régional, prix national, intercontinental, intergalactique. La moisson est bonne.

Cette réalisation d’excellente facture questionne ce moment de l’histoire où le bois s’affirme par un simple « more is more » au prétexte que l’énergie est décarbonée mais a le mérite d’exister pour remettre sur le devant de la scène la construction bois. Le Festival des Cabanes, ouvert en cette période de l’année et visité l’an dernier, se déploie autour de Faverges et offre la possibilité de visiter de plus ou moins frêles ouvrages en bois qui invitent tout un chacun à un peu de poésie spatiale.

Après cette halte, les suiveurs traversent les Aravis et arrivent à Combloux, avec le Mont-Blanc en face d’eux. Quoi de mieux à cette heure de la journée qu’une petite baignade dans une eau non traitée face au plus haut sommet des Alpes.

Le plan d’eau de Plan Perret, réalisé par l’agence Green Concept, spécialiste des piscines naturelles, déploie sur plus de 4 500 m² un aménagement paysager accueillant un bassin biotope à l’eau filtrée par des plantes qui démontrent la qualité de l’architecture non bâtie et la capacité du tourisme à proposer, parfois, des offres vertueuses et ambitieuses.

Après cette pause réparatrice, les suiveurs peuvent dès lors au choix filer vers Saint-Gervais ou faire un petit crochet par Sallanches où ils retrouveront le duo Guyard et Bergman et leur médiathèque explorée en reconnaissance.

Toujours est-il que l’étape terminée pour les coureurs, le lendemain étant une jurée de repos, les suiveurs qui ont pour une fois le temps de traîner un peu se rendront à la Ferme de Cupelin pour déguster une truite de Savoie fumée maison et son pamplemousse Corse, mets à la fraîcheur adaptée, accompagnée d’un verre des bien nommées « Les perles du Mont-Blanc » du Domaine Belluard.

Guillaume Girod (dans la caravane)