«Nous chanterons les grandes foules agitées par le travail, le plaisir ou la révolte ; les ressacs multicolores et polyphoniques des révolutions dans les capitales modernes; la vibration nocturne…» annonçait en 1909 Marinetti dans son Manifeste du Futurisme. L’incantation ne cesse de hanter la représentation de la ville du futur au cinéma de science-fiction. Parmi les plus connues, quelques capitales du genre.
Le Château dans le Ciel, Miyazaki, 1986
La ville aérienne et spatiale de Laputa est une sorte de cité perdue, sans ailleurs, qui s’élève dans les airs mais dans laquelle la nature a repris ses droits. Ici la question de la compacité ne se limite pas à apporter une réponse verticale statique, comme empesée par le sol, autour de laquelle s’organiserait une mobilité vivace. Le sentiment de légèreté conféré par la métaphore aérienne conforte l’idée que la vie suppose de la fluidité.
Cette conception en apesanteur, liée à un certain imaginaire d’architecture modulaire, est à rapprocher de tentatives architecturales conceptuelles
Star Wars et Coruscant
Coruscant est la capitale de l’empire galactique réputée pour la hauteur de ses gratte-ciel. Dans la saga Star Wars, Coruscant est une planète-cité sans centre-ville ni périphérie, peuplée de plus de 1 000 milliards d’habitants. Ses océans ont été asséchés pour laisser place à d’immenses gratte-ciel, dont certains sont si hauts qu’ils ont la tête dans les nuages.
Capitale de l’empire galactique, elle abrite les deux chambres de l’Ancienne République, le Sénat galactique et le Temple Jedi aux cinq tours élancées. Sa sociologie évolue en fonction de son relief : les bas-fonds de la ville, où les sénateurs ne mettent jamais les pieds, sont peuplés de créatures dangereuses. Mais Coruscant est surtout la ville de tous les excès. Une ville hors-normes, à la fois gigantesque et clinquante – son nom vient d’ailleurs du latin «coruscans», qui signifie «brillant, étincelant».
THX 11 38, George Lucas, 1971
Méconnu du grand public, ce film réalisé en 1971 par George Lucas (et produit par Francis Ford Coppola) met en scène dans un futur lointain des humains drogués et brimés par un pouvoir totalitaire qui n’est pas sans rappeler le Big Brother de 1984. Ils vivent sous la surface de la Terre suite à une catastrophe nucléaire qui a ravagé la surface de la planète.
Métaphore des enfers, cette cité souterraine est faite de longs couloirs éclairés aux néons et de salles aux murs d’un blanc immaculé. Une ville lisse, monochrome, aseptisée, aux airs d’hôpital psychiatrique, qui rappelle l’esthétique épurée des intérieurs dans 2001, L’Odyssée de l’Espace de Stanley Kubrick.
La ville futuriste est totalement aseptisée et suréclairée : la norme scientifique est venue surpasser l’imperfection naturelle. L’espace urbain est entièrement colonisé dans l’univers de science-fiction et la ville perd de son humanité pour ressembler à un monstre tentaculaire, voire même à un labyrinthe effrayant comme dans Inception (2010) de Christopher Nolan.
Soleil vert, Richard Fleischer, 1973
L’action du film se déroule en l’an 2022 à New York qui est devenue une mégapole de 44 millions d’habitants. Il règne en permanence une température élevée, soit 33 °C. L’eau est rare. La faune et la flore ont quasiment disparu. La nourriture issue de l’agriculture également. La plupart des habitants n’ont pas les moyens d’acheter des aliments naturels, les prix étant exorbitants. Ils en sont réduits à manger des produits de synthèse, fournis par la multinationale «Soylent», des tablettes de forme carrée, jaunes, rouges ou bleues.
Un nouvel aliment vient d’être lancé, le soylent green, beaucoup plus nutritif mais cher et disponible uniquement le mardi : ce jour-là, des émeutes de citoyens affamés ne sont pas rares et sont sévèrement réprimées avec des bulldozers appelés «dégageuses».
Dans Soleil Vert, ce qui est central n’est pas l’histoire de Thorn, simple média, mais la découverte d’une société́ devenue anthropophage du fait de la destruction par l’homme des ressources naturelles.
Matrix, Lana et Andy Wachowski, 1999
La ville se distingue au premier abord des villes précédentes car elle n’est pas une ville du futur. La ville de Matrix ressemble à nos villes contemporaines. Pourtant l’action du film se situe dans un futur encore plus éloigné́ que dans le cas des autres villes futuristes.
Matrix est une ville simulacre, construite artificiellement pour tromper ses habitants. La cité de Matrix est immatérielle et entièrement virtuelle. La ville n’existe pas : elle est simulée par ordinateur pour ces habitants. Les citadins sont relégués sans le savoir à n’être plus que de simples générateurs d’énergie. La ville virtuelle n’est là que pour les « divertir » afin qu’ils croient mener des vies ordinaires.
Ce sont toujours les messages et non les hommes qui se déplacent. Leur topologie est plus que jamais artificielle. Mais l’illusion d’un tissu urbain structuré, artificiellement généré́ par un pouvoir situé hors de la ville, fait croire à ses habitants qu’ils vivent dans une cité normale.