La complexité du projet, le symbole qu’il représentait, le challenge qu’il proposait… L’appel à manifestation d’intérêts en octobre 2016 pour la rénovation de la tour, a attiré «plus de 700 réponses, venues des quatre coins du monde». Puis sept agences ont été appelées à imaginer la tour de demain, les deux finalistes étant choisis en juin 2017. Le vainqueur est connu depuis le 19 septembre dernier. Revue d’effectif.
The winner is… Nouvelle AOM
Un projet bien complexe qui revêt au premier abord une simplicité apparente déconcertante. Repensée dans son horizontalité, la tour n’est plus un bâtiment isolé par sa verticalité. C’est peut-être une des marques de la réussite de ce projet. Les profanes comprendront que le monolithe sombre, opaque et énergivore va s’éclaircir, s’ouvrir, s’élancer et au final ne plus dépenser d’énergie. Les promesses sont belles. Reste à réaliser le projet.
D’un point de vue esthétique, Nouvelle AOM semble avoir voulu respecter la forme de la tour et conserver ses jeux concaves et convexes si particuliers. Un hommage que les autres finalistes semblent avoir négligé. Le coup de «génie», selon Frédéric Lémos, président du syndicat des copropriétaires, «c’est de réancrer la tour dans le tissu haussmannien». Des balcons filants parcourent les quatorze premiers niveaux. Ils offrent une plus-value environnementale et rappellent ainsi la ville du baron en renouant avec l’urbanisme si décrié du quartier. La tour tend ainsi une perche pour le futur projet urbain. Le parvis jusque-là délaissé devient animé et qualitatif et trouve le statut de place parisienne, en accord avec le piéton, qui lui manquait.
Les challengers
L’holistique de Studio Gang
L’Américaine Jeanne Gang est parvenue en finale en offrant au choix des copropriétaires et des membres de la ville de Paris un projet élégant et raffiné. La lourdeur de l’ancienne tour laissait place à une légère double peau, où certains ont vu une robe ondulante, sur laquelle aurait vibré la lumière.
La façade crénelée offrait des vues différentes sur Paris. Tout en verre miroir, elle prenait la couleur de la ville selon l’heure de la journée. Le sommet asymétrique abritait lui aussi un immense belvédère.
Le studio américain explique avoir proposé «une peau mince » en superstructure et l’aménagement d’un socle et des infrastructures. Jeanne Gang, associée à Chabannes + Partenaires, semble néanmoins avoir perdu de vue qu’il ne fallait pas complètement oublier l’ancienne tour, et que Paris n’est ni Toronto, ni Chicago !
Quand DPA prend aux pieds de la lettre l’ironie de Jean-Marie Dutilleul
En octobre 2016, souvenez-vous, Jean-Marie Dutilleul, qui connaît bien le parvis de la tour Montparnasse, s’était amusé sur les ondes radiophoniques, un dimanche matin, à imaginer une seconde tour à côté de la première. Dominique Perrault devait être réveillé ce matin-là et s’est dit pourquoi pas !
Le projet du père de la Vienna DC Tower semble en effet avoir pris Jean-Marie Dutilleul au pied de la lettre en accolant à la première une tour plus fine, et bien plus haute que la tour Eiffel, les deux ouvrages liés entre eux par une plate-forme panoramique avec sol en verre, vertigineuse… Délirant en l’état actuel du PLU, de la culture de la ville et du budget … ! Jean-Louis Missika a quant à lui rendu un sobre hommage à la «singularité du projet de Perrault».
Au sommet, dominant le ‘skybar’, une boule gigantesque fait office de balancier pour atténuer les mouvements du bâtiment. Reliant les deux fausses jumelles, une plateforme monumentale en porte-à-faux sert d’observatoire public.
«Objectif lune» selon OMA
Rem Koolhaas nous avait habitué à plus de subtilité. Le projet néerlandais offrait un double visage à la tour. Une version lourde, opaque qui appuyait les défauts de la tour mère et une élévation dotée d’un voile perforé, prêt à prendre la poudre d’escampette. La maquette, noire et ocre, semble prête à écraser tous les autres projets. Sans compter une espèce de queue-de-pie ouvrant vers le centre commercial, pas du plus bel effet. Si le projet de Jeanne Gang évoquait pour certains une robe, d’autres ont vu en OMA une jupe. Il est vrai que le projet était dévoilé durant la ‘fashion week’. La serre sur le toit et l’ascenseur panoramique n’auront pas suffi à en faire un projet gagnant.
La version MadMAx
Créé en 2004, le cabinet d’architecture chinois a fondé sa réputation sur la conception de bâtiments «futuristes, biologiques et technologiquement avancés». Associés avec les équipes françaises de DGLa, les concepteurs ont proposé pour la tour Montparnasse une façade surprenante dotée de vagues qui, jouant sur les reflets et les optiques, miroitait la tour Eiffel comme un souvenir de modernité.
Avec cette proposition, si la tour gagnait en élégance et en clarté, elle perdait un peu de son héritage. Mais pourquoi les architectes de MAD ont-ils absolument voulu refléter la tour Eiffel sur sa façade ? Surtout à l’envers ? Le prochain concours parisien devrait rappeler que la tour Eiffel n’est pas l’unique monument parisien ! Chiche ?
L’élégance de l’interchangeable PLP
Les balcons étaient une super idée, le design de la tour résolument contemporain sans non plus tomber dans le clinquant. Les deux côtés les plus larges deviennent des «façades médias», support d’un geste artistique géant. Grâce à une «peau extérieure scintillante» et un système de LED insérées dans les montants, une «mise en lumière dynamique», signée Yann Kersalé, évoque la mer, la houle, les vagues.
Bien sûr, la verdure avait trouvé bonne place, notamment sur les deux petits côtés, où des terrasses et balcons côtoient un ascenseur panoramique. La tour s’élevait dans le ciel. Elle pourra sans doute aller toucher les nuages à Dubaï, New York ou Shanghai.
Quand AS se repose sur ses lauriers
Les critiques auront vu les architectes d’Architecture Studio plus inspirés, moins embourbés dans le compromis d’un projet qui doit un peu trop plaire à tous et répondre aux envies de chacun. Le projet est sage, sans envergure et pas très intéressant. Décevant pour la maison-mère du lauréat.
Le projet visait à transformer un modèle statique fermé en une tour vivante, ouverte, flexible et organique. «Iconique, la nouvelle tour est une architecture cinétique, sculptée par la lumière. Sa façade plissée et transparente en verre extra-clair s’adapte aux différentes orientations solaires mais ouvre également de nouveaux points de vue sur Paris», expliquent les concepteurs.
Les projets sont visibles en accès libre, avec leurs maquettes, sur la mezzanine du Pavillon de l’Arsenal jusqu’au 22 octobre prochain.
Alice Delaleu