L’écosystème est en danger mugissent les pouvoirs publics : pas à cause des 350 millions de tonnes de plastique annuelles en plus dans les océans, pas à cause de la raréfaction de l’eau et la diminution inquiétante des nappes phréatiques, mais à cause d’un enchaînement de violence où une espèce se livre à des destructions massives sur les symboles et possessions d’une autre.
Blasphème, profanation, sacrilège, malédiction, offense…,
L’espèce qui s’insurge et déclenche ce tsunami localisé dans les villes et villages de nos biotopes est l’espèce reléguée. L’interaction – sur le mode relégation/répression s’enraye et les causes en sont multiples.
La différence entre les espèces nanties, qui prolifèrent sur les biomes les plus prolixes du milieu urbain où elles prospèrent, et les espèces qui n’ont pas pris le virage de la startup biosphère. Elles ne l’ont pas pris par manque de culture et, pire encore, de désir.
Alors les attaques multiples contre tout ce qui représente l’espèce dominante et sa mise en forme d’un autre âge, tels qu’ils sont décrits par la science de la biogéographie, se déclenchent spontanément comme des réactions en chaînes sur plusieurs décennies de racisme et de ghettoïsation.
Le biotope étant toujours dominé par l’espèce proliférante, celle-ci réagit par des formes de sécrétions innovantes d’hormones blindées et d’acronymes terrifiants, BRI, RAID, GIGN, et autres sérotonine et mélatonine qui concourent à circonscrire les attaques dans la seule solution répressive qu’elle connait.
Je ne fais pas de politique mais il est quand même essentiel de prendre conscience des équilibres contrariés d’un biotope vieillissant qui ne s’autogère, générations après générations, que par l’opposition entre espèces à des fins de contrôle plus efficace sur le développement du biome, et l’accaparement des productions de l’économie de marché dont il a accouché.
Et si les progrès de notre biosphère sont plus attachés au développement des blindés de la gendarmerie qu’aux équilibres sociaux, nous ne sommes pas près d’en voir le bout…
Pourtant, l’équilibre qui régit simultanément les chats du Père Lachaise, les unités d’élite de la police et de la gendarmerie stationnées à Nanterre, ou les cyclistes de Deliveroo, avec leurs gros sacs verts et leurs clients affamés attendant leur venue, les péniches sur le canal de l’Ourcq et les marronniers du bois de Boulogne, les scooters, les taxis et les lombrics du jardin Richard Lenoir, est menacé par l’embrasement général transgénérationnel d’une espèce reléguée à l’affût de pillages et de négation générale des symboles de la république.
Toutes les parties du vaste ensemble hétéroclite dont la présence s’explique et se justifie par la relation qu’ils ont tous ensemble comme éléments constitutifs du tissu urbain, vacillent aujourd’hui sur ses bases sans doute malsaines.
Dans son sens usuel, un écosystème concerne le vivant. S’il est transposé aux éléments mécaniques, dont ceux utilisés par les forces de l’ordre (ne pas confondre avec le côté obscur de force), la nature des relations change mais le principe logique reste le même, celui de considérer l’ensemble des échanges comme la base du fonctionnement du grand biotope.
Ce qui caractérise l’opposition aujourd’hui entre l’espèce reléguée et l’espèce reléguant au croisement du monde naturel dont elles sont issues et du monde mécanique dont ils sont auteurs, c’est justement qu’il brûle tous les soirs en ce moment.
La vision simplifiée d’une chaîne trophique élémentaire (qui mange qui ?) et vaguement infantilisante se complique quand on y incorpore les données mécaniques qui infléchissent la dimension de l’écosystème à des paramètres non biologiques, et quand on y introduit la sphère administrative, corps onaniste mais hyper-dynamique, on atteint des sommets dans la complexité et l’incohérence du système urbain, ce qui se révèle avec tant de clarté ces jours derniers.
Dans le biome, comme partout ailleurs, action égale réaction, et dans ce moment si particulier où s’embrase notre biotope, les forces de la réaction forcent la réaction et celle-ci s’enchaîne en réactions en chaîne sans qu’on sache très bien comment tout cela va finir si rien ne bouge dans les équilibres du biome. Sans doute l’exemple de Fukushima est-il porteur d’espoir, comme l’est l’ensemble de la santé environnementale de la biosphère.
François Scali
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