La veille d’emménager dans sa nouvelle maison de facture contemporaine, ce qui n’était pas prévu au départ, Madame de Balanda est «ravie». Il lui a fallu, avec son mari Jehan Bertran de Balanda, trois ans de patience et deux permis de construire pour en arriver là. Découverte d’un projet ‘tricoté de l’intérieur’ par l’architecte Hélène Bergeron.
Jehan Bertran de Balanda est un entraîneur de renom dans le petit monde des courses hippiques, qui s’occupe de la préparation de 70 pur sang. M. et Mme. de Balanda vivent donc par et pour les chevaux à Maisons-Laffitte, près de Paris. Aujourd’hui, ils vivent, littéralement, au-dessus de l’écurie dans une maison «sur pilotis» conçue par l’architecte Hélène Bergeron, une jeune femme énergique et intarissable mais qui a su se montrer pédagogue et convaincante.
Le contexte de Maisons-Laffitte, commune où les priorités vont aux chevaux avant les humains, ne se prête guère à la construction neuve ou l’extension d’une maison existante car tout l’espace est dédié aux pur sang, unique source de richesse de la ville. De fait, il est interdit de démolir des boxes, sauf à en reconstruire un nombre équivalent. Les maîtres d’ouvrage souhaitaient pourtant, pour raisons professionnelles, leur nouvelle maison au cœur même du centre d’entraînement, un bâtiment d’un étage implanté en anneau autour d’une cour qui distribue des boxes sous toitures en tuiles brunes. Seul existait un petit appartement de deux pièces au-dessus du porche donnant accès au manège. Cet appartement donnait lui-même sur une terrasse de cinq mètres de large surplombant les boxes et la galerie par laquelle chevaux et lads ont accès au manège et aux différents endroits du centre d’entraînement. C’est sur cette terrasse qu’un architecte d’intérieur avait proposé aux maîtres d’ouvrage de poser une maison, avec toit à deux pentes. Et c’est pour développer ce projet que contact fut pris avec Hélène Bergeron.
«Le bâti n’avait jamais été prévu pour une élévation», constate l’architecte qui pense cependant «pouvoir faire quelque chose là-haut». Effectivement puisqu’elle propose bientôt d’utiliser toute la longueur de l’aile existante pour construire un bâtiment indépendant, sur pilotis, au-dessus donc de cette terrasse. Une extension sur pilotis au cœur de maisons-Laffitte, il fallait y penser. Ce qui explique d’ailleurs en partie les difficultés rencontrées pour le permis de construire. S’il s’agit officiellement d’une ‘extension’, la réalité est bien celle d’une construction neuve, en ‘connexion’ avec l’étage du pavillon abritant les deux pièces mentionnées plus haut. Les piliers d’appui de la façade sud, habillés de briques pour s’inscrire dans l’existant, forment une nouvelle galerie de distribution le long des boxes, ceux de la façade nord ayant été édifiés, avec toute la prudence requise vis-à-vis de leurs locataires, au fond des boxes.
«Je voulais de la lumière, du bois et de l’espace», explique madame de Balanda. Son mari ne connaît que deux passions, les chevaux et les bateaux. Pour ces gens qui n’avaient jusque là imaginé qu’habiter une maison classique, la découverte de l’architecture contemporaine fut brutale. Hélène Bergeron y a mis les formes, prenant tout le temps nécessaire pour comprendre leur fonctionnement, leurs attentes et composer ensuite entre l’aspect social lié à leur activité (réception des propriétaires, suivi des courses à la télé), la gestion des chiens et du bruit des chevaux et enfin le caractère privé d’un logement destiné à offrir une intimité rare alors qu’il est plongé au cœur même du centre. «Du coup, j’ai tricoté le projet à partir de l’intérieur», dit-elle.
Un intérieur particulièrement réussi, vaste (le tout dépassant les 200 m²), lumineux, aménagé comme un loft (au plancher de chêne) en trois grands espaces (cuisine, salon, bureau) reliés par une voie de circulation, située au-dessus de la galerie. Au sud-est, une grande terrasse arrondie relie le bâtiment sans rupture à l’existant. Du bureau, on accède à l’étage, une chambre et salle de bain nichées en vigie au dessus de l’édifice, avec des clins d’œil marqués à la construction navale ; un petit espace certes, tout en bois (teck) et donnant accès sur une nouvelle terrasse privative, mais vrai refuge loin de l’animation du centre. C’est également du bureau que l’on accède à l’ancien ‘deux pièces’ qui offre désormais chambres d’appoint, toilettes et buanderie. Les façades, sobres, en enduit au ton crème, ne font qu’envelopper cette conception, le rythme et la proportion des percements rappelant les entrées des boxes. Sur la façade principale, les menuiseries et les volets coulissants «marquent un rythme vertical».
Si la première esquisse d’Hélène Bergeron, en totale rupture donc avec le projet initial, a déconcerté les maîtres d’ouvrage, la confiance qu’ils ont accordée à l’architecte – «un luxe», insiste-elle – a permis de mener à bien un projet de facture contemporaine dans un environnement qui ne s’y prêtait en aucune façon. Il est vrai que la maison, quasiment invisible de la rue car cachée par les bâtiments existants, s’est inscrite dans ce contexte avec une remarquable discrétion.
Quelques remarques. Le connexion bureau/ancien appartement manque de lien, la circulation dans la maison en été, quand les fenêtres seront ouvertes, sera difficile et la chambre de l’étage, si elle est coquette, est contraignante puisqu’il n’y a qu’une seule position possible pour y mettre le lit et se retrouve donc totalement figée.
Cela dit, la maison est «géniale», pour citer les maîtres d’ouvrage qui sont la preuve que l’architecture contemporaine peut être parfaitement acceptée et appréciée par ceux-là mêmes qui ne l’avaient jamais évoquée. De plus, la trouvaille d’une ‘extension’ indépendante sur pilotis ouvre de nombreuses possibilités ; en effet, de tels endroits ‘constructibles’, au-dessus de bâtiments existants dont l’intégrité est entièrement préservée, doivent se révéler nombreux si on les cherche. D’autant que le système constructif utilisé est classique en tous points : poteaux/poutres, parpaings et enduit.
Christophe Leray
Photos courtoisie de Hélène Bergeron
En savoir plus : Baudouin-Bergeron
Cet article est paru en première publication sur CyberArchi le 17 novembre 2004