
Incontournable Andalousie qui, avec plus de 300 jours de soleil par an, brille par sa géographie et sa culture, les côtes d’Afrique un horizon proche. Chronique de l’architecte Jean-Pierre Heim.
J‘ai souvent traversé l’Andalousie jusqu’au port d’Algeciras et Gibraltar, visité Ronda, Sevilla, Cordoba, Granada, Marbella. Les contrastes de la Culture et de l’art, de la tradition taurine au flamenco, de l’architecture maure au baroque, sont saisissants.

L’arrivée à Séville sur la place des Taureaux, la Plaza de Toros construite en 1730 par le roi Philippe V d ‘Espagne, est un véritable choc de beauté. Cette arène est magique et, dans le musée, maquettes, photos et des couleurs magnifiques témoignent d’une culture flamboyante, celle de la corrida qui a inspiré les plus grands artistes de ce monde.
L’arène se découvre à la sortie et l’entrée sous un parterre de sièges en pierre circulaire avec comme unique espace extérieur le ciel ou le sol ocre jaune en contraste avec le rouge ocre des barrières. La Real Maestranza de cabelleria de Séville, qui date du XVIIIe siecle, est avec ses 12 500 places certainement la plus belle arène d’Espagne.
Marcher dans les rues du quartier des grottes de Grenade à la tombée de la nuit sur les flancs de l’Alhambra est une découverte inoubliable : le bruit des cafés et des claquettes du Flamenco avec le son des guitares semble émaner de ces grottes néolithiques situées juste au nord du centre-ville, là où se sont installé les Roms, ce quartier de Sacromonte où le flamenco devient une danse prodigieuse entre modernité et tradition.
Il faut arriver à Cordoue avec une chaleur lancinante et rentrer dans la mosquée pour une bouffée de fraîcheur. L’ombre et la lumière deviennent un jeu de promenade dans les jardins labyrinthiques ornés de fontaines, un jardin d’Eden.

La Grande mosquée de Cordoue et un bâtiment éclectique construit sur des fondations d’un ancien temple romain transformé en basilique chrétienne pendant quatre siècles, jusqu’au VIIIe siècle quand elle est à nouveau transformée en mosquée, jusqu’en 1296, quand elle devient cathédrale. Art majeur des Omeyyades de Cordoue, elle représente une présence musulmane bien accomplie. Moquée cathédrale, tel est son nom quand elle est classée en 1984 monument historique par l’UNESCO.
Les arcades et les colonnes par centaines créent une véritable forêt d’arcs striés de rouge et de blanc, une architecture époustouflante ! Les remparts sont aussi décorés d’arabesques et figurent parmi les plus grands chefs-d’œuvre d’architecture musulmane.
Partir à la découverte de Minorque, cette petite île la plus au nord de l’archipel des Baléares, une île repliée sur l’intérieur, où la côte rocheuse n’est accessible que par une épine dorsale, la grande route partant du port de Mahon vers Ciutadella à l’ouest.
Si l’île est si belle architecturalement, c’est grâce à ses carrières de pierre (la pierre est appelée Mares), de véritables musées à ciel ouvert. Le site de Lithica est un lieu unique et vertigineux. La Pedrera de S’Hostal est une ancienne carrière sous ma menace d’être délaissée a été transformée en jardin et en lieu de spectacle où concerts et théâtre occupent les lieux pendant l’été. La hauteur des murs est très impressionnante et on trouve à proximité d’autres carrières en activité.
Le Totem est le nom d’une énorme sculpture qui se dresse dans la carrière comme préservée des découpes de pierres. Dans le fond de la carrière, un labyrinthe fut créé pour animer l’espace. La pierre Mares a été utilisée pour construire la plupart des monuments de Minorque.


La Forteresse de Mahon, la plus grande en Europe, est exceptionnelle. Construit par les Britanniques à partir d’un ancien fort espagnol, c’est sur ses ruines que l’édifice, dit « La Mola », a été achevé en 1853 par Isabelle II. Forteresse qui fut successivement transformée en centre pénitentiaire durant la guerre civile puis en prison politique où furent exécutés de nombreux prisonniers avant de devenir une caserne. Dédales de couloir interminables puis surface impressionnante de remparts, la forteresse est un très bel exemple de construction militaire. Ironie du sort, la Forteresse ne fut jamais attaquée, ce qui lui permit de demeurer dans un très bon état de conservation.
Née au deuxième millénaire avant notre ère, c’est surtout la culture Talayotique, née à Majorque, qui m’a le plus séduit. Talayots signifie tours de guets. Ces vestiges et ces sites sont en parfait état de conservation. Je les ai visités avec plus de 40 degrés C mais zéro touristes, ce qui rendait plus intéressant cette visite où le seul bruit était une cacophonie permanente de grillons. Des monuments dignes des menhirs et des dolmens, pas néolithiques mais Talayotiques.


Pour visiter ces lieux, dont certains sont éloignés, il faut savoir les pénétrer et les observer. Faire aussi preuve d’imagination pour tenter de faire revivre ces villages, parfois troglodytes, où les maisons et silos de protection des récoltes étaient construits en terre autour des lieux de cultes, tel le village de Talati de Dalt.
Le village de Torralba d’En Salord est préhistorique, la Taula de Torralba en est le lieu le plus significatif. Le site a été occupé de l’âge de bronze au Moyen Âge, en passant par l’âge de fer et la romanisation. Le village de Trepulco proche de Mahon est impressionnant au coucher du soleil par sa construction pyramidale élevée et ses menhirs bien restaurés.

Nécropoles, tours de guets, pyramides triangulaires ou circulaires, menhirs dolmen, tout est là pour faire revivre cette civilisation Talayotique. Dessiner in situ ces lieux sans âge dans une chaleur statique était un défi d’endurance. Tous ces sites Talayotiques, datant des XIVe et XIIIe avant notre ère font également partie du patrimoine culturel mondial de l’UNESCO.
Jean-Pierre Heim, architecte
“Travelling is an Art”
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