Une ZAC parisienne menée par Elogie-Siemp dans le XIIIe arrondissement. Trois lots avec quatre architectes pour trois bâtiments au service d’une même typologie, le logement social. Visite groupée.
Le 4 décembre 2019 avait lieu la visite de la phase 2, imminemment livrée, de la ZAC Paul Bourget située dans le XIIIe arrondissement de Paris, entre le boulevard des Maréchaux, l’avenue de la Porte d’Italie et le boulevard Périphérique, à proximité du parc Kellermann. Un contexte urbain et architectural particulier, contraint et bruyant, semé de nuisances auxquelles les architectes de la phase 2 ont dû répondre sans faille. De la contrainte peut aussi se dégager une certaine élégance.
La phase 1 de la ZAC aménagée par la SEMAPA avait été livrée en 2016 sous la forme d’une proue de deux immeubles de 62 logements en structure bois imaginés par les architectes de l’agence Koz architectes. Déjà, le périphérique s’était avéré un voisin complexe à amadouer.
Début 2020, c’est donc le deuxième morceau du renouveau du quartier qui a vu le jour avec la reconstruction de trois bâtiments de 197 logements sociaux et un local commercial autour de la partie sud de la ZAC. La phase 2 avait commencé par la démolition d’une barre de logements inadaptée aux besoins d’aujourd’hui, les nouveaux bâtiments devant reloger une grande partie de ce contingent de locataires.
Un concours avait été organisé en 2014 dans une dynamique urbaine ambitieuse, pour la conception des trois lots. Naud & Poux a ainsi dessiné le lot 5 en binôme avec Martin Duplantier sur le lot 7, tandis que le lot 8, a été attribué aux agences Vous êtes Ici architectes et Nomade architectes.
Les trois bâtiments trouvent place autour d’un parc paysager qui prend doucement forme et qui fait la part belle aux cheminements piétons, dégageant également des vues végétales dans un quartier très minéral et agité. Un morceau de ville recrée ainsi l’urbanité voulue.
Pour créer cohésion et densité urbaine, les bâtiments des agences Naud et Poux et de Martin Duplantier ont été « imaginés ensemble autour d’une variation sur des matériaux semblables afin de porter une voix commune », explique Elizabeth Naud. « La façade minérale blanche se développe sur onze niveaux, dont huit courants et trois atypiques, qui animent la Skyline parisienne », poursuit Luc Poux. Des volumes en attique permettent de rompre la massivité du bâtiment tout en conservant la densité demandée dans le programme.
La matrice en façade a été réinterprétée par Martin Duplantier. Le projet développe une volumétrie extrêmement rationnelle, tramée sur une « matrice à habiter ». Si le vocabulaire diffère de ses voisins, notamment grâce à des jeux de façades différentes sur le parc et sur la rue, les matériaux sont identiques et seule la colorimétrie change. Le monolithe noir et acéré s’oppose alors au bâtiment signal clair. « Nous avons mené une réflexion sur le bois, jusque dans les sous-faces des balcons, et son rapport aux autres matériaux », souligne Martin Duplantier.
Les lots 5 et 7 jouent de la densité et de la compacité architecturale pour offrir 78 et 44 logements de grandes qualités spatiales, vastes, traversants dans une grande majorité et tous dotés de généreux espaces extérieurs. Certains appartements atypiques des étages en attique du lot 5 peuvent compter jusqu’à trois terrasses / balcons, un luxe parisien qui permet de profiter de larges vues dégagées vers Paris et la banlieue sud.
Ces deux bâtiments ne se contentent pas d’offrir de beaux logements. « La structure poteaux / poutres porte en façade afin d’offrir des solutions de réaménagement futurs », indique Martin Duplantier, tandis que les associés de Naud et Poux insistent sur « la rationalité de la structure qui permet d’élaborer une équation économique pertinente ouvrant la porte à une matérialité élégante ».
Les lots 5 et 7, positionnés au nord de la ZAC génèrent ainsi des vues sur le parc en jouant avec les orientations les plus qualitatives. Ce qui n’était pas le cas du lot 8 conçu par Vous Etes Ici et Nomade. Implanté au sud, il avait également pour mission de fermer le quartier par rapport au périphérique, extrêmement passant. Les architectes livrent en réalité trois bâtiments en un, aux qualités urbaines nécessaires pour protéger l’intérieur de l’îlot des nuisances sonores, un des enjeux évidents de la ZAC Paul Bourget.
Les trois bâtiments aux hauteurs variées (R+5 à R+8), qui se déploient comme un ruban, ménagent deux larges failles dans lesquelles s’inscrivent des jardins d’hiver. Les habitants pourront ainsi profiter des vues dégagées vers la banlieue sud et le Kremlin-Bicêtre dans des espaces atypiques généreux. « L’effet de masque est également atténué », souligne Julien Paulré, architecte associé de l’agence Vous Etes Ici.
« Pour accentuer l’insertion du bâti dans l’environnement et offrir de nouvelles transparences, la partie sud-ouest est abaissée, alors que la pointe nord-est, rehaussée, profite d’un ensoleillement généreux et d’un effet belvédère », ajoute Raphaël Chivot, de Nomade architectes, en montrant le soulèvement du bâtiment qui permet de faire entrer l’espace public sous l’espace privé, en complicité avec Sophie Alexinsky, paysagiste, et Alexandre Bouton, urbaniste de la ZAC avec son agence Urban-Act.
Le lot 8 accueille également en son sein le parc paysager et ses venelles pour une meilleure insertion du végétal sous un bâtiment aux matérialités très minérales, la brique sur la façade sur rue rappelant les gabarits parisiens tandis qu’un bardage métallique réfléchit le soleil et ajoute de la luminosité en partie nord.
« Dans le cadre de l’expérimentation sur la ZAC Paul Bourget, une convention entre la SEMAPA, GRDF et la Ville de Paris a été établie pour réaliser l’expérimentation d’une gestion intelligente des ressources énergétiques et les innovations favorables aux économies d’énergie », explique Valérie De Brem, directrice générale d’Elogie-Siemp. Ainsi, sur ce programme, il a été retenu la production de chauffage par des énergies renouvelables. « Des pompes à chaleur aérothermiques (Lot 5 et 7) et géothermiques (Lot 8) couplées à des chaudières gaz permettent d’assurer 30 à 50% des besoins avec 30% d’Energies Renouvelables (EnR) », indique Martin Duplantier.
Les trois lots jouent ainsi de points communs et de grandes différences. Chacun offrant de généreux espaces extérieurs, tout en conservant un langage architectural qui lui est propre. Gageons que la phase 3, qui reprend cette même élaboration simultanée, saura également se jouer des contraintes urbaines et sonores de ce nouveau quartier.
Alice Delaleu