Dans le cadre d’un ensemble de 103 logements sociaux (18,6 M€), sur l’îlot Croisset dans le XVIII arrondissement de Paris, l’agence Hardel Le Bihan Architectes a livré en avril 2018 63 logements, commerces et parking, Gaëtan Le Penhuel (architecte mandataire) livrant quant à lui 40 logements et restaurant universitaire du CROUS. Communiqué.
Logements sociaux et commerces
A quelques mètres du centre universitaire Clignancourt, les 63 logements s’inscrivent dans une opération mixte composée de deux immeubles d’habitat social et d’un resto’U, en association avec Gaëtan Le Penhuel Architecte. Les trois volumes bâtis qui composent cet ensemble, clairement identifiables, sont articulés autour d’une porosité nord-sud qui laisse passer le soleil jusque sur le mail Croisset. Le rez-de-chaussée commercial sur l’avenue de la Porte de Clignancourt complète le programme pour redynamiser le quartier.
L’immeuble Hardel et Le Bihan, contenu dans l’angle nord-ouest de la parcelle et en retrait des limites séparatives, permet d’offrir un vaste cœur d’îlot ensoleillé ainsi qu’une prairie plantée sur le toit du restaurant universitaire. Il s’implante dans le respect de la porosité caractéristique de la Ceinture verte parisienne, alternant bâti et percées visuelles vers le coeur d’îlot, en réponse à une densification maîtrisée
Une volumétrie compacte contextuelle et désenclavante
Culminant à R+9, les logements installent une verticalité assumée qui redéfinit l’entrée Nord de Paris et dynamise la volumétrie de l’ensemble. Le bâti emprunte aux HBM voisins un langage de failles, leur grande épaisseur, et réinterprète certaines de leurs modénatures en façade. Il conserve aussi la géométrie en biais à l’angle du carrefour. Cette volumétrie participe à l’articulation des façades nord et ouest, complétée par deux retraits en attique, qui opèrent un mouvement de rotation hélicoïdal.
La conception d’un bâtiment épais, par les porosités qu’elle induit, contribue au confort urbain en faisant bénéficier le mail Croisset d’un ensoleillement direct. Elle permet également d’optimiser les surfaces habitables et d’offrir une quantité de vitrage généreuse en proportion des façades. Afin d’atténuer la massivité du bâtiment, une peau extérieure légère dédouble les façades réelles. Elle brouille les limites du bâtiment et exprime la présence d’individualités moins anonymes dans l’îlot.
Une résille de béton
Cette peau légère revêt la forme d’une résille en béton préfabriqué, constituée de balcons et de poteaux. Elle instaure une esthétique façonnée par l’usage et le contexte. La disposition des balcons repose sur un principe de quinconce irrégulier qui anime les façades tout en optimisant l’ensoleillement et en rationnalisant la quantité d’espaces extérieurs. L’alternance de hauteurs simples et doubles élance le bâtiment et épouse sa verticalité.
La présence des poteaux répond à une double intention : affirmer la suprématie d’un premier plan léger par rapport au second plan que constitue l’enveloppe thermique du bâtiment, plus massive. Mais aussi délimiter et favoriser l’intimité des balcons, afin qu’ils soient vécus comme un prolongement de l’espace intérieur.
L’épaisseur de la résille est travaillée selon le contexte. Aux façades sud et ouest qui bénéficient d’un ensoleillement généreux, est allouée une profondeur de balcon de 1,5 m. Pour celles présentant une orientation nord moins favorable, cette profondeur est réduite à 1m.
Dans les niveaux bas de la façade ouest, particulièrement exposés aux nuisances du trafic sur l’avenue de la Porte de Clignancourt, les balcons prennent la forme de terrasses suspendues d’une profondeur remarquable de 4m. Ils intègrent ainsi le rôle d’espace tampon entre les logements et la ville. Les balcons profitent d’une vue exceptionnelle, complètement dégagée vers la Butte Montmartre et le nouvel horizon du Grand Paris.
Côté jardin, la résille perd son épaisseur d’usage pour être réinterprétée par un relief de béton matricé. L’absence de balcons correspond à l’affectation des pièces, essentiellement des chambres, et à la volonté de ne pas encombrer la percée entre les deux bâtiments de logements. Le relief de la matrice, en saillie de 2 cm, est constitué de bandes verticales de 20 cm de large qui reprennent les proportions des poteaux des autres façades. Le calepin des panneaux préfabriqués sur lesquels sont moulés ces reliefs alternent simples et doubles hauteurs à l’instar des balcons.
Par ces déclinaisons de traitement, chacune des quatre façades est ainsi singulière et habitée, tout en préservant la cohérence de l’ensemble de l’enveloppe.
Matérialité
Le bâtiment, entièrement réalisé en béton, allie deux techniques de mise en œuvre : préfabrication pour les poteaux, balcons, panneaux matricés ; et coulé en place pour les voiles des façades en fond des balcons. La lasure qui protège le béton des agressions extérieures présente des reflets changeants : d’un blanc éclatant au soleil, elle prend une teinte argentée sous un ciel nuageux. La nuance claire du bâtiment présente un contraste fort avec les ombres projetés par la résille et la matrice. La force plastique du projet est mise en avant par la discrétion du camaïeu de teintes gris blanc qui le compose et lui confère une certaine abstraction.
Dans cet immeuble qui fait l’éloge de la compacité, la rationalité des plans n’a pas empêché de doter chaque appartement de qualités propres, et d’individualiser les espaces intérieurs à l’image des terrasses toutes différentes, qui donnent sa particularité à cette interface métropolitaine d’une porte de Paris en pleine mutation.