Le projet de loi ELAN est présenté en Conseil des ministres le 4 avril 2018. Un projet dont des éléments restent en travers de la gorge des architectes. Parmi eux, un collectif se mobilise une nouvelle fois au travers de cette lettre ouverte adressée à Emmanuel Macron le 28 mars dernier.
Monsieur Emmanuel MACRON
Président de la République
Palais de l’Elysée
55, rue du Faubourg Saint-Honoré
75008 PARIS
Paris, le 28 mars 2018
Objet : Loi ELAN – Alerte des architectes : qualité du futur patrimoine architectural et urbain Français
Monsieur le Président de la République,
Le gouvernement prépare la loi sur l’Evolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique (loi ELAN-2018) dans laquelle il est prévu une transformation profonde des modalités de production de l’habitat social, et plus largement du logement.
Par plusieurs courriers et dans une tribune signée par plus de 5 400 architectes, nous vous avons fait part de notre grande inquiétude quant à la baisse de qualité des logements et à la disparition des concours et de la loi MOP encadrant la désignation et les missions des concepteurs.
Nous connaissons la nécessité de réformer le secteur du logement, qui accumule depuis plusieurs années un retard de production et une offre mal adaptée aux évolutions urbaines et sociales. Le logement est aussi un levier très important pour réussir la transition énergétique et écologique solidaire que nous appelons tous de nos vœux. Mais la transformation envisagée induit des conséquences néfastes qui affecteront à long terme la qualité des villes, des paysages et de l’architecture, expression de la culture de notre pays.
La France est un pays de culture, et la manière dont nous aménageons les espaces habités à travers l’architecture est une des manifestations les plus représentatives de notre développement culturel.
Depuis des siècles nous avons su préserver notre patrimoine bâti et le faire évoluer. Ce patrimoine est un moteur essentiel de l’économie française. Il attire plus de 88 millions de touristes par an venus du monde entier. Les étrangers venus visiter notre pays sont émerveillés par la qualité du patrimoine majeur : les monuments classés, les centres villes remarquables, les villages protégés, les paysages inscrits.
Ils sont aussi frappés par ce qu’ils appellent la «mocheness», néologisme franglais qui stigmatise ce mal typiquement français des entrées de ville, des lotissements, des zones d’activités, des grands ensembles, le péri-urbain en général, construits au rabais, plus vite, moins cher, mais jamais mieux.
Ces zones en pleine mutation devraient constituer l’essentiel de la production de ce qui pourrait être le patrimoine de demain.
Pourtant, la qualité n’y est plus.
Vous souhaitez construire «plus, mieux et plus vite». Nous ne pouvons que partager cette ambition. Mais il faut prendre en considération les aspects quantitatifs et qualitatifs si nous ne voulons pas dégrader l’expression bâtie de la culture de notre époque de manière irréversible.
Nous, architectes, acteurs indispensables de l’aménagement des espaces habités, sommes engagés au quotidien au service de l’intérêt général et du bien commun, de la qualité urbaine, paysagère et architecturale des territoires, des villes, des immeubles, des maisons, des logements, de la France.
Nous intervenons sans distinction pour entretenir, réhabiliter, transformer et construire des ouvrages majeurs et mineurs qui façonnent ce patrimoine remarquable, reconnu dans le monde entier.
Notre devoir de conseil nous engage à vous alerter. La suppression des règles encadrant la commande publique d’architecture peut contribuer à créer un futur patrimoine bâti sans qualité qui témoignera de notre manque de vision, de culture et pire, d’une certaine négligence collective. Votre quinquennat ne doit pas être entaché d’une telle erreur. Notre patrimoine urbain, architectural et paysager exceptionnel ne doit pas devenir un ensemble de fragments immergés dans la marée de la «mocheness».
En mars 2017, vous appeliez à «replacer l’architecte au cœur des processus de créations de nos villes, de lui rendre sa capacité à inventer et d’en faire à nouveau un acteur du progrès et de l’amélioration de nos cadres de vie», vous souhaitiez «rompre avec la France moche». Pour ce faire, vous disiez que «la procédure de concours doit évoluer et tendre à redevenir la règle. Les concours d’architecture sont des espaces privilégiés de dialogue, d’échange et de compréhension. Ils doivent permettre aux élus de dépasser l’approche programmatique, fonctionnelle et financière et leur permettre de se saisir de la question architecturale».
Vous annonciez également vouloir vous «appuyer davantage sur l’excellence des architectes et la sensibilisation des acteurs chargés de la commande publique». Nous sommes au service de cette exigence que vous appeliez de vos vœux, et restons à votre disposition pour construire avec vous une loi ELAN ambitieuse et innovante, pour imaginer ensemble de nouvelles règles de fabrication du cadre bâti. Simplifier, construire plus, plus vite et surtout mieux, pour répondre aux énormes besoins sociétaux et défis environnementaux, au service des citoyens, dans le sens de l’intérêt général.
Nous espérons vivement que vous entendrez notre demande et que l’instruction de la loi ne se fera pas sans que nous ayons pu échanger sur nos propositions et que vous ayez pu en amender certains points d’importance.
Dans l’espoir que vous porterez une attention toute particulière à ce sujet majeur,
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre très haute considération.
Les premiers signataires… (liste ci-dessous)
Pour signer la lettre : change.org http://bit.ly/2GWsIgm
La Société Française des Architectes (SFA), Les Architectes Français à l’Export (AFEX), BLOCHE Patrick, ancien Président de la commission des affaires culturelles de l’Assemblée Nationale
(loi LCAP), JACQUOT Catherine, Architecte DPLG, Architecte Conseil de l’Etat, ancienne présidente de l’Ordre National des Architectes, Censi-Jacquot, BECKMANN Aldrick, Architecte DPLG, B / NT,
BONNET Frédéric, Grand Prix de l’Urbanisme 2014, Architecte urbaniste, OBRAS, CHAMPENOIS Pierre, Architecte, élu CROAIF, Champenois Architectes, CONCKO Tania, Architecte urbaniste, Tania
Concko Architects Urbanists, DELALEX Gilles, équerre d’argent 2016, lauréat des NAJA , Architecte DPLG Studio Muoto ; GAHINET Olivier, Président de la Société Française des Architectes ; GANTOIS
Fabien, Architecte DPLG urbaniste, vice-président de l’Ordre des Architectes IDF, AAFG ; GONZALEZ Xavier, Architecte, fondateur, urbaniste, Brenac & Gonzalez & Associés ; GOULET Alexandre, Architecte DPLG, GCG architectes ; Pablo KATZ, ancien Président de la Société Française des Architectes, Membre de l’Académie d’architecture, Architecte Conseil de l’Etat, Pablo Katz Architecture ; JAKOB Dominique, Architecte DPLG, membre titulaire de l’Académie d’Architecture, Jakob & MacFarlane, LECONTE Christine, Architecte DPLG et urbaniste OPQU, Architecte Conseil de l’Etat, Lauréate du Palmarès des Jeunes urbanistes 2010, AKNA ; LIPSKY Florence, Equerre d’argent 2005, Architecte DPLG, docteur en architecture, LIPSKY + ROLLET ; MAC FARLANE Brendan, Architecte Mast of arch. Harvard, Jakob & MacFarlane, MAUPLOT Bernard, Président de Mouvement des Architectes ,Architecte , Babel+Prado ; METRA Brigitte, mention équerre d’argent 2007, membre titulaire de l’Académie d’architecture, Chevalier de la Légion d’Honneur, Architecte Métra & Associés ; PARREIRA Vincent, Architecte, AAVP, PHILIPPON Jean-Paul, membre titulaire de l’Académie d’Architecture, Architecte Conseil de l’Etat ; RAMILLIEN Guillaume, lauréat des AJAP, Architecte, Ramillien Architecture ROLLET Pascal, Equerre d’argent 2005, Professeur des Ecoles d’Architecture, architecte LIPSKY + ROLLET ; ROUX François, Président de l’AFEX, Architecte Atelier 2/3/4…