Les Champs-Elysées perdent de leur superbe, l’Avenue se paupérise avec un chiffre d’affaires constant, et même en augmentation. Que faire pour lui redonner son lustre, pour la rendre désirable ? Le contraire de ce qui est proposé ! Le débat est ouvert. Opposer le minéral, le durable, au végétal, au jetable et à l’éphémère ? Renforcer la place du bien commun dans la ville ? Valoriser la pérennité ?
C’est la plus belle avenue du monde et un projet risque de la dénaturer à partir d’images trompeuses. Il ne s’agit pas de regarder l’histoire de façon nostalgique pour en déduire un avenir, ce dont il est question concerne le chiffre d’affaires et l’attractivité des Champs-Elysées.
Une première leçon nous vient des rues piétonnes qui en ralentissant et en supprimant l’accès aux automobiles (qui elles-mêmes ont remplacé les calèches et les carrosses) ont partout entraîné une paupérisation du commerce. Le ralentissement de la vitesse de déplacement produit une mutation du commerce vers de la consommation rapide, souvent de bas de gamme. C’est le premier constat, le premier regret, et le projet proposé ne fera que renforcer cette tendance. On plante, on verdit, on réduit la surface allouée aux déplacements, c’est la mort annoncée du luxe escompté.
L’avenue des Champs-Elysées est exemplaire parce qu’elle est une succession de séquences remarquablement équilibrées. Le jardin des Tuileries, la place de la Concorde, les Jardins en bas de l’avenue et, après le rond-point, une avenue surprenante par son équilibre, sa végétation, sa lumière.
L’avenue des Champs-Elysées a une origine, le Louvre, et une fin sur la place de L’Etoile. Aucune avenue au monde n’a une telle clarté, une telle simplicité et une aussi belle complexité. Cette composition est le résultat d’une lente maturation, pas d’un délire néoécologiste. La présence de la nature dans la ville ne doit rien au hasard, elle est intimement liée à la présence de la vitesse de déplacement, elle détermine largement les configurations de l’espace de la ville. De la même manière, les aménagements devront être pensés pour l’avenue de la Grande Armée et l’avenue Foch.
Mis à part l’entretien, quelles sont les solutions ? En faire l’avenue la plus propre, la plus sûre, et donc la plus désirable si elle est accessible. L’accessibilité, le stationnement (y compris en surface) est la clef du succès, il ne sert à rien de se le cacher. Ce n’est pas le chemin qui est pris. Il y a une deuxième réponse : augmenter la constructibilité. Où trouver le million de mètres carrés et la mixité qui manquent ?
Faire revenir des activités et des logements permettrait d’assurer la présence, tant désirée, de Parisiens fortunés et susceptibles d’être des consommateurs. Aucune des deux réponses n’est glamour au premier abord, elles souffrent d’un trop grand pragmatisme. Mais à force d’être porté par l’idéologie, on commet, depuis soixante-dix ans, toutes les erreurs d’urbanisme que deux milles ans d’histoire et un regard serein sur l’avenir auraient du éclairer.
Tout le monde sait que les images sont trompeuses mais si la pensée qu’elles supportent ne dit pas comment elle se construit, les quelques baliveaux ne feront que la énième forêt urbaine que les élus de tous bords plébisciteront de façon démagogique. La ville de Paris et l’Avenue des Champs Elysées méritent mieux. Elle est unique au monde, il ne faut pas la banaliser, l’envahir de vélos et de trottinettes.
Le président de l’association des commerçants aura encore plus de soucis à se faire lorsque les Champs-Elysées seront envahis par les food-trucks et les marchands ambulants, le street-food ! C’est encore un autre avenir, nous avions jusque-là échappé à la cuisine de rue.
Alain Sarfati
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