L’intégration d’une maison dans un site arboré ne s’improvise pas. D’autant que, bien maîtrisée, cette intégration devient un élément d’innovation architecturale et d’économie pour le budget… ce dont témoigne cette remarquable maison familiale contemporaine en bois, construite en Haute-Savoie (74) et conçue par l’architecte Samuel Delmas.
Présentation de Samuel Delmas dont l’agence (a+samueldelmas, Paris)
« Le maître d’ouvrage était une famille avec un enfant qui souhaitait construire sa maison principale sur un site arboré en Haute-Savoie. L’arrivée d’un second enfant était prévue mais la famille en compte maintenant trois, c’est plutôt bon signe (rires).
Située sur le coteau sud dans la vallée de l’Arve, la maison fait face à un magnifique paysage : la chaîne des Aravis et la Pointe du Midi. Ancrée dans la pente au bas du terrain, la maison se fait la plus discrète possible : toit plat, volumes simples, petite hauteur et bardage en mélèze naturel sur toutes ses faces. Une fois les volets fermés, l’enveloppe est totalement homogène et les deux volumes minimalistes.
Dans une commune où le chalet avec son toit à deux pentes est la norme, nous avons utilisé un article flou du règlement d’urbanisme qui imposait les pourcentages de pente du toit pour les ‘toitures à charpente’. Nous avons fait valoir que notre toit plat n’est pas à charpente tout en respectant l’aspect ‘traditionnel’ des maisons locales (soubassement maçonné et surélévation). Le maire, peu habitué à l’architecture contemporaine, a pris l’avis de l’architecte conseil du département qui a soutenu le projet. Aujourd’hui le projet a fait école. Notre démarche est toujours de faciliter la relation avec les élus, de ne pas faire des projets ‘extraordinaires’ pour le geste mais de raisonner avec des outils différents. C’est l’un des avantages de faire appel à un architecte pour construire sa maison.
Nous avions également fait valoir l’intégration dans le site. En effet, l’utilisation de matériaux bruts permet de se fondre dans le paysage pour mieux le révéler. « Construire simplement », telle a été la ligne de conduite adoptée tout au long du projet, simplicité pertinente de l’organisation et de la volumétrie. Pour ressentir davantage la relation avec l’extérieur, les ouvertures sont toute hauteur, du sol au plafond, avec des menuiseries cachées. Il s’agit ainsi de ne plus lire une fenêtre dans un mur mais de sentir un fragment de nature dans la maison. Le séjour devient une séquence du paysage.
La lumière est partout présente et qualifie les lieux. Les terrasses étirent le sol du séjour et le prolongent vers l’extérieur, tandis que les grandes menuiseries en aluminium disparaissent dans l’épaisseur des murs. L’espace se dilate et la pièce se dissout dans les arbres ; ses limites deviennent celles du paysage. De nuit, les chambres et l’atelier étant peints chacun d’une couleur différente et les espaces communs laissés blancs, la maison apparaît telle une lanterne magique.
Nous avons conçu, en bonne intelligence avec le maître d’ouvrage, un grand espace salon, salle à manger, cuisine qui, au-delà de la qualité de l’espace, nous permet de limiter le cloisonnement au strict nécessaire et ainsi de rationaliser les coûts. Le raisonnement autour de la multiplication d’éléments similaires – les menuiseries sont conçues avec les mêmes dimensions – participe du même ordre d’idée.
La conception bioclimatique fut un autre axe de raisonnement. L’orientation choisie permet de trouver une grande terrasse à l’ouest, protégée des vents dominants. Les baies vitrées quant à elles sont protégées en été derrière un manteau végétal, alors qu’en hiver quand les feuillus se dénudent, le soleil pénètre largement. Le volume du rez-de-chaussée s’encastre dans la pente. Sa partie nord, ainsi enterrée, profite de l’inertie thermique de la terre. Ce volume comprend : une chambre d’amis, des sanitaires, une buanderie/salle de jeu et un atelier non chauffé. Les performances thermiques de la maison sont remarquables en ce sens que la température intérieure, avec très peu d’énergie, reste quasiment la même toute l’année.
La maison a été construite en ossature bois avec un bardage en mélèze. Elle possède des toitures terrasses bois sur étanchéité multicouches, des menuiseries en aluminium à faible émissivité et à rupture de pont thermique. Le plancher d’étage en porte à faux est en teck massif sur chape avec chauffage au sol, les escaliers sont en béton brut. Autant de matériaux connus qui nous ont permis de rester dans le budget prévu, d’autant que nous n’avons eu aucun mal à trouver des entreprises locales pour la mise en œuvre.
Une anecdote pour finir. Les propriétaires de la maison m’ont rapporté que leur fille aînée, âgée de huit ans, avait dessiné à l’école des maisons carrées, sans toit. Sa maîtresse avait été surprise et intriguée, au point qu’une discussion fut engagée en classe autour de la question ‘qu’est-ce qu’une maison ?’ Cela montre, de mon point de vue, que la culture et l’éducation à l’architecture, qui n’existent pas en France, peuvent être facilement initiées au travers d’une réalisation contemporaine qui revisite sans les heurter les canons de la construction traditionnelle ».
Propos recueillis par Christophe Leray
Programme: maison individuelle ouverte sur la nature, à Thyez, Haute-Savoie.
Maîtrise d’ouvrage : Anne et Fred
Maîtrise d’oeuvre : samueldelmas, a+
Surface S.H.O.N.: 160 m²
Coût de construction : 255.000 euros
Cet article est paru en première publication sur CyberArchi le 30 mai 2007