Fait très rare et insigne honneur pour des architectes étrangers, Romain Viault, à Paris, et Xavier Laumain, à Valence, ont cette année été invités à participer aux Fallas de Valencia, en Espagne. Leur création, intitulée PostNatura, symbolisait la fragilité de la Nature qui se consomme et se consume. Littéralement puisque l’œuvre s’est embrasée. Récit.
En ce dimanche 19 mars, Valence célèbre aujourd’hui la Saint-Joseph, protecteur des charpentiers et des menuisiers, ceux-là mêmes qui sont à l’origine des fallas. Les Valenciens brûlent d’impatience de voir la ‘cremà’, l’apothéose de cette fête espagnole où près de 800 œuvres éphémères s’embrasent à la tombée de la nuit.
Cette journée débute à Castielfabib par une mascletà, spectacle pyrotechnique d’une forte intensité sonore.
S’en suit la «jota», une danse traditionnelle, rapide et sautillante que les falleras costumées rythment avec leurs castagnettes.
Les promeneurs multiplient les photographies. Sourire aux lèvres, ils posent devant notre falla et plantent nos pièces de bois. Ces participations spontanées nous ravissent. Un écureuil semble se promener sous notre arbre.
D’autres animaux se baladent ici. Il s’agit d’espèces en voie d’extinction que les artistes Manusamo & Bzika ont créées pour l’occasion. La réalité augmentée permet à chacun de découvrir auprès de notre arbre une faune virtuelle au destin incertain. Cette œuvre numérique tend à sensibiliser le grand public aux problèmes environnementaux, en accord avec le message véhiculé par notre falla Postnatura.
La fallera mayor (reine de la falla) assiste à la préparation de la cremà. Le pyrotechnicien dispose judicieusement les explosifs. Son objectif et son talent sont que les fallas s’achèvent par un feu majestueux.
Minuit. Le feu d’artifice précède le feu de Bengale.
Le tronc s’embrase rapidement. Les flammes s’élèvent jusqu’à la canopée.
Les branches se consument lentement, de manière homogène. Elles tanguent, rompent, et chutent comme les pétales d’une fleur fanée.
Le tronc carbonisé résiste encore à la vive chaleur. Il crisse, claque et craque.
Il croule enfin, sous les applaudissements et manifestations de joie des falleros. La falla, c’est ce qui fait une belle cremà. Pour reprendre ce qu’avançait Auguste Perret : «l’architecture, c’est ce qui fait une belle ruine».
Les dernières braises sont éteintes. Spectacle émouvant et éprouvant. Un an pour concevoir la falla, un mois pour la fabriquer, une semaine pour la monter, un jour pour l’exposer, et seulement une heure pour l’embraser. Si l’expression formelle est éphémère, la pensée artistique perdure. Si la falla est arrivée à expiration, peut-être inspirera-t-elle d’autres œuvres?
Quelques jeunes pousses que nous avions semées ont échappé au brasier. L’arrivée du printemps célébré par les fallas est un signe de renouveau. Espérons que la nature de l’Homme change afin de préserver la Nature.
Fin de l’aventure. A suivre au burning man ?*
Romain Viault, avec Xavier Laumain
PS : Pour l’occasion et durant toutes les festivités des Fallas de Valencia, Chroniques d‘architecture est devenu quotidien afin de tenir le journal de l’évènement relaté au jour le jour par Romain Viault. Après la «crema», l’aventure continue pourtant pour encore quelques jours. Retrouvez ici tous les épisodes de cette aventure, vers 18h.
*Le festival Burning Man est une grande rencontre artistique qui se tient chaque année dans le désert de Black Rock au Nevada (USA). Elle a lieu la dernière semaine d’août. En 1986, à San Francisco, un dénommé Larry Harvey propose la crémation festive d’un mannequin géant sur la plage de Baker Beach. En 1990, l’événement est déplacé dans le Nevada pour permettre l’accueil, dans une sorte de ville temporaire en plein désert, d’installations (Art Camps) et de participants (Burners) de plus en plus nombreux. (Wiki)