L’agence d’architecture Batay-Csorba Architects a réinterprété le style victorien pour deux maisons individuelles contemporaines, livrées en 2016, tout en respectant tous les codes ou presque de la maison Bay-and-gable* typique de la métropole de l’Ontario. Ce faisant, Andrew et Jodi Batay-Csorba proposent une stratégie de densification dans un quartier historique qui ne s’y prêtait guère. Communiqué.
Le Double Duplex fut créé en réponse aux besoins grandissants de la ville pour un modèle alternatif de logement dû aux coûts croissants des biens immobiliers urbains et au besoin d’une densification au sein des quartiers résidentiels de Toronto. Certes, les appartements qui prolifèrent dans des tours plus ou moins hautes ont permis de densifier le coeur de ville et sont le modèle prédominant pour devenir primo-accédant dans un cadre urbain. Cependant, très peu de nouveaux modèles de densification offrant un habitat relativement bon marché ont été développés dans les quartiers résidentiels historiques de la ville.
Le projet du Double Duplex, qui consiste à remplir une dent creuse, est situé sur la Melbourne Avenue dans Parkdale, un des quartiers historiques de Toronto notable pour ses manoirs de l’ère victorienne et ses maisons Bay-and-gable*. Le site existant fut divisé en deux propriétés distinctes avec pour chacune un bâtiment de 325m² sur quatre étages, l’idée étant de permettre aux propriétaires de louer une des deux unités, voire vendre la deuxième, pour boucler leur budget de construction.
De fait, beaucoup des manoirs existants datant du XIXe siècle ont été convertis en maisons de rapport avant, pour certaines, de redevenir des maisons individuelles, le quartier de Parkdale étant devenu le foyer d’une large communauté d’artistes et d’intellectuels. La géométrie et le gabarit de Double Duplex, en plus de sa texture et des détails de construction, sont un tribut au contexte existant et invoquent les relations entre l’artisanat et l’art local d’hier à aujourd’hui.
«Plutôt que de créer une réplique des moyens et des méthodes du XIXe siècle, nous souhaitions réinterpréter l’existant. Usant d’une abstraction de la typologie envahissante des Bay-et-Gable, le projet devient une réinterprétation d’éléments clés d’architecture et le Double Duplex émerge ainsi comme une réponse contemporaine à son contexte», expliquent les architectes Andrew et Jodi Batay-Csorba.
Ces éléments incluent la masse de la baie qui d’habitude couvre plus de la moitié de la façade frontale, les toits pentus et les lignes verticales, le balcon frontal, les plafonds hauts avec de larges fenêtres qui permettent à la lumière d’atteindre les profondeurs de l’habitat, les ornements, les moulures et l’’expressionisme de la brique’ qui permet de créer une façade d’une riche texture.
La géométrie du Double Duplex prend en compte la structure des maisons adjacentes pour le placement des fenêtres et la hauteur des ouvertures de porte, l’inclinaison des toits et les transitions de matériaux de chaque côté afin de produire des liens spécifiques.
«En tirant parti des techniques digitales de fabrication et l’usage de nouvelles technologies pour ses effets perceptifs, spatiaux et formels, nous traduisons le savoir-faire du XIXe siècle avec un brise-soleil, en bois imputrescible, courant sur deux étages, lequel permet un contrôle tant de la luminosité que de l’intimité», poursuivent les architectes. Durant la journée la lumière est filtrée et illumine les espaces intérieurs avec des effets de lumière éphémères. Pendant la nuit, l’écran apparait comme une lanterne décorative.
Ce projet propose ainsi une stratégie pour une intégration dynamique et spatiale au sein d’un terrain étroit et profond, typique de Toronto. Chaque duplex consiste en deux unités inférieures et deux unités supérieures. Les espaces inférieurs sont sont conçus avec des volumes à double hauteur qui s’épanchent vers des cours creusées, maximisant la quantité de lumière naturelle entrant dans les logements et offrant une transgression du stéréotype d’un sous-sol d’appartement. Les cours sont enveloppées dans des peintures murales réalisées par des artistes locaux. Les espaces supérieurs sont organisés autour d’un atrium en double hauteur qui apporte lumière naturelle et ventilation. Derrière le brise-soleil, deux espaces extérieurs ponctuent les étages tandis qu’un balcon surplombe la rue. A l’arrière, la chambre de maître dispose d’une terrasse.
Créer un environnement urbain actif dans cette rue résidentielle était d’importance primordiale. Une façade moderne et statique ne pouvait se contenter du contexte historique orné. La réponse était de confronter le public avec le mouvement d’une grande installation artistique. Le brise-soleil est incliné de façon à ce que, capturant la lumière différemment selon les moments de la journée, lorsque les promeneurs passent devant, de multiples images apparaissent.
L’écran propose ainsi une variation de figures nuageuses qui renforcent l’abstraction. Pour les artistes et poètes romantiques, les nuages sont une métaphore de la mobilité et de la transcendance. Les nuages sont aussi bien une source de perception qu’un état d’esprit éphémère car ils sont issu un phénomène météorologique éphémère. Ils combinent mystérieusement la visibilité et le volume sans espace. Pour les peintres tels John Constable, les nuages servent à abolir la notion de royaume ; ils complètent l’espace pictural plutôt que de l’aplatir et pointent vers l’organisation de l’image comme une dialectique entre surface et profondeur.
Traduction : A. L.
*Maison Bay-and-gable est le nom d’un type de maison omniprésent dans les vieux quartiers de Toronto. De un ou deux étages, surmontée d’un pignon pointu, elles se distinguent par une fenêtre en saillie (en anglais bay window) qui couvre plus de la moitié de la façade avant. Elles sont le plus souvent construites en brique rouge.