Il ne doit pas être simple d’être candidat à la mairie de Paris. Le greenblabla usuel est manié par tous comme une formule de politesse : on dit forêts urbaines, troisième bois de Vincennes, Central Park parisien, pistes cyclables, circuits courts, agriculture urbaine, comme on dirait bonjour, ça va ?
Mais ce qui était suffisant en 2014, quand il était incongru, voire obscène, de parler d’écologie, est devenu insuffisant aujourd’hui pour se démarquer et faire la différence.
Il convient donc de chercher ailleurs une idée (vite) pour se démarquer. C’est à cette règle que l’on voit les fantaisies fantasmagoriques surgir soudainement comme autant de feux d’artifice extravagants (le déménagement de la gare de l’Est ou celle du Nord, le déplacement des frontières communales, un référendum sur RBnB,…). A se demander pourquoi les candidats ne se dotent pas d’experts crédibles.
Parmi ces prises de position révolutionnaires, certaines sont plus tempérées et consensuelles, comme pour le logement par exemple, thème récurrent. A Paris, les prix du logement augmentent tout le temps par la conjugaison simultanée de la raréfaction du foncier et l’arrivée sur site de nouvelles classes socioculturelles aux exigences démesurées, aux impératifs assoiffés et aux moyens financiers de plus en plus importants.
Par ailleurs, avec une relation ténue avec le logement, le problème sur lequel tout le monde s’accorde est celui de la densité. Condamnée par tous, au titre que Paris (intramuros) a la plus forte d’Europe, la densité ne trouve grâce dans aucune incarnation partisane, comme si la densité était la cause de tous nos maux. Et les pauvres tours en voient de toutes les couleurs vertes quand viennent les élections.
Et si c’était faux ? En d’autres temps, il n’y a pas si longtemps, la densité était adulée quand on imaginait qu’il s’agissait là de la seule façon de ramener une plus grande proportion de végétation dans la ville (cf le plan Voisin de Le Corbusier – Ode à la densité).
La notion de densification de Paris concerne tous les aspects de la vie urbaine : les logements (comment en augmenter le nombre malgré une absence de foncier), les équipements (quel est le ratio optimal d’écoles/habitants), les mobilités (transports en commun déjà saturés, parc automobile en surchauffe), etc.
La génétique nous enseigne comment les espèces en surpopulation s’adaptent. Ainsi l’Umbonia Spinosa (insectes hémiptères de la famille des Membracidae) possède la particularité de surélever sa « termitière » de plusieurs centaines d’étages lorsque la population d’une colonie s’accroît. Un peu comme le corail, des échafaudages en superstructures s’accumulent sur les bases en infrastructure permettant, dès la constitution de celles-ci, de supporter une masse importante ; comme s’il y avait une prévision des surdensités capables d’affecter le devenir de la colonie.
Nul ne connaît le sort des équipements en Umbomia city mais leurs habitants ont l’air heureux et se reproduisent de plus belle entre leur termitière en développement incessant et les arbres dont ils se nourrissent.
Il a été évoqué un moment en haut lieu parisien (Apur) la possibilité de surélever les immeubles existants afin de gagner sur les pigeons l’espace introuvable au niveau du sol.
Pour avoir essayé plusieurs fois, je suis au regret de dire que c’est une fausse bonne idée puisque, outre le droit privé qui s’applique à chaque gouttière déplacée, la voix tragique et théâtrale des ABF se mêle, en plein vol de créativité, à l’obligation d’injecter des millions de mètres cubes de béton dans un sous-sol gypsodissolutif.
Dans le JDD du 2 mars 2020, les candidats à la fonction municipale suprême rivalisent d’ingéniosité pour résoudre le problème immobilier des Parisiens : Rachida Dati propose des solutions bizarres et anachroniques (même si elles « portent » chez les gentrifiés) : débarrasser le XVIe arrondissement de tous ses pauvres et ne plus garantir à ces derniers un droit quasi réglementaire (Droit au Logement) à la pérennisation de leur logement social. Autre solution caricaturale, Danielle Simonet, propose une réquisition hystéroïde et systématique de tous les logements vacants.
Entre ces deux prétendantes, les autres solutions ne manquent pas de faire sourire, comme celle de repousser les limites de Paris pour considérer un parc plus grand afin de fausser les statistiques en vue d’une réélection. Encore faut-il déjà être élu !
Paris est compliquée. La ville compte 2 000 000 d’habitants avec une baisse de la population déguisée : une famille de huit enfants fuit en grande banlieue à cause des prix prohibitifs de la capitale et deux familles de retraités saoudiens arrivent ; deux logements occupés par quatre personnes au lieu d’un par cinq (!), une charge foncière (part du prix du sol dans le prix de vente des logements) au comportement asymptotique. Plus un m² de sol libre (ou si peu), une conspiration d’empêcheurs de danser en rond (ABF, carrières, etc.), et donc comme résultat, plus de dix mille euros le m², et plus personne ne peut acquérir de logement sauf les Saoudiens évoqués ci-dessus ou les ‘brokers’ londoniens en dérive post Brexit.
Comme dirait l’Umbonia Spinosa, philosophe, il y a une solution simple, peu coûteuse et autoritaire sans toutefois spolier personne : la réquisition des toitures pour IMPOSER la surélévation comme seule mesure susceptible de créer en peu de temps et sans foncier plus de 300 000 logements. Les ABF, associations du Vieux Paris, Carrières et autres sont certes des contraintes encombrantes mais l’architecture de ces surélévations est un délice.
François Scali
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