Une perspective enchanteresse du numéricène*, et non des moindres, est le métavers. Pour ceux qui restent coincés dans l’époque du minitel et Chantal Goya, l’explication est la suivante : le terme de « métavers » est issu de la contraction de meta et univers.
Le métavers est un « méta-univers », ou un univers qui va au-delà de celui de notre galaxie quotidienne faite de poursuites de la CIPAV, de confinements et de webinaires de l’ordre des architectes.
Il s’agit donc d’un monde virtuel structuré et ouvert, qui se substitue au monde réel, et qui permet d’effectuer toutes les activités humaines en dehors du milieu usuel pour la pratique de celles-ci.
Ce qui n’est pas sans interroger le sens que prendrait alors la ville, son évolution darwinienne et tous nos propos antérieurs sur le monde merveilleux de l’administration. Que devient tout cela dans le métavers, stade le plus avancé du numéricène ?
Si l’intelligence artificielle permet d’envisager, dans le métavers, la prise en charge de la gestion du monde par des algorithmes, ce n’est pas sans évoquer l’an 2000, dont cette gestion a été si longtemps un mythe absolu provoquant de nombreuses vocations de messianistes millénariens, et autre Phillipus le prophète, proférant des propos hallucinés en mode fin du monde.
« Fin du monde » provoquée sans doute moins à cause du « bug de l’an 2000 », que du trouble causé par la jonction explosive du futur avec le présent.
Pendant des décennies, d’aucuns disaient la voiture de l’an 2000 pour dire la voiture du futur, les immeubles de l’an 2000 pour qualifier l’architecture futuriste Buckminster Fuller ou Tchernikov : toutes les visions futurologistes se qualifiaient par la numérologie d’une époque qu’on atteignait.
Le présent rejoignait le futur.
Cette projection « référentielle » d’une époque sur une autre connaît des méandres anecdotiques lorsque deux époques se combinent pour en produire une nouvelle :
80 = 50 +30
Nous célébrons en cet octobre 2022 le design des années ’80 au Musée des Arts Décoratifs à Paris. Il est intéressant de rappeler, par cette formule, que le design des années ‘80 est issu, génétiquement, du croisement du design des années ‘50 et celui des années ‘30.
Cette hypothèse d’hybridation d’époques se combine avec le messianisme millénarien évoqué ci-dessus pour aboutir à un concept de présent absolu où le passé, le futur et le présent se mélangent dans un même univers virtuel, sans repère et sans le secours de l’administration pour horodater l’heure de réception du courrier recommandé dématérialisé.
Depuis, écueil de la dématérialisation, la lente fusion de la réalité du présent en tant qu’époque a soudain dépassé le futur en tant que mythe à travers le métavers.
C’est donc un monde idéal que développe le métavers où la réalité virtuelle permettra de se jouer des imperfections de l’ineptocratie dans laquelle nous vivons.
Peut-on alors espérer que dans le métavers, l’ingénieur de la voirie parisienne responsable de l’implantation des arceaux à vélo (vraisemblablement en calepinant des entre-axes selon la largeur du vélo usuellement décrite dans le Neufeart) et le désigner de génie qui dessina le fameux « trombone » à vélo échangent leurs réflexions personnelles pour que nous puissions enfin mettre deux vélos entre deux arceaux ?
François Scali
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