Loin des marchés de Saigon, des lanternes de la pittoresque Hoi-an, de l’envoûtante Baie d’Halong ou de la révolutionnaire Hanoi, le Vietnam recèle une richesse multi-ethnique et un éventail de cultures et d’habitats uniques. Notes de Voyage.
Architecture navale dans le delta du Mékong
Le delta du Mékong est un fleuve mythique et une terre nourricière sur et au bord duquel vivent des centaines de milliers de pêcheurs et d’agriculteurs.
Les longues jonques des marchands qui voguent chaque jour vers le marché flottant de Cai Be ou le port flottant de Vinh Long sont, bien plus qu’un outil de travail, des lieux de vie de familles entières.
M’nong, et Jarai : les austronésiens des hauts plateaux du centre
Dans la région de Dak Lak, au bord du lac Lak, un village d’irréductibles M’nong vit encore selon les traditions les plus ancestrales. Installés dans la région de Ban Me Thuot aux alentours du Xe siècle, cette ethnie est originaire de Polynésie et parle toujours le dialecte malano-polynésien originel.
Le village est constitué d’une trentaine de maisons longues édifiées sur un même modèle, sur pilotis, rappelant les habitations de leurs ancêtres insulaires. Deux escaliers sculptés et installés côte-à-côte permettent l’accès. L’un est affublé d’attributs féminins. Il est réservé aux femmes enceintes et aux invités, tandis que son voisin sert l’usage domestique de la maison.
Si de nombreuses maisons restent construites en bois, les jeunes générations s’offrent désormais le confort d’une maison construite avec des matériaux plus résistants tout en conservant cependant les proportions d’origine.
Le village Jarai de la région de Kontum compte une vingtaine de maisons. Il est organisé autour de la maison communale et du cimetière qui occupe une place importante dans le folklore local, notamment pour la cérémonie de l’abandon de la tombe des ancêtres, qui marque la fin du deuil.
Les maisons étaient initialement construites en bambou et toit de briques mais le bois et le zinc sont de plus en plus privilégiés car plus résistants aux intempéries.
Les traditions Jarai tendent à se perdre, en raison de pressions politiques sur cette ethnie qui s’est rebellée contre le pouvoir dans les années 70, la surveillance des passages dans la région, l’interdiction de visiter certains villages, l’émigration des jeunes générations fuyant la grande pauvreté qui découle de ces modes de vie extrêmement rudes, contribuent à la mise en péril de bon nombre de minorités installées sur les hauts plateaux.
Ba Na et Sedang : maisons communales et ponts suspendus en territoire Môn-Khmer
A l’écart des routes touristiques, les villages Ba Na, vivent en autarcie et dans un très grand dénuement. La maison traditionnelle Ba Na est construite en torchis, pour des raisons économiques essentiellement, le bois et le bambou étant beaucoup plus chers. Un point d’eau a été installé dans le village, évitant la descente à la rivière. Comme la majorité des ethnies du centre du Vietnam, les Ba Na sont animistes et pratiquent encore le culte des ancêtres.
Le village d’une cinquantaine de maison est organisé autour d’une vaste maison communale, appelée Nha Rông. Elle constitue un lieu social, un lieu d’apprentissage, un lieu de fête et est utilisée comme dortoir pour les jeunes célibataires. Pour certains, la forme du toit évoque les voile d’un bateau, pour d’autres une hache tandis que d’aucuns y voient les hanches d’une femme.
L’Etat finance la reconstruction avec des matériaux plus pérennes des maisons des familles les plus pauvres, comme il s’occupe de la construction d’écoles et de dispensaires près des villages. Il s’assure ainsi de la coopération politique des ethnies, qui constituent un petit quart de la population du pays.
Ayant subi l’influence des missionnaires chrétiens venus évangéliser les peuples de la région, les Sedang pratiquent la religion catholique. Ils conservent cependant la pratique du culte des ancêtres, et un autel tient bonne place dans l’unique pièce de la maison. La maison Sedang garde les proportions de l’habitat traditionnel des ethnies.
Dans les montagnes du Nord : Détour en territoire Thaï
Avec les Tay, les H’mong et les Khmer, les Thaï forment les plus importants groupes de minorités du pays. Les villages de cette région sont beaucoup plus nombreux mais nettement plus restreints, parfois réduits à quelques maisons.
La minorité Thaï est divisée en cinq sous-groupes. Selon la légende, ce sont les tortues qui ont appris aux Thaï noirs à construire leur maison. Les ethnies minoritaires subsistent pour beaucoup dans le respect des traditions religieuses, sociales et architecturales. Si certaines cherchent volontairement à faire perdurer leur mémoire et leur folklore, le pittoresque relève en réalité d’une forme de très grande précarité.
Les Thaï blancs de Mai Chau protègent et font prospérer leur culture grâce au tourisme, jouant sur l’imagerie locale de la maison sur pilotis, des escaliers traditionnels, agrémentés de tissages colorés réalisés par leurs soins. L’espace intérieur reste dépouillé mais abrite toujours un autel pour la pratique du culte des Ancêtres.
Pavillon Hanoi Mia Design Studio
L’image, les proportions et le volume de la maison traditionnelle des minorités demeurent très présents dans la culture vietnamienne contemporaine. En témoigne notamment le Pavillon éphémère érigé à Hanoï en décembre 2015 par l’agence d’architecture vietnamienne Mia Design Studio.
Léa Muller